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  • En fonction de leur croyance

    « n°44 : Les motifs auxquels on croit.

    Si important que puisse être de connaître les motifs d'après lesquels l'humanité a agi jusqu'à présent : peut être la croyance à tel ou tel motif, donc à ce en quoi l'humanité elle-même a voulu voir et a imaginé à tort jusqu'à présent les véritables ressorts de son agir, est-elle une chose encore plus essentielle pour l'homme de connaissance.

    Les hommes ont en effet reçu en partage leur bonheur et leur misère intérieurs en fonction de leur croyance à tel ou tel motif – et non pas de ce qui était réellement motif ! L'intérêt de ce dernier n'est jamais que de second ordre. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Ce prolongement sur la question de la performativité de la croyance (cf note précédente) vient préciser un point capital. Quel que soit son contenu, Nietzsche y voit une illusion, une mauvaise foi* (a imaginé à tort), un paravent idéologique, qui cache la nudité (possiblement dérangeante) de la réalité des motivations.

    C'est à écarter ce paravent qu'il s'est employé, comme l'ont fait aussi, chacun dans son domaine, d'autres hommes de connaissance, en particulier Marx et Freud.

     

    *Que l'on peut entendre au sens existentialiste, comme dans la fameuse description du garçon de café qui se prend pour un garçon de café. (J.P. Sartre L'Etre et le Néant)

     

     

  • Par erreur

    « n°37 : Trois fois par erreur.

    On a, ces derniers siècles, favorisé le développement de la science en partie parce que l'on espérait avec elle et grâce à elle comprendre le mieux possible la bonté et la sagesse de Dieu – motif fondamental de l'âme des grand Anglais (comme Newton) –,

    en partie parce que l'on croyait à l'utilité absolue de la connaissance, notamment à la liaison la plus intime de la morale, du savoir et du bonheur – motif fondamental de l'âme des grands Français (comme Voltaire) –,

    en partie parce que l'on pensait posséder et aimer dans la science quelque chose de désintéressé, d'inoffensif, d'autosuffisant, de vraiment innocent, d'où seraient totalement exclues les pulsions mauvaises de l'homme – motif fondamental de l'âme de Spinoza, qui, en tant qu'homme de connaissance, se sentait divin :

    – trois fois par erreur, donc. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Pensée bien désabusée … Pourtant, quelles que soient leurs motivations, les croyances qu'il mentionne ont bel et bien été un canal de progrès. Non seulement dans le domaine de la science, mais aussi dans celui de la politique, des sociétés.

    Du coup ces réflexions attirent l'attention sur la valeur performative des croyances. Qui est bien sûr à double tranchant. Si la foi de Newton en un Dieu bon, celle de Voltaire dans la raison, celle de Spinoza dans la connivence entre nature et raison humaine, ont eu des effets positifs, c'est qu'elles étaient elles-mêmes des croyances positives. Ce qui, justes ou pas, peut justifier leur énonciation.

    On peut en revanche rejoindre l'appréhension de Nietzsche : la performativité d'une croyance négative est aussi forte, si ce n'est davantage. Et elle peut faire des ravages, réduire en peu de temps les si fragiles acquis du développement de la science, de la rationalité.

    Je pense inutile de donner des exemples …

     

  • Ajouteurs de mensonge

    « n°29 : Les ajouteurs de mensonge.

    Lorsque l'on commença, en France, à combattre, et par conséquent aussi à défendre les unités d'Aristote, on put voir une fois de plus ce que l'on peut voir si souvent, mais que l'on n'apprécie pas de voir : – on inventa des raisons mensongères pour justifier l'existence de ces lois, simplement pour ne pas s'avouer que l'on s'était habitué à la domination de ces lois, et que l'on ne voulait pas voir cette situation changer.

    Et c'est là ce qui se produit au sein de toute morale et de toute religion dominantes et ce qui s'est toujours produit : les raisons et les intentions qui soutiennent l'habitude lui sont ajoutées par mensonge lorsque certains commencent à contester l'habitude et à demander des raisons et des intentions. C'est en cela que réside la grande malhonnêteté des conservateurs de toutes les époques : – ils sont les grands ajouteurs de mensonges. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Ce passage rejoint celui sur La conscience morale en matière intellectuelle (cf Je ne veux pas y croire note du 22 mars).

    Impossible dissociation de la probité éthique et de la probité intellectuelle, qui met en position clé la notion de vérité et par là son antagonique, son meurtrier, le mensonge.

    Cela nous parle tout autant qu'à l'époque de Friedrich. Il nous est facile d'observer, dans le débat public plus ou moins cadré, comme dans le chaos sans foi ni loi des résasociaux, comment les deux groupes de mensonges s'ajoutent l'un à l'autre, se combinent, entrent en résonance. On (se) raconte des histoires sur le monde et sur soi-même.

    Mensonge intellectuel reposant sur la propagande, les fake news, les bulles de filtre etc.

    Mensonge éthique, existentiel, d'un fonctionnement narcissique en faux self, bien caractérisé par cette expression des cours de récré de mon enfance : untel/unetelle, il/ elle s'en croit.

    C'est bien ce mensonge existentiel qui est la source du conservatisme comme Nietzsche le formule ici, l'impossibilité comme on dit si bien de se remettre en question. On tire le verrou du mensonge sur son confortable immobilisme.

    Et il s'agit le plus souvent de la forme de mensonge qui permet de garder une relative bonne conscience, et que l'on nomme fort justement mensonge par omission : passer sous silence l'élément qui (nous) gênerait ...