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Blog - Page 386

  • La journée des talents (8/8)

     

    « On vous a vus, Kévin et moi, écrire la lettre : c’est vous les balances …

    - Foutez-nous la paix ! C’était dégueulasse. On pouvait pas laisser …

    - Ouais et le résultat c’est que Rémy aussi il est mort maintenant, le pauvre, égorgé grave, il paraît que ça pissait le sang partout …

    - Trop fort ! Comme les vidéos sur internet ?

    - C’est sûr c’est moche, mais pour Augustin aussi c’était ...

    - Ils ont eu raison pour leur lettre : c’était un crime, les mecs, un crime !

    - Oh toi, Coralyne l’intello ... »

    Claire, elle, est restée seule, sous un platane de la cour, à l’écart de tout ça. Depuis avant-hier Claire a un grand trou dans le cœur. Elle revoit le regard d’Augustin, elle essaie de retrouver sur ses paumes la chaleur de sa main, elle cherche le silence pour entendre sa voix un peu rauque lui redire Ma chérie à moi 

    Claire n’a dit à personne qu’Augustin c'était son amoureux, et elle ne le dira pas. Ça restera leur secret, leur lien à travers cette chose qui s’est mise entre eux. Cette chose aux voiles noirs.

                                                                                                                                           ***

    « Depuis le début, tous, je les avais vus ».

    Hélène sursaute. La voix, brève, basse, est venue d’un coin du bureau, dans l’ombre. Elle se retourne.

    « Vous n’aviez pas vu M. de Cournonterral, Madame, je suis désolé. En fait, il allait faire sa déposition quand vous êtes entrée.

    - Sa déposition ? Tu sais quelque chose, Justin ? »

    D’un geste léger de la main, il se contente de désigner, sur le bureau de Gaëtan Bondil, un objet qu’elle n’avait pas vu. C’est un couteau, dont la lame triangulaire est pointée exactement vers elle.

    « Poignard aztèque du milieu du XV° siècle. On voit le même représenté dans la tombe du roi Moctezuma.

    - Justin ! ... Tu n'as pas fait ... ça ? » Son regard de loup. Son sourire d'ange.


    "Il fallait bien que quelqu'un le fasse."

                                                                                                                          ***

    Dramatique coup de théâtre et fin d'une malédiction.

    Avec la succession des meurtres qui ont endeuillé le riant village de Dormez en moins de 48 heures, terrible accélération de l’actualité sous les coups de boutoir d’une folie exterminatrice ! Mais l’heure n’est pas à la philosophie, l’information doit reprendre ses droits. Le coupable de l’horrible assassinat du jeune Rémy S. s'avère être un enseignant du collège, déjà soupçonné en d’autres lieux pour une grave affaire de pédophilie. Ce dont l’enquête nous le souhaitons ne manquera pas s'étonner, c'est qu'il ait pu continuer sans coup férir son métier d’ensaignant.

    « Je me garde naturellement de l’accabler, je respecte la présomption d’innocence, mais c’est un devoir d’empêcher de nuire des personnes qui, il faut bien le dire, ont un comportement plus bestial qu’humain.» Monsieur P. nous a précisé dans la suite de l’entretien qu’un groupe de personnels du collège s’était par ailleurs porté partie civile dans l’accusation.

    L'infirmière confirme que sans vouloir hurler avec les loups, elle a elle-même plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme. Madame F., responsable du CDI du collège, nous a fait part de son intuition. « J. de C., j’ai vu tout de suite que ce n’était pas un bon vivant. Il y a des signes qui ne trompent pas. »

     

    Hélène repose le journal. Il sort, c’est lui, voilà. Sa haute silhouette encadrée de deux policiers. Il a remis ses lunettes noires. Elle est restée dans un coin sombre de la cour. Eux, ils sont là, au milieu, au soleil. Il leur adresse un sourire. « Vous avez vu, il nous nargue, le salaud ! » s’écrie Alain Petitgarçon en mordillant furieusement sa moustache.

    Justin de Cournonterral leur fait face un instant. Puis il détourne la tête et on l'emmène, sans que le sourire ait quitté ses lèvres.

    Son sourire étrange et beau, son sourire d'ange.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La journée des talents (7/8)

     

    « Harpagon ???

    - Ouais, la pièce, vous connaissez pas ?

    - L’Avare ? Quel rapport ?

    - Ben l’Avare, Harpagon quoi, c’est le rôle principal et c'est Augustin qui l'a eu. Vous savez un peu les notes qu’y tapait en français, Augustin ? Bram ... dame Bracieux elle note vache. Lui, toujours au-dessous de la moyenne. Et elle lui a quand même filé le rôle principal dans la scène 3 Acte IV, vous captez un peu ?

    - Euh, je ...C’est à dire je n’ai pas vraiment la scène en tête ... Mais continue.

    - Avec François Maugard l’intello de la classe, pour faire Cléante, le fils. Avec moi il a pas voulu, François. C’est son chouchou, à Bramer euh  ... Mme Bracieux. Ses chouchous c’est en haut ou en bas, quoi, mais au milieu, là, jamais. C’est pas juste. Moi elle m’a jamais remarqué. Juste ce qu’elle fait, elle me file un devoir supplémentaire soi-disant que j’ai bâclé l'exo. Je sais lui faire, son exo de débiles. Moi aussi je pourrais si je voudrais en avoir des 18. C’est pas juste ... C’est comme quand moi je fais une vanne, ça la fait jamais rire, elle me dit que je suis enfantile.

    - Tu ne jouais pas, toi, dans la pièce ?

    - J’avais pas bien fini d’apprendre mon rôle. Bracieux, si c’est pas parfait …

    - Et Augustin, c’était parfait ?

    - Lundi, après la répétition, elle lui a dit un truc genre parfait cette dureté dans le regard d’Harpagon. Elle avait oublié ou quoi ? Les colles, les bagarres, et ses sales notes de merde, à Augustin ... »

                                                                                                                         ***

    Elle vient d’apprendre par le principal : « C'est un fait que Rémy Sauvagnet, oui, saigné à blanc comme par une ... bête sauvage, par je veux dire … une chose c’est un fait que ... une chose monstrueuse … »

    Il lui faut parler au Commandant Bondil. C’est elle la seule coupable. Depuis le début.

    « Leur faire jouer une pièce aussi … une bombe à retardement, un concentré de brutalité, d’instinct primaire. Catharsis, des mots ! La preuve.

    Comment a-t-elle été aussi aveugle, ne pas voir venir l'incroyable rage du petit Rémy. Comment se douter, un élève aussi … aussi peu ... son ricanement niais, son mâchonnement perpétuel de bonbons. Ni l’humilité du travail ni l’audace du défi, juste gonfler la bulle de son chewing-gum et de son personnage.

    Oui elle avoue : elle a horreur de l'insignifiance. Oui, elle est dure, tranchante voilà, comme le couteau qui ... Voilà la vérité. Et d’abord, si elle n’était pas dangereuse, sa fille, sa petite fille … »

    Hélène a fondu en larmes, elle n'arrive plus à s'arrêter.

    « Calmez-vous, Madame Bracieux. Rien de tout cela n’est en cause, je vous assure. Le meurtrier de Rémy est celui qui a pris le couteau, et lui seul.

    - Oui, mais il n’aurait pas tué Rémy si Rémy, lui, n’avait pas tué, n’avait pas jalousé Augustin à ... oui, à mort, donc si Augustin n’avait pas joué. Ah si seulement il ne s’était pas donné la peine d’apprendre ce foutu rôle ... C’est comme si c’était moi qui ... J’ai désigné sa victime à Rémy, et du coup l’autre, le meurtrier, à son tour il a vu Rémy … »

     

    « Depuis le début, tous, je les avais vus ».

     

    À suivre.

     

     

  • La journée des talents (6/8)

     

    « Ça va être dur de tirer quelque chose de tout ça, hein, Chef, qu’est-ce que vous en pensez ? Il y aurait peut être la déposition du prof de physique ? La plus intéressante non ? »

    Patrick Taxil est un sérieux, lent de parole et de geste, malgré sa jeunesse. Il présente un mélange de circonspection et d’absence d’imagination qui a le pouvoir de réconforter son supérieur, un peu comme l’odeur du café le matin après les cauchemars de la nuit.

    Mais pour cette affaire, Taxil manifeste un certain enthousiasme. C’est son premier meurtre. Ça compte dans une carrière.

    Et puis il est cousin par sa mère avec les Duras, le commandant l’a appris à cette occasion. « Ça n’a rien à voir, je suis un fonctionnaire, mais quand même les liens du sang. »

     

    « M. Petitgarçon, ce qu'il a dit sur son collègue, hein ? C'est vrai, les histoires de pédophilie y en a plus qu’on croit. Je sais bien que le rapport du légiste n’indique pas ce genre de, mais le meurtrier a pu être dérangé. D’ailleurs le Cournonterral, il est bizarre, non ? Déjà lui arracher trois mots, c'est la croix et la bannière.

    - Il n’est pas bavard, c’est son droit.

    - Et un suicide à cause de harcèlement pédophile ? L’infirmière, elle …

    - Se suicider au sac plastique, faut y aller, non ? Et d’après la déposition de Mme Bracieux, la prof de lettres …

    - Assez dépressive d'après M. Petitg …

    - Si l’on s’en tient aux faits, Duras était très motivé par une scène qu’il devait jouer à la fête du collège. Il ne se serait pas suicidé de trac ? Si ?

    - Oh Chef, c’est mon cousin quand même !

    - Excusez-moi, Taxil, je ne voulais pas vous blesser. Vous savez ça m’aide à réfléchir, un peu de distance. Bref il faut attendre le relevé des empreintes sur le sac plastique. Pour l’instant, ce que nous savons, c’est que seuls n’ont pas d’alibi ce Cournonterral en effet, la prof de math et l'infirmière.

    - Ah oui, la prof de math, celle qui fume comme un pompier, une dépressive aussi, non, Chef ?

    - Vous la voyez maîtriser un garçon grand et nerveux comme Duras ? En plus franchement le mobile, je vois pas ... Pas plus d’ailleurs avec l’infirmière …

    - Pourtant elle, côté carrure, hein, Chef. Et le sac plastique, il venait d’où ?

    - Au Bonbon des Gorges, maison fondée en 1937. »

                                                                                                          ***

    Chair Mr le comisère,

    Nous ont veut pas faire les balance mes sait trop grâve suretout qu’Augustin s’était un copin. Le coupable on la vue c'est Rémy Sauvagnet. Voila, interroger le, Mr le commyserre.

                                                                                                                                  ***

    « Est-ce que tu peux essayer de m’expliquer pourquoi tu as fait ça, Rémy ? Tu le connaissais bien, Augustin, vous étiez dans la même classe …

    - C’est à cause d’Harpagon. »

     

    À suivre.