Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 370

  • Le temps ne fait rien à l'affaire

     

    « Un vieillard est fier, dédaigneux, et d'un commerce difficile, s'il n'a beaucoup d'esprit. »

    La Bruyère  Les Caractères (De l'homme 117)

     

    Incontestable. Éprouvante expérience que de se confronter à l'aigreur et à l'amertume du vieuxschnockisme. Alors quelle angoisse, quand au détour d'une pensée ou d'une attitude on se surprend un sale jour à vieuxschnocker aussi.

    Quand bien même ce n'est qu'en tant que vieux débutant (parce que bon à mon âge Dieu me rafistole je ne suis pas encore dans la décrépitude totale, hein ?)

    Seulement voilà. Quand c'est l'autre qui est dans le rôle du vieux ronchon, on peut toujours l'éviter, prendre courageusement la fuite. Mais quand il s'agit du commerce avec moi-vieux-schnock on fait quoi ?

    Impossible dans ce cas de s'en tenir juste à « bonjour bonsoir comment ça va on fait aller tant qu'on a la santé hein ».

    Reste une solution : regarder les choses en face, analyser le comment du pourquoi, paramétrer les composantes de sa vieuxschnockattitude.

    Au moins ça occupe. Toujours ça de pris vu que l'aigreur vient assez souvent de l'inaction, la logique spinoziste ne laisse aucun doute là-dessus.

    Vous vous rappelez j'espère : action = joie, passion (non activité) = tristesse.

    Réfléchir, analyser, si ça ne fait pas de bien, ça ne fera pas de mal. C'est d'ailleurs cela, le remue-méninges, qui est l'action déterminante pour Spinoza, celle qui induit tout dynamisme.

    Et c'est vrai qu'il n'y a pas de pire ankylose que la paresse à penser.

    En plus qui sait ça peut nous apprendre deux trois trucs.

    « On ne vit point assez pour profiter de ses fautes. On en commet pendant tout le cours de sa vie ; et tout ce que l'on peut faire à force de faillir, c'est de mourir corrigé. Il n'y a rien qui rafraîchisse le sang comme d'avoir su éviter de faire une sottise. » (De l'homme 60)

     

    Mourir corrigé, ça me fait penser à la phrase de Lacan : « Le but de l'analyse c'est d'en sortir un peu moins con. »

    Bref tout ça pour dire que le vieillard qui a un minimum d'esprit, de lucidité et de capacité d'auto analyse finira par comprendre l'essentiel :

    « L'on espère de vieillir et l'on craint la vieillesse ; c'est à dire que l'on aime la vie et que l'on fuit la mort. » (De l'homme 40)

    Aimer la vie, fuir la mort : oui, voilà. On va dire ça.

     

  • Un monde de brutes

     

    « La cour est un édifice bâti de marbre ; je veux dire qu'elle est composée d'hommes fort durs, mais fort polis. » 

    La Bruyère Les Caractères (De la cour 10)

     

    Voilà qui est vraiment joli. C'est dans ce type de sentences lapidaires (c'est le cas de le dire, s'agissant de marbre) que La Bruyère est le meilleur, je trouve.

    Lisant ceci, je ne sais pas vous, mais je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec nos cours actuelles. Dans les cours siégeant à l'Élysée, au Palais Bourbon ou à celui du Luxembourg, ou encore dans les conseils d'administration, dans l'empire des firmes ou des banques, on fait aussi dans la dureté.

    Et pour la politesse on repassera.

    Tout comme, soit dit entre nous, à la Cour de Loulou le Versaillais : le marbre n'est poli qu'en surface. Car ce qui est en jeu est une politesse qui ne se prouve ni ne s'infirme par des signes extérieurs. Une politesse qui est le contraire d'épaisseur, bourrinitude, bassesse morale.

    La vraie politesse, celle du cœur comme on dit, du coeur attentif.

    Tous ces gens-là, dans un palais ou l'autre, en sont ignorants bien au-delà de leur langage de charretier et de leurs façons vulgaires. Qui ne seraient pas si graves, d'ailleurs, s'il s'agissait d'une stratégie éthique semblable à celle des philosophes cyniques, ou encore mieux, d'un jeu gratuit.

    Mais qui parmi eux connaît le mot de philosophie ou de gratuité ?

    Leur impolitesse est le symptôme criant de leur faiblesse d'ego, de leur déficit de mérite personnel.

    On me dira on ne voit pas comment ils ne seraient pas à l'image du quidam lambda, lui aussi plus souvent qu'à son tour dur et ignorant de la politesse du cœur.

    Pratiquant le même orgueil rampant, aplati devant plus fort que lui, dominant à bon compte le faible (enfant, femme, handicapé, immigré, bref toute personne passible d'une quelconque dépendance).

     

    Conclusion ?

    Notre société est un édifice de béton ; on peut dire qu'elle est composée d'hommes fort durs et vraiment bruts.

     

    - Scrogneugneu ?

    Euh, c'est vrai, tu as raison, lecteur : je crains que cette lecture de La Bruyère ne soit en train de m'aigrir grave. Ou peut être est-ce l'air du temps ?

     

     

     

  • Be yourself ?

    « Il me semble que qui sollicite pour les autres a la confiance d'un homme qui demande justice ; et qu'en parlant ou en agissant pour soi-même, on a l'embarras et la pudeur de celui qui demande grâce. »

    La Bruyère Les Caractères (De la cour 87)

     

    Je me reconnais à 100%, sans me vanter. Quoiqu'à vrai dire il n'y ait vraiment pas de quoi se vanter. Car il s'agit là d'un stupide mécanisme d'échec.

    Juste pour moi, c'est pas la peine : est-ce que je le mérite ? Pensée aussi inutile que ravageuse, dîme versée au sentiment inconscient de culpabilité (dirait Papa Freud), surdité à son conatus (dirait l'ami Spinoza).

    N'empêche je reste toujours stupéfaite devant ces gens qui sollicitent, parlent ou agissent pour eux-mêmes, en trouvant cela absolument normal et justifié. Ils ne leur traverse pas l'esprit une seconde de se demander s'ils le méritent.

    Occuperont-ils avec compétence le poste qu'ils revendiquent ? Feront-ils bon emploi de l'argent ou du pouvoir pour lesquels ils sont prêts à faire tout ce qu'il faut, comme les autres ? Ce n'est pas leur question. Ils veulent ce qu'ils veulent, c'est tout.

    Pour eux c'est un dû, pas une grâce.

    Certains d'entre eux, cependant, sont parfois prêts à solliciter pour les autres.

    1)À condition que cela ne risque pas de gêner leur propre avancement, ou simplement de les gêner tout court, de les importuner un tant soit peu.

    2)Ils le feront d'autant mieux si ces autres les paient d'une manière ou d'une autre pour cela, ou si c'est l'occasion de se pousser eux-mêmes du même mouvement, faisant d'une pierre deux coups.

    Ils seront nettement moins nombreux à se faire défenseurs de la veuve insolvable, surtout si elle est moche, de l'orphelin ingrat au physique et au moral qui oubliera de chanter leurs louanges.

    1)Ce n'est pas que je prétende en être capable, ça va sans dire. Jouer les tartuffes donneurs de leçons, voilà qui serait du dernier disgracieux.

    2)Au passage : d'où la difficulté à trouver le ton pour faire écho à ces sentences désabusées. Un ton pas trop scrogneugneu ni moralisateur. Imaginez-vous combien c'est difficile ?

    3)Ah tiens ne voilà-t-il pas que je parle pour moi-même ? Je progresse.

     

    Bon allez, je vous dis tout. Cette phrase m'a accrochée alors que je ramais sur mon dossier de liquidation de retraite, submergée par un tsunami paperassier et les larmes d'angoisse en découlant.

    Eurêka ! (ai-je pensé) : l'embarras et la pudeur de celui qui demande grâce, voici donc l'explication de ma phobie administrative.

    Car j'en suis un spécimen fort représentatif, et 100% authentique, contrairement à d'autres. Sans me vanter.