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Blog - Page 491

  • B.attitude (2) Sans commentaire. Ou presque.

     

    Direct-nu oblige, d'abord un premier contact avec le texte tel qu'en lui-même. Voici un bref parcours de citations faisant écho au résumé tenté la dernière fois. Je réfère çà et là au latin dans lequel le texte est écrit, pour aider à peser certains mots. Et à s'interroger sur leur sens.

    Car Spin précise Mon dessein n'est pas d'expliquer le sens des mots mais la nature des choses, et de désigner celles-ci par des vocables dont le sens usuel ne soit pas complètement incompatible avec le sens que je veux leur donner dans mon usage, que cela soit dit une fois pour toutes. (Partie 3, explication après la définition 20 – Indignation)

    Chef oui Chef. Petite semonce qui implique aussi, à son revers, une implicite autorisation à explorer dans la lecture tout le pas complètement incompatible. Je le prends ainsi. Quant à l'astérisque, elle signale une (très légère) reformulation de la traduction de B. Pautrat. De toutes façons il s'en fout, vu qu'il ne lira pas ce blog. Quand bien même, il ne m'en voudrait pas, j'en suis sûre.

     

    Je l'ai remarqué, les gens qui sont au milieu de Spinoza (comme dit Deleuze dans une superbe formule) sont souples et tolérants. Imprégnation, sans doute. Ainsi les platoniciens sont souvent bavards, les nietzschéens parfois un peu marteau, les kantiens régulièrement névrosés obsessionnels limite psycho-rigides, les existentialistes dépressifs-résilients, les épicuriens écolos, les cyniques mordants etc.

    Toutes raisons pour lire (outre tout cela si on veut) encore et toujours Montaigne, parce qu'avec lui on est soi. Bref.

     

    Chaque chose, *dans toute la mesure de son possible, s'efforce de persévérer dans son être.

    (Unaquaeque res, quantum in se est, in suo esse perseverare conatur)

    (Partie 3, proposition 6)

    Le verbe conari (assonance drôle et bienvenue, source d'hilarité, un bel affect on verra ça plus loin) signifie : faire des essais pour, s'efforcer de.

    Chaque chose/res : chaque et n'importe quel élément de réalité, qu'il soit simple ou composé, concret ou pas. Molécule, pensée, sentiment, animal, végétal, sociétés etc. etc.

     

    Le Désir (cupiditas) est l'essence-même de l'homme en tant qu'on la conçoit déterminée, par suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. (NB : affection de = influence, effet d'un affect sur)

    (Partie 3, définition des affects, définition 1)

    Essence volatile qui se condense ponctuellement dans un acte.

     

    Agir absolument par vertu (virtute) n'est en nous rien d'autre qu'agir, vivre, conserver son être (trois façons de dire la même chose) sous la conduite de la raison, et ce d'après le fondement qui consiste à rechercher son propre utile. (Partie 4, proposition 24)

    Vertu comme force d'une « raison d'être » concrète.

     

    Par Vaillancej'entends le Désir par lequel chacun s'efforce de conserver son être sous la seule dictée de la raison. Et par Générosité j'entends le désir par lequel chacun, sous la seule dictée de la raison, s'efforce d'aider les autres hommes et de se les lier d'amitié.

    (Partie 3, scolie de la proposition 59)

    Vaillance traduit animositas (mot qui vient de animus) = l'aspect individuel, personnel, de l'énergie à être qui on est.

    Générosité traduit generositas (mot qui vient de genus) = l'énergie de liaison (au sens chimique) à nos congénères du genre humain.

    Deux mots, à mon humble avis, qui dialectisent toute la politique. (On en reparlera).

     

    En tant qu'ils sont *ballottés par les affects qui sont des passions, les hommes peuvent être contraires les uns aux autres. (Quatenus homines affectibus, qui passiones sunt, conflictantur, possunt invicem esse contrarii).

     

    C'est en tant seulement qu'ils vivent sous la conduite de la raison que les hommes nécessairement *se conviennent : c'est leur nature.(Quatenus homines ex ductu rationis vivunt, eatenus tantum natura semper necessario conveniunt)

    (Partie 4, propositions 34-35) Explicitant la précédente.

     

    Voilà, lisez bien. Et si vous avez un peu de temps et de désir qui vous détermine à le faire, faites part de vos commentaires et réactions.

     

    A suivre.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • B(aruch) attitude (1) Direct nu ?

     

    Chose promise, chose due, je me sens obligée de reprendre la question posée naguère par l'Abbé Attitude, s'il vous en souvient, assidus lecteurs de ce blog. Sachant que d'après Spinoza la béatitude est la cause qui nous fait agir vertueusement, l'Abbé demande : Pour la béatitude on fait comment ?

    Je commence par résumer grossièrement le propos de l'Ethique. En sachant qu'il vaudrait mieux ne pas le faire, mais je ne sais vraiment pas comment faire autrement pour donner une petite idée de quoi on va parler.

     

    Résumé : L'être humain fait le bien en se faisant du bien, et vice versa (si l'on peut dire). Mais voir « clairement et complètement » ce qui fait du bien n'est pas facile, car certains affects tendent à opacifier notre perception de la réalité physique, psychique, sociale. Il s'agit donc de libérer la clairvoyance et la puissance de la raison. Elle ira nécessairement dans le sens de notre bonheur car elle est homogène à l'énergie de la vie sensible aussi dans nos corps et dans la nature. Laquelle vie, à la fois fonction et ensemble des valeurs qu'elle prend/a pris/prendra, sans aucun « trou », ni dans le temps ni dans l'espace (déterminisme absolu du système spinoziste) peut être nommée « Dieu ou la nature ».

     

    Oui je sais ce n'est pas très clair, pour le coup. Et c'est un comble car en fait je trouve que ce livre n'est pas si difficile à comprendre, malgré sa réputation d'illisibilité. Elle vient je pense du fait de sa forme mathématique qui en rebute plus d'un. Mais Spin dit bien qu'il suffit de revenir en arrière quand on n'a pas compris, car en math pas de surprise, il y a toujours le pont entre deux rives, il suffit de le retrouver. Disons que c'est un livre pour gens très rapides d'esprit, ou alors pas pressés. Et moi il se trouve que j'ai du temps. Temps que je mets dans ce blog à votre disposition, petits veinards, pour vous amener du côté de chez Spin.

     

    Donc livre simple, presque naïf dans son propos. Mais difficile à mettre en actes, là est le hic de l'Ethique.C'est pourquoi sans doute on se dit que c'est abscons, pour n'avoir pas à « l'essayer », comme dirait qui vous savez. C'est un peu comme la justice devant l'impôt ou la moralisation de la vie politique. Si évident qu'on dit : mais non, ce n'est pas si simple, c'est plus compliqué que ça, voyons !

     

    Je m'inclus dans ce « on », ça va de soi. Bonne raison pour ruminer ce livre, avec l'espoir d'en sortir, comme dit Lacan de l'analyse, « un peu moins con ». Et surtout un peu plus cool, un peu plus proche de la fameuse béatitude cause de tout ce bavardage.

     

    A propos de coolitude, on va y aller à petites doses. Car comme dit Bernard Pautrat dans la version que j'utilise (bilingue latin-français chez Points Seuil 2010 dernière révision). J'ai voulufavoriser la rencontre directe et nue entre cette mathématique et son lecteur, sans interposer le moindre commentaire philosophique qui la réinscrive de force dans une tradition à laquelle, en son essence, elle échappe singulièrement.

    Merci à lui de nous éviter la nausée devant un texte indigeste, bourré de notes et renvois. Et comme mes propres notions philosophiques sont suffisamment insuffisantes pour me dispenser de réinscrire avec pertinence l'Ethique où que ce soit, je suis également à fond pour le direct nu.

     

    A suivre.

     

  • Pas capital (4)

     

     

    En cette école du commerce des hommes, j'ai souvent remarqué ce vice, qu'au lieu de prendre connaissance d'autrui, nous ne travaillons qu'à la donne de nous, et sommes plus en peine de trouver emploi à notre marchandise que d'en acquérir de nouvelle. Essais I,23 : De l'institution des enfants

     

    Le commerce des hommes : Montaigne joue sur le double sens du terme. On a tendance à vivre le commerce des autres, la relation qu'on a avec eux, dans une perspective marchande. Il faut investir le terrain, se faire sa place, gagner des parts à ce marché des ego qu'est le commerce des hommes.

    Oui, c'est comme ça, me dira-t-on, (Freud par exemple) : l'autopromotion et la spéculation, on est tombé dedans quand on était petit. Question de survie du petit humain. Et puis qu'est-ce que j'ai contre l'auto-entreprise, pourquoi serait-ce mal de proposer sa marchandise sur la place ? J'ai rien contre. A condition que la marchandise soit un véritable produit, et si possible utile. Pourquoi faudrait-il n'avoir pour ambition, par exemple au hasard, que celle de tant de politiciens si formatés par leurs agences de communication qu'ils confondent image et action, discours et (recherche de) vérité ?

     

    Bourdieu a un mot très éclairant. Pour pouvoir apprendre, prendre connaissance de quelque chose, de quelqu'un, il faut, dit-il, être capable de se situer dans une attitude de docilité (latin docere, recevoir, mais aussi donner un enseignement). Etre docile face à autrui, ce n'est pas le placer en position de maître méprisé et détesté, et lui faire allégeance, se conformer à ses attentes supposées. (Comme le politicien avec l'électeur démagogisé, si on poursuit le parallèle). Il s'agit au contraire d'être capable de la souplesse intellectuelle et psychique qui fera prendre le risque de changer ses paradigmes s'ils sont improductifs. Peut-être préfèrera-t-on nommer cette attitude ouverture ou écoute. En tous cas elle n'est pas mollesse et résignation, mais ferment de puissance créatrice.

     

    Montaigne a essayé de se promouvoir, auprès des Grands, des rois. Sans trop de succès, dit-il. Un peu quand même, mais bon, il aurait voulu beaucoup plus, beaucoup mieux. Il aurait par exemple sans nul doute été volontiers l'Aristote d'un Alexandre. On en lit parfois l'aveu entre les lignes.

    Une fois on me demandait à quoi j'eusse pensé être bon, qui se fût avisé de se servir de moi pendant que j'en avais l'âge. « A rien », fis-je. Et m'excuse volontiers de ne savoir faire chose qui m'esclave à autrui. Mais j'eusse dit ses vérités à mon maître, et eusse contrôlé ses mœurs, s'il eût voulu (III, 13 De l'expérience)

     

    Ses essais sociaux n'ont pas vraiment été transformés. Mais il avait cette fameuse qualité de la docilité, qui lui a permis de prendre connaissance de toutes ses expériences. Dans le commerce des hommes, dans les livres, dans l'observation de soi. D'où les Essais. Transformation réussie. Montaigne n'a pas fait carrière à une quelconque Cour comme conseiller des Grands de son temps. Il est devenu Monsieur des Essais pour quiconque veut se donner le plaisir de le lire.

    Vous savez quoi ? On n'a pas perdu au change.