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Le blog d'Ariane Beth - Page 115

  • Je ne veux pas y croire

    « n°2 : La conscience morale en matière intellectuelle

    Je ne cesse de refaire la même expérience et ne cesse de me rebeller contre elle de nouveau, je ne veux pas y croire bien que je la touche du doigt : la plupart des hommes sont dépourvus de conscience morale en matière intellectuelle. (…)

    Je veux dire ceci : la plupart des hommes ne trouvent pas méprisable de croire à telle ou telle chose et de vivre en fonction de cette croyance sans avoir au préalable pris conscience des ultimes et plus sûres raisons relatives au pour ou au contre et sans non plus se donner la peine de chercher ces raisons après coup, – les hommes les plus doués et les femmes les plus nobles font encore partie de cette ''plupart''. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)

     

    Nietzsche place tout le ressort de la conscience dans la vérité. Or pour penser, parler, vivre en vérité, il faut se méfier de l'obstacle qu'il désigne ici : une sorte de paresse qui rend lâche à la fois au plan intellectuel et au plan moral « cette façon de voir me paraît plausible, me convient, me plaît, ou au moins ne me gêne pas, je l'adopte donc. »

    Une lâcheté au sens propre. Une pensée qui se contente de l'à-peu-près, qui ne peut atteindre la justesse, faute de travailler à s'ajuster aux lois du réel comme à celles de la logique.

    Or il en va de ces légères approximations, ces petits relâchements, comme des petites erreurs dans la mesure d'un angle. Si on les néglige, pour insignifiantes qu'elles soient chacune séparément, au fur et à mesure de leur cumul, leur écart d'avec la justesse sera devenu abyssal. Un écart jamais sans conséquences.

     

  • En attendant

    « Peut être le rire aussi a-t-il encore un avenir ! Lorsque le principe ''l'espèce est tout, un seul n'est jamais rien '' – aura été incorporé par l'humanité et que l'accès à cette ultime libération et irresponsabilité sera ouvert à tous à tout instant. Peut être alors le rire sera-t-il lié à la sagesse, peut être n'y aura-t-il plus alors qu'un ''gai savoir''.

    En attendant, il continue d'en aller tout autrement, en attendant, la comédie de l'existence n'a pas encore ''pris conscience'' d'elle-même, en attendant, c'est encore l'époque de la tragédie, l'époque des morales et des religions. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre, n°1 : Les théoriciens du but de l'existence)

     

    Le point le plus dérangeant, dans la philosophie de Nietzsche, c'est que son humanisme (car c'en est un) se construit sur le travail de sape de ce que beaucoup, au contraire, considèrent comme ses fondations.

    Sa lecture secoue, dépouille, déstabilise. Elle est, dans le travail de penser, dans l'art de penser, d'une exigence comparable à l'entraînement du danseur de corde qui cherche l'équilibre sur son fil.

    Avec pour seuls garde-fous, pour seuls garde-corps, sa souplesse et sa légèreté.

     

  • A grands flots d'encre

    « n°59 : La plume griffonne

    La plume griffonne : quel enfer !

    Suis-je condamné à griffonner ? –

    Et ainsi je saisis hardiment l'encrier

    Et écris à grands flots d'encre.

    Que cela coule bien, si plein, si vaste !

    Que tout me réussit, quoi que je fasse !

    Sans doute, l'écriture manque de clarté –

    Quelle importance ? Qui donc lit ce que j'écris ? »

    (Friedrich Nietzsche. Le Gai Savoir. Prélude en rimes allemandes)

     

    Je saisis hardiment l'encrier et écris à grands flots d'encre : Nietzsche est vraiment un sacré poète, en plus de tout le reste.

    Cependant quand on lit ça on se dit que pouvoir taper son texte à l'ordi, ça lui aurait bien simplifié la vie.

    Mais avait-il – envie de se simplifier la vie ?

     

    (Eh oui Friedrich, moi aussi je sais le faire, le coup du tiret*) (j'avais pensé oser : avait-il – envie de se – simplifier la – vie) (mais j'ai trouvé un peu too much).

    *cf note du 6 mars Entre rochers et ronces