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Le blog d'Ariane Beth - Page 240

  • Promesse tenue

    Lectrice, lecteur, le temps est venu de tenir la promesse pour laquelle tu m'as élue : laisser de côté bon nombre de mes 59 propositions ...

    euh pardon je veux dire des 59 propositions de la partie 3 (cf Ils rêvent les yeux ouverts).

    En effet, maintenant que les paramètres sont en place, il ne s'agit plus que de faire jouer leurs combinaisons* pour aboutir à définir n'importe quel affect et ses propriétés.

     

    Ainsi dans le scolie suivant la proposition 22, les affects que Spinoza nomme pitié, faveur, indignation. Cette dernière définie comme la haine envers celui qui fait du mal à autrui. Une paradoxale haine altruiste, donc.

    Plus loin (prop.40 corollaire 2 et scolie de sa démonstration), la colère sera définie comme l'effort pour faire mal à celui que nous haïssons parce qu'on considère qu'il nous veut du mal, à nous.

     

    Naguère l'exhortation de Stéphane Hessel Indignez-vous fut un succès de librairie. Mais l'affect omniprésent dans le discours social actuel (et souvent les actes) est plutôt la colère. Avons-nous perdu en altruisme ? Ou en foi dans le faire-corps-social ?

    De fait les colères qui tiennent le haut du pavé sont le symptôme d'un morcellement du corps social.

    En tous cas la classification spinoziste les place ensemble, indignation et colère, dans la catégorie de la haine, c'est à dire de la tristesse, qui est affaiblissement.

    Et par conséquent elles ont peu de chances d'être facteurs de construction.

    Ce qui n'implique pas de les nier ou les invalider, mais incite à ne pas s'y arrêter, s'y cantonner. Sous peine de devenir incapable d'action véritable.

     

    * joie/tristesse, augmentation/diminution, sujet/objet/tiers

     

  • Parce que

    « Si nous imaginons que quelqu'un affecte de joie une chose que nous aimons, nous serons affecté d'amour envers lui. Si au contraire nous imaginons qu'il l'affecte de tristesse, au contraire aussi nous serons affectés de haine envers lui. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.22)

     

    Avec cette proposition intervient dans l'analyse des affects un élément tiers.

    Jusqu'à présent on a considéré les affects produits par le rapport entre soi et une "chose" (un objet au sens psychologique – en fait surtout être un humain).

    Le système se complexifie avec l'intervention du troisième élément.

     

    C'est dans le scolie de la prop.13 (=Quand l'esprit imagine ce qui diminue ou réprime la puissance d'agir du corps, il s'efforce, autant qu'il peut, de se souvenir de choses qui en excluent l'existence. cf Se souvenir des belles choses), qu'amour et haine sont définis par Spinoza, comme respectivement la joie ou la tristesse « qui accompagne l'idée d'une cause extérieure ».

     

    Pour lui aimer est donc passer à plus de perfection (ainsi a-t-il défini la joie) et haïr passer à moins de perfection. Et cela sous l'effet de l'idée d'un objet, c'est à dire de sa projection dans notre esprit.

    Traduction : je ressens de l'amour ou de la haine envers une chose en fonction de la façon dont elle s'inscrit dans mon système de représentations, ou bien en me dynamisant ou au contraire en m'affaiblissant.

    Me dynamise ou m'affaiblit, précisons encore : c'est à dire maintient ou pas le quantum d'être correspondant à mon conatus.

    (Pour rappel : Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce (conatur) de persévérer dans son être. Part.3 prop.6 cf Affirmation).

     

    Bref aimer c'est toujours « parce que c'est lui, elle, parce que c'est moi ».

     

  • Contentement

    « L'espérance n'est rien d'autre qu'une joie inconstante née de l'image d'une chose future ou passée dont nous doutons de l'issue.

    La crainte, au contraire, une tristesse inconstante également née de l'image d'une chose douteuse.

    Si de ces affects le doute est supprimé, l'espérance devient sécurité et la crainte désespoir (…)

    Le contentement est une joie née de l'image d'une chose passée dont nous avons douté de l'issue. La déception est la tristesse qui s'oppose au contentement. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.18 scolie 2)

     

    On a un bon exemple avec ce scolie de la manière dont Spinoza construit son schéma géométrique. Il combine ici le binôme certitude/incertitude avec le binôme de base joie/tristesse pour aboutir aux deux premières définitions. Et il ajoute le paramètre du temps pour en tirer leurs suivantes, celles qu'on peut en déduire.

    Doute + joie = espérance

    Doute + tristesse = crainte

    Espérance douteuse – doute = espérance confirmée = sécurité

    Crainte douteuse – doute = crainte confirmée = désespoir

    Le contentement note le moment d'affectation par la sécurité, et la déception celui d'affectation par le désespoir.

     

    On dira pas besoin de Spinoza pour tout ça. Par exemple tout le monde a éprouvé que la situation où l'on espère quelque chose n'est pas un état paisible, nous inflige une tension.

    Et tout le monde aussi s'est trouvé d'une certaine manière soulagé lorsqu'une chose crainte s'est confirmée. « Au moins je sais à quoi m'en tenir » : autrement dit j'arrête de flotter.

    C'est vrai on sait tout ça. En fait j'ai l'impression qu'il se fait juste plaisir avec ce scolie, jubilant comme l'enfant qui construit son lego, son puzzle : « Voilà, c'est ça, vous voyez ça marche ».