Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le blog d'Ariane Beth - Page 112

  • L'après-midi

    « n°45 : Épicure.

    Oui je suis fier de sentir le caractère d'Épicure autrement peut être, que tout autre, et de savourer dans tout ce que j'entends et lis de lui le bonheur de l'après-midi de l'Antiquité : – je vois son œil contempler une vaste mer blanchâtre, par-dessus les rochers de la côte sur lesquels repose le soleil pendant que des animaux petits et grands jouent dans sa lumière, sûrs et tranquilles comme cette lumière et cet œil lui-même.

    Seul un être continuellement souffrant a pu inventer un tel bonheur, le bonheur d'un œil face auquel la mer de l'existence s'est apaisée, et qui désormais ne peut plus se rassasier de contempler sa surface et cette peau marine et chamarrée, délicate, frémissante : jamais auparavant il n'y eut telle modestie de volupté. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Jamais auparavant il n'y eut telle modestie de volupté. Auparavant je n'en sais rien, mais après, ça s'est trouvé :

    « La volupté est qualité peu ambitieuse » (Montaigne Essais III,5 Sur des vers de Virgile)

     

    Sûrs et tranquilles comme cette lumière et cet œil lui-même. Le secret, sans doute, de ce cri de joie :

    « Elle est retrouvée !

    Quoi ? – L'éternité

    C'est la mer allée

    Avec le soleil » (Arthur Rimbaud. Vers nouveaux)

     

    Conclusion : vive l'Italie et la mer, où Nietzsche retrouva sa force de vie après une intense dépression, et même connut enfin une certaine joie de vivre en écrivant ce Gai Savoir.

     

  • Des tentatives et des questions

    « n°41 : Contre le repentir.

    Le penseur voit dans ses propres actes des tentatives et des questions visant à obtenir des éclaircissements sur un sujet quel qu'il soit : le succès ou l'échec sont en premier lieu pour lui des réponses.

    Mais se mettre en colère ou éprouver du repentir du fait que quelque chose rate – c'est là une attitude qu'il abandonne à ceux qui agissent parce qu'on leur en donne l'ordre, et qui doivent s'attendre au retour de bâton si le gracieux maître n'est pas satisfait du résultat. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Il y a des jours Nietzsche est vraiment spinoziste, je trouve. Bel éloge ici de l'autonomie de celui qui se confie en vérité à la raison, et échappe ainsi aux passions tristes.

    Le penseur voit dans ses propres actes des tentatives et des questions : autrement dit une progression d'essai en essai. Après Spinoza, il y a aussi du Montaigne là-dessous.

     

  • En fonction de leur croyance

    « n°44 : Les motifs auxquels on croit.

    Si important que puisse être de connaître les motifs d'après lesquels l'humanité a agi jusqu'à présent : peut être la croyance à tel ou tel motif, donc à ce en quoi l'humanité elle-même a voulu voir et a imaginé à tort jusqu'à présent les véritables ressorts de son agir, est-elle une chose encore plus essentielle pour l'homme de connaissance.

    Les hommes ont en effet reçu en partage leur bonheur et leur misère intérieurs en fonction de leur croyance à tel ou tel motif – et non pas de ce qui était réellement motif ! L'intérêt de ce dernier n'est jamais que de second ordre. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Ce prolongement sur la question de la performativité de la croyance (cf note précédente) vient préciser un point capital. Quel que soit son contenu, Nietzsche y voit une illusion, une mauvaise foi* (a imaginé à tort), un paravent idéologique, qui cache la nudité (possiblement dérangeante) de la réalité des motivations.

    C'est à écarter ce paravent qu'il s'est employé, comme l'ont fait aussi, chacun dans son domaine, d'autres hommes de connaissance, en particulier Marx et Freud.

     

    *Que l'on peut entendre au sens existentialiste, comme dans la fameuse description du garçon de café qui se prend pour un garçon de café. (J.P. Sartre L'Etre et le Néant)