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Blog - Page 374

  • Sur la racine de La Bruyère

    En relisant ces jours-ci Les Caractères je trouve que La Bruyère fait vieux schnock plus souvent qu'à son tour, malgré son côté poli et courtisan, son côté versaillo-compatible.

    Plus souvent qu'à son tour. Voilà une expression aussi délicieusement absurde que toutes choses égales par ailleurs. Comme si on disposait de quota autorisés de conneries, de méchancetés ...

    À ce compte pour certains faudrait l'équivalent d'un interdit bancaire.

    Le vieuxschnockisme de Labru éclate dans sa normativité. Péché mignon de quelques auteurs & critiques de l'époque dite classique.

    Qu'ils aient eu envie d'édicter des règles d'écriture, des contraintes, ce n'est pas ce qui me gêne. Chaque génération, chaque nouvelle école le fait, à sa façon.

    Et, comme en bien d'autres domaines, les façons les plus détournées ne sont pas les moins contraignantes, ce n'est plus à démontrer. Donc autant jouer cartes sur tables.

    Mais quand même, oser édicter des canons du goût : là on sort la grande artillerie normative. Le goût canonique pour La Bruyère ? Le sien, what else ?

    Bon d'accord c'est spontanément le cas pour chacun de nous, quelque effort que nous fassions pour nous décentrer. Mais lui il y va sans vergogne :

    « Il y a dans l'art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature. Celui qui le sent et l'aime a le goût parfait (suivez mon regard) ; celui qui ne sent pas, et qui aime en deçà ou au-delà (et quand on dépasse les bornes y a plus d'limites j'vous l'dis scrogneugneu) a le goût défectueux (défectueux !!). Il y a donc (voilà un donc vite hasardé) un bon et mauvais goût, et l'on dispute des goûts avec fondement. »

    (Des ouvrages de l'esprit n°10)

    Il est de salut public de s'inscrire en faux contre le relativisme moral : oui, il y a des valeurs nécessairement universelles sous peine de renoncer à faire humanité. Leur mépris, de quelque façon qu'il soit argumenté, produit donc (un donc pesé celui-là) des effets déshumanisants.

    Mais le relativisme esthétique : quoi de plus constructif ? Disputons des goûts. En évitant le ridicule de décréter : ceci est bon, ceci est mauvais. Dans le plaisir de découvrir d'autres façons de penser et de ressentir.

    D'ailleurs, tel l'arroseur arrosé, Labru a essuyé les dégâts collatéraux de son terrorisme esthétique. Comment ne pas sentir le vécu dans :

    « Il n'y a point d'ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent chacun l'endroit qui leur plaît le moins. » (Ibidem 26)

    Eh oui, on te le fait pas dire, vieille branche ...

     

     

     

  • Pas zélé

    C'est quand même pas de la tarte le programme du concours. Ces histoires de temps, de paradoxes, de paradoxes temporels, ça commence à bien m'embrouiller. Pourtant je suis pas nul, j'ai le niveau.

    À peu près. Oui OK ça dépend forcément de la barre, c'est ça un concours. Et la barre elle arrête pas de grimper, je sais. Je la frôle j'en suis sûr. Mais frôler suffit pas.

    J'y arriverai pas sans aide.

    Faut que je trouve quelqu'un. Joséphine, tiens, elle est vraiment balè … euh elle assure. Ça devrait pas être trop dur de la convaincre, elle me calcule grave, je l'ai senti, j'ai l'instinct pour ça.

    Bon, j'y vais « Allô, Jo, ça va ? Devine c'est qui  » …

    Comment qu'elle m'a jeté, c'est décevant. Franchement je la croyais sympa cette meuf, en vrai c'est de la graine de taspé. Grave. Enfin résultat des courses, va falloir que je me débrouille tout seul avec les présocratiques, avec le Schopenhauer qu'est pas facile à choper, l'Heidegger qui l'est guère non plus.

    La philo, c'est pas le gai savoir tous les jours, c'est moi qui vous le dis.

    « Comment définir la notion de limite temporelle à partir du rapprochement des deux affirmations suivantes ?

    a) Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous un certain aspect d'éternité (sub quadam aeternitatis specie).

    b) L'éternel sablier de l'existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières ! »

    Comment ? Mais comment je le saurais, hein ? Franchement moi je dis ces profs c'est tous des sadiques. Ou des fous. Comme leurs philosophes. Non mais c'est vrai quoi.

    Entre le mec fort en éthique avec son éternité qui en est pas une tout en étant autre chose (si je résume), et l'espèce d'allumé qui dit tout et son contraire, puis le contraire du contraire … C'est sûr lui le sablier il le renverse, il arrête pas.

    Bon bref ça sert à rien de s'énerver j'ai pas vraiment le choix. Alors voyons elle est pour quand cette dissert ? Le quin ... ? Mais c'était hier ça … Merde ! Tant pis j'écris un truc vite fait, et je joins un mot d'excuse, oui voilà.

    « Monsieur,

    Ayant malencontreusement renversé mon sablier, je me suis cru hier alors que c'était déjà demain. Mais on peut raisonnablement penser, du point de vue de l'éternité, qu'il n'est jamais trop tard pour faire n'importe quoi. C'est pourquoi je vous adresse mon devoir ci-joint.

    Avec mes respects,

    Zénon »

     

     

  • Bye bye lit grec

     

    Salut à toi ô père Homère, ô mon créateur au calame alerte, ô mon Papounet grec. Moi Pénélope, ta fille, j'ai deux mots à te dire.

    Voilà un sacré paquet de siècles que j'en ai gros sur l'amphore. Mais longtemps j'ai été retenue par le respect dû à ta tête couronnée de neige. Retenue surtout par l'habitude de filer doux.

    Car j'ai beau être une des femmes au caractère le mieux trempé de la littérature mondiale, je sais pas comment t'as fait ton compte : la postérité ne voit en moi que la nunuche de service qui passe son temps à faire tapisserie en tenant les murs.

    Pendant que son mec, lui, non seulement s'offre une croisière en Méditerranée aux rives d'or ensoleillées, mais en plus file le parfait amour avec toutes les bellasses aux charmes botoxés qu'il croise. On peut virer féministe radicale pour moins que ça.

    J'ai pourtant passé l'éponge, une éponge comme il se doit arrachée par les plongeurs au domaine de Poséidon, aux profondeurs de la mer lie de vin.

    La Sainte Nitouche chère au marin au rouge bonnet (au point qu'il donna son nom à sa nef dont la renommée aux cent bouches n'a pas oublié les exploits scientifiques), les Sirènes au chant casse-oreilles, sans compter tout ce qu'on sait pas (je parie que tu nous as pas tout dit, solidarité masculine oblige) : moi bonne fille, et surtout ta fille, longtemps j'ai fait genre je vois rien.

    Mais figure-toi que pour meubler mes longues soirées solitaires, tandis que je détricotais mon Aubusson, une esclave à la diction luchinesque me lisait le bouquin d'une consoeur à toi, la philosophe au turban chic.

    Et mine de rien, en deux fois dix ans, l'idée a fait son chemin.

    Si bien que ce matin, à peine l'aurore avait-elle insinué, à travers la jalousie, l'un de ses doigts de rose, je me suis tournée vers le héros aux mille ruses qui partage ma couche.

    Et j'ai dit à ce frimeur :

    « Ô époux valeureux, ô héros de la guerre où périrent tant de braves Achéens, tel Achille aux bouillantes colères, tel …

    - Abrège, ô mon épouse fidèle.

    - Je te quitte. »

    OK qu'il a dit. Vexant.

    Mais bon c'est pas ta faute, Papa Homère. Seulement là où tu nous a fourrés dans de sales draps, c'est avec quoi ? Pas besoin d'être Cassandre pour le deviner, hein ?

    Ta fameuse idée : le lit conjugal sculpté dans le tronc d'olivier, enraciné dans la chambre, au cœur du palais. Je dis pas, sur le papier ça fonctionne, métaphore géniale tout ça.

    Mais quand faut se débrouiller dans la réalité, c'est pas du tout la même chanson.

    Qui dit divorce dit partage du mobilier. Et toi tu nous as inventé le mobilier immobile. Alors le macho aux mille ruses : « Par Athéna au regard pers qui me protégea pendant la guerre de Troie, ce lit grec j'ai fait, ce lit grec je garde. »

    Et ne faisant ni une ni deux, il a scié l'olivier au ras des racines.

    « Ça me fait penser à nos créanciers du FMI » a dit mon ami Alexis, songeur.