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  • Cruciverbiste (26) Demain dès l'aube

    Animent des tables rondes. Solution : spirites.

    On le sait, parce qu'il était désespéré par la mort brutale de sa fille Léopoldine, Victor Hugo se lança dans des expériences de spiritisme, tentant de retrouver sa présence, d'établir une communication entre le père qui est sur terre et la fille censée flotter quelque part, au-delà.

    Mais même avant cette tragédie, notre Totor était un peu perché dans le genre, porté sur les sciences occultes, le paranormal, la croyance en la coexistence de mondes parallèles. Ce qui était assez fréquent chez les poètes, surtout romantiques. Maintenant qu'il n'y a plus trop de poètes et rarement romantiques, ces croyances devraient faire long feu. Eh bien étrangement ce n'est pas le cas.

    Pour en revenir à Hugo, remarquons cependant que cela ne l'empêcha pas d'être en prise avec la réalité sociale et politique de son époque. Bref grâce à lui, on peut dire que le spiritisme a quelques lettres, sinon de noblesse, du moins des lettres tout court.

    Pour ma part, j'ai participé, adolescente, avec des copains et copines (soirs arrosés de fin de vacances) à des tables rondes de ce genre. Les lettres y jouaient précisément un rôle essentiel. On disposait un alphabet sur la table, avec un verre qui se déplaçait pour répondre aux questions posées aux esprits censés passer par là. Il fallait d'abord identifier l'esprit qui se pointait en réponse à nos invocations, en général un mort de la famille d'un des participants (étonnant non ?)

    Puis on l'interrogeait sur l'avenir du monde, et plus souvent sur le nôtre, qui tournait en ce temps-là pour l'essentiel autour de nos histoires de cœur. Genre quelqu'un demandait à l'esprit de son Tonton Truc si Machin était amoureux de Chose ou de Machine, nonobstant le fait que le Tonton ne les connaissait ni d'Éve ni d'Adam (mais bon les morts sont supposés savoir tout du seul fait de leur mort) (faut bien qu'il y ait une compensation).

    À vrai dire, nous savions tous (ou presque) que ces histoires d'esprits n'étaient que du vent, mais on avait bien envie de frissonner un moment au souffle de ce vent, pour le plaisir de se serrer les uns contre les autres dans le cercle magique. Et pour Machin de frôler sur la table la main de Chose, et de la sentir frémir aux réponses de Tonton Truc.

    Les tables rondes de type plus universitaire auxquelles j'ai pu participer par la suite furent, curieusement, des expériences moins palpitantes ...

    En tous cas, la tristesse de Victor lui a inspiré un de ses plus beaux poèmes, une stèle poignante de simplicité dédiée à sa fille chérie. Gageons que l'écrire a été pour ce deuil une consolation plus efficace que toutes ses expériences spirites.

     

    Allez, après l'élévation vers l'au-delà, plongeons (indice) avec : sujet vu en profondeur (4 lettres).

     

  • Cruciverbiste (25) Robert et l'aber

    Résonnent du bruit des rieuses. Solution : rias.

    Ria a pour synonyme aber, les deux désignant une vallée fluviale envahie par la mer.

    Dans le genre il y a aussi le fjord bien sûr, qui lui est une vallée glaciaire (latitude oblige).

    Robert nous apprend qu'aber est un mot breton et ria un mot espagnol, qui s'est ajouté au corpus lexical français moyennant un passage par l'allemand (il ne dit pas en suivant quels tortueux méandres).

    Voilà en tous cas qui a de quoi nous plonger dans des abîmes de perplexité, car aber est justement un mot allemand, qui signifie mais. Exemple : « das Wörterbuch von Herr Doktor Robert weisst ja viele Sache, aber nicht alles ».

    Traduction : ce bon vieux dico Robert sait pas mal de trucs OK, mais il sait pas tout.

    Mais qu'importe, quand le verbicruciste, lui, est inspiré :

    Résonnent du bruit des rieuses … Voilà un bel octosyllabe, aux allitérations et assonances évocatrices en effet du rire des mouettes.

    L'occasion de me laisser porter par ce souffle poétique, et pondre un quatrain genre Hugo à Guernesey (toutes choses égales par ailleurs) :

     

    Quand les rias résonnent du bruit des rieuses

    Sur la lande en écho monte une plainte amère

    Murmure en mémoire des vies laborieuses

    Érodées au ressac des rochers de l'aber ...

     

    Tiens, à propos de Hugo (indice) : animent des tables rondes (8 lettres).

     

  • Cruciverbiste (24) Un quatuor et des duos

    Domine le naïf. Solution : tréma.

    Un autre grand must des mots-croisés, la définition fondée non sur le signifié, mais sur le signifiant.

    Exemple c'est facile au début avec pour solution fa, ou encore passage de pommade avec pour solution po, de ou ma. Une forme de définition très basique mais qui présente l'intérêt de vous donner des lettres qui vont vous permettre d'avancer peu à peu dans la grille.

     

    Domine le naïf c'est déjà un peu plus élaboré, et ça m'évoque un épisode du Nom de la rose.* Guillaume de Baskerville et son novice Adso cherchent l'ouverture d'un passage secret vers la bibliothèque du couvent (où ils savent trouver des infos utiles à élucider la série de meurtres qui décime la communauté).

    Ils ont pour indice la phrase sibylline griffonnée sur un bout de papier trouvé sur l'un des morts : age primum et septimum de quatuor.

    Pousse le premier et le septième des quatre, traduit Adso. « Mais ça ne veut rien dire, c'est quatre, ou c'est sept ? ».

    Et là Baskerville prouve une fois de plus au lecteur qu'il n'a rien à envier à ses illustres confrères docteurs es énigmes, Sherlock Holmes of course (on n'est pas Baskerville pour rien), ou ceux que nous avons déjà rencontré, Maigret, Poirot ou Colombo. Il montre surtout que son créateur est un sémiologue, au fait de tous les jeux possibles entre signifiant et signifié.

    Il repère une inscription sur le manteau de la cheminée, contenant quel mot je vous le donne en mille ? Quatuor. Et Guillaume de pousser les lettres Q et R, soit la première et la septième du mot. Sur quoi le mur se met à coulisser, livrant le passage espéré. « Et voilà », conclut Baskerville avec son flegme tout britannique. Élémentaire, mon cher Adso.

     

    Un must de la fiction en général, ce duo du disciple naïf et du maître initiateur (ça peut se décliner au féminin).

    Basique dans les séries policières, complexifié dans de grands romans comme avec Rubempré et Lousteau d'Illusions perdues, ou bien sûr Candide et Pangloss.

    Et puis, certaines œuvres ont le génie de savoir jouer avec ce duo, le décaler, le rendre paradoxal. Ainsi qui est l'initiateur entre Don Quichotte et Sancho Pança ? Don Quichotte apprend certes, ou veut apprendre, à son serviteur les codes de la chevalerie, mais celui-ci contribue à lui apprendre la réalité (savoir autrement précieux). De même entre Jacques le fataliste et son maître, qui mène le jeu, qui est le maître du récit ?

    Et entre Tintin et Haddock ? Lucky Luke et Rantanplan ?

     

    Mais continuons notre parcours initiatique à nous : résonnent du bruit des rieuses (4 lettres).

     

    *Umberto Eco (1980)