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Blog - Page 351

  • Retiens le jour

     

    « À chaque jour suffit sa peine. »

     

    Un autre proverbe considérant l'entropie de la vie.

    Si émouvant dans sa simplicité. La platitude s'y sublime en humilité, le bon sens lapaliste en pragmatisme sans phrases.

    Pour ma part je ne le suis guère, sans phrases (ah ça oui on te le fait pas dire, direz-vous).

    Pragmatique non plus d'ailleurs, ce qui n'est peut être pas sans rapport, mais bon c'est pas le sujet.

    En l'occurrence me reviennent les mots d'Aragon (bien phraseur aussi dans le genre, mais de temps en temps faut reconnaître qu'il nous dégote des pierres précieuses belles comme les beaux yeux de sa blonde) :

    « j'entends leurs pas j'entends leurs voix

    qui disent des choses banales

    comme on en dit le soir chez soi. »

     

    Le soir chez soi. On s'est posé un instant, la tête vide, le corps abandonné, le regard perdu.

    Las des luttes quotidiennes. Invisibles, si banales et indispensables pourtant.

    Et puis un murmure émerge de sa non-pensée, de son absence à soi : à chaque jour suffit sa peine.

    Un peu ragaillardi, on poursuit parfois il fera jour demain

    Et l'on finit, sur fond de musique hollywoodienne, par proclamer avec Scarlett O'Hara Demain est un autre jour.

     

    Demain l'on retrouvera bien sûr les soucis que l'on porte sans cesse avec soi.

    Demain à nouveau il faudra leur faire face. Mais il sera temps demain.

    Pour aujourd'hui il suffit. Et l'on fait taire l'angoisse et on laisse se refaire ses forces.

    Tout un art stoïcien de la patience alliée à la persévérance.

     

    Le sens commun ajoutera, histoire de nous remonter complètement le moral : les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

    Et c'est vrai. Y a pas que les jours stoïciens, y a les jours carpe diem.

    Les bons jours où l'on se lève du bon pied sous un soleil spinoziste.

     

    Les jours où l'on a envie de suivre le conseil de l'ami des Essais :

    « Il faut retenir à tout nos dents et nos griffes l'usage des plaisirs de la vie, que les ans nous arrachent des poings, les uns après les autres. »

    Livre I chap 39 De la solitude

     

     

  • Ni potiches ni godiches

     

    « Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise. »

     

    Visiblement le proverbeur est comme nous tous, en tous cas comme moi : y a des jours il a pas un moral d'acier.

    Le proverbeur, ou sans doute plutôt la proverbeuse, cruche étant du féminin. Comme moi aussi, décidément.

    Notons cependant que ce proverbe, qui s'enlise dans l'aquabonisme, ne renonce pas pour autant à sa capacité métaphoristique (et toc).

    C'est tellement bien trouvé, cette image de la répétitive corvée d'eau, pour dire l'entropie de la vie qui vous use.

     

    Quoique. Je dis métaphore. Mais le proverbe peut se prendre d'abord et tout simplement au pied de la lettre, et la cruche fragile par son anse d'argile.

    Car les corvées répétitives d'entretien de la vie, pompant l'énergie au détriment d'actions plus gratifiantes et créatrices, c'est pour qui les trois quarts du temps sur les trois quarts de la planète (et je prends la fourchette basse), hein ?

    Comme le disait fort justement Maman Simone de Beauvoir, qui n'était pas trop cruche et qu'en avait dans le carafon.

     

    Salut et sororité, à vous toutes les cruches usées.

    Et plus encore salut à vous les cruches vraiment brisées. Brisées dans les affres des guerres et des famines, des viols, des humiliations.

    Cruches lointaines et cruches proches.

    Cruches ébréchées, cruches hébétées, cruches épouvantées.

    Oui cruches brisées, et souvent sans un murmure.

    Mais cruches bienfaisantes, vivifiantes comme l'eau que vous transportez.

    Salut à vous.

     

    J'ai plus de chance : ces terribles brisures me sont épargnées. Je ne suis qu'une cruche comme il en est tant, que l'entropie de la vie use un peu chaque jour.

    Mais qui ne renonce pas à son destin de cruche, qui est de chercher un chemin vers des sources d'eau douce.

    Vers les jaillissements en arabesques d'une belle fontaine baroque.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Signé Eve

     

    « Ce que femme veut, Dieu le veut. »

     

    Voilà un proverbe qui suscite (au moins) deux questions de taille :

    1) Que veut une femme ?

    2) Que veut Dieu ?

     

    1) La question que veut une femme a été posée par Papa Freud soi-même. C'est un fait bien connu qu'il n'a jamais trouvé de réponse.

    En revanche on ne remarque pas assez qu'il n'a pas non plus trouvé de réponse à la question que veut un homme.

     

    Lacan, lui, était du genre à avoir réponse à tout. Sous forme de sentence tranchée. Pour le sujet que nous envisageons : « La femme n'existe pas ».

    Du coup, remarquez, ça simplifie : la femme n'existe pas, donc elle ne veut rien. Donc il serait absurde de lui demander son avis.

     

    Bien que personne ne me demande le mien, je dirais qu'une interprétation féministe de la phrase de Lacan est possible (je ne dis pas que c'était son intention, je ne dis pas le contraire non plus).

    Mais si LA femme n'existe pas, en tant que catégorie idéale et essentialisée, ça laisse la possibilité à toutes les femmes réelles d'exister concrètement et dans leur diversité.

     

    On peut en déduire en outre et en corollaire que l'homme n'existe pas davantage.

    Ce qui permet d'envisager un monde enfin simplement et avant tout humain. CQFD et cf Schopenhauer (voir ce blog 14 janvier)

    Lacan ne veut pas dire tout ça dans sa boutade ? Peut être. Quoique. Qui sait ce que veut un Lacan ?

    Et puis en tous cas moi je dis ce que je veux. Vu que je suis une femme.

     

    2) On pourrait croire que la question que veut Dieu est celle des religions. Mais pas du tout.

    Les religions ont eu de toute éternité un seul fondement et un seul projet : parler à la place de Dieu, telles des ventriloques avec leur marionnette.

    Chose possible uniquement parce que Dieu n'existe pas.

    En effet je sais pas vous, mais pour part si j'étais Dieu j'aimerais pas qu'on parle à ma place. (Déjà que rien qu'en étant moi ça me déplaît).

    Bref c'est ainsi que le fait du dogmatisme religieux démontre l'inexistence de Dieu. Et si c'était ce que veulent les dogmatiques ?

     

    Non je rigole, les dogmatiques du religieux, pas difficile de voir ce qu'ils veulent. Un rapide tour d'horizon de la planète nous le démontre :

    ils veulent le plus grand mal aux femmes, à la jeunesse, à la vie et à l'avenir.

     

    Et pourtant ce que femme veut, c'est pas le bout de monde : juste pouvoir être qui elle est.

    Comme n'importe quel homme, en somme.