Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 203

  • (6/21) Bon public

    L'adolescent aime poser à l'indocilité, il feint de n'avoir pas envie d'apprendre (du moins ce que ses profs lui proposent, ou ses parents).

     

    Beaucoup de vieux ne font pas semblant : ils pensent vraiment n'avoir plus rien à apprendre (du coup le mot penser se discute). Et ils abreuvent les plus jeunes de leurs conseils et vaticinations. En général sur un mode bougon de mon temps on savait ça, on faisait pas ça, on était plus ci, moins ça…

    Bref c'est le genre de vieux à qui on a irrésistiblement envie de rétorquer le temps ne fait rien à l'affaire. Cela peut d'ailleurs servir de test. Celui qui capte le sous-entendu n'est pas totalement irrécupérable.

     

    Mais si le vieux n'est pas trop con, il sait le reconnaître : tant qu'il y a de la vie il y a de quoi découvrir. Sur le monde, sur les autres. Sur soi-même aussi.

    On gagne en lucidité. Ce n'est pas exactement parce qu'on gagne en intelligence ou vertu.

    C'est plutôt parce qu'on perd : des défenses, des inauthenticités, des vanités.

     

    Et puis tout simplement on apprend parce que c'est tout ce qu'il reste à faire.

    « Notre vie, disait Pythagoras, retire (ressemble) à la grande et populeuse assemblée des jeux olympiques. Les uns y exercent le corps pour en acquérir la gloire des jeux ; d'autres y portent des marchandises à vendre pour le gain.

    Il en est, et qui ne sont pas les pires, lesquels ne cherchent autre fruit que de regarder comment et pourquoi chaque chose se fait, et êtres spectateurs de la vie des autres hommes, pour en juger et régler la leur. »

    (Montaigne Essais I,26 De l'institution des enfants)

     

    Le vieux, fût-il dans une forme olympique, doit admettre qu'il n'est plus dans la course. Il n'a plus grand chose à gagner et encore moins à vendre. Il est de fait assigné à la position sceptique dont Montaigne parle ici.

    Cette place en retrait de spectateur peut être vécue, ça se comprend, sur le mode de la frustration. Surtout pour ceux qui ont eu l'occasion d'avoir des rôles de premier plan, de tenir la vedette.

    Mais même pour ceux qui n'ont eu que de petits emplois, ont joué les utilités, c'est pas facile. Il faut accepter de s'effacer. Ou plutôt d'être effacé.

    Vous êtes désormais transparent(e), et comme disent les jeunes, on ne vous calcule plus autant.

     

    Reste une chose à faire : être bon public. Public actif, participatif, attentif, stimulant, pour aider les acteurs du jour à donner le meilleur d'eux-mêmes.

     

     

  • (5/21) Mal barrés

     

    Adolescence et obsolescence sont dans un bateau …

    C'est quoi cet enchaînement nul ? Première atteinte de la démence sénile ? Retomberais-je, en amont du long fleuve, en enfance ?

     

    Pas du tout. Considérons en effet que l'adolescent et l'obsolescent sont sinon dans le même bateau du moins dans des galères comparables.

    Dans les deux mots le même suffixe latin marquant un processus. Un work in progress si ça vous parle plus (avoir tous les âges touche aussi le langage).

     

    Sans ignorer les enfants malmenés, on peut dire que l'enfance est un monde plutôt stable en général. On s'y s'épanouit dans la sécurité, sous la protection de parents et autres adultes, dans la confiance qu'ils connaissent la vie et savent vous guider (naïveté charmante).

    Mais soudain à l'adolescence tout se met à tanguer. La terre se dérobe sous vos pieds. Perte de repères, incertitude, angoisse (tout ça généralement dénié et converti en diverses provocations).

     

    Et ne parlons pas du narcissisme qui en prend un sale coup, sous l'effet des remaniements physiques qui viennent casser l'image d'angelot ou de poupée.

    Le corps se met à exhiber sa sexuation, provoquant gêne, honte.

    Mais aussi, c'est vrai, nouvelle fierté, parfois sensation d'un nouveau pouvoir. Assorti forcément de nouvelles injonctions (règles, érection : mots parlants). L'anatomie c'est le destin, dit Freud.

    Qu'on le veuille ou non, c'est à partir de l'anatomie qu'il va falloir désormais envisager son destin. Qu'il va falloir assumer son existence en y cherchant liberté et vérité (ce qui implique donc la contestation possible des diverses injonctions sociales liées à l'anatomie).

     

    Période inquiète au sens fort, moment terriblement âpre et rugueux.

    Mais période qui ouvre sur un avenir. Même le plus déboussolé des adolescents a la notion confuse que le papillon finira par s'extirper de la chrysalide.

    Au contraire, même le plus optimiste des vieux est obligé de voir qu'il file un mauvais coton.

    Ses remaniements physiques n'oeuvrent qu'à son délitement. Quant à ses tangages, il y décode le signe avant-coureur du naufrage. Bref le vieux se sait mal barré.

    Deux solutions alors.

     

    Il peut se laisser dériver (conduite parallèle à la provocation adolescente).

    Ou bien il choisit de continuer à ramer avec les autres dans la galère de la vie.

     

    (Quoi métaphore pourrie ? Je ne fais que costumiser une pensée de Pascal).

     

     

  • (4/21) En série

     

    Dans les termes balancés sans ménagement la dernière fois par Robert des Synonymes, on peut distinguer 5 séries.

     

    La série amorti fatigué hors service usagé usé aborde le point de vue physique, j'entends la science physique (ça marche aussi pour le corps oui forcément).

    L'intérêt de ce point de vue physique : il permet de poser que la vieillesse est un gain. Un gain ? Ben oui un gain d'entropie.

     

    La série antédiluvien archaïque antique gothique moyenâgeux rococo opte pour la chronologie historique.

    Sauf qu'on se demande ce que rococo vient faire dans cette galère.

    Et gothique dans cette nef.

    Moyenâgeux ne suffisait pas ? Soit, Robert des Synonymes a pour spécialité de broder sur un thème, mais dans ce cas pourquoi pas roman, mérovingien, carolingien, tant qu'il y était ?

    (J'ai souvent remarqué que Robert Petit brillait rarement par sa logique pure et dure. Mais alors entre nous le cousin des Synonymes …)

    (Dégénérescence du sang bleu ?)

     

    La série caduc démodé dépassé désuet obsolète révolu suranné fait du vieux quelqu'un qui, comme on dit, n'est plus de son temps.

    (Expression résolument absurde)

    (sauf peut être du point de vue quantique ?)

     

    La série décrépit vétuste vieillot sent son BTP, les travaux d'entretien urgents (avant de mettre la baraque en viager je suppose).

     

    La série arriéré sénile accuse les signes avant-coureurs d'Alzheimer.

     

    Reste obsolescent (c'est bien vous suivez).

    Qui d'abord m'évoque une poignante phrase de Montaigne

     

    « Mon monde est failli, ma forme est vidée ; je suis tout du passé ».

    (Essais, III,10 De ménager sa volonté)

     

    (Comme quoi même Montaigne ne fait pas dans la positivité non-stop, ça console)

     

    Ensuite je remarque qu'obsolescent rime avec adolescent.

    Une belle rime riche qui ne peut que nous inciter à creuser le rapprochement.

    Ce que nous ferons la prochaine fois.