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Le blog d'Ariane Beth - Page 253

  • Le comble de l'absurdité

    « Surtout, garde-toi constamment de quatre altérations de la conscience. Dès que tu les découvres, efface-les en te disant respectivement : cette idée n'est pas nécessaire ; celle-ci dissout la société ; celle que je vais exprimer n'est pas de moi. Car tenir un propos qui n'est pas de soi est le comble de l'absurdité. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même XI,19)

     

    Voilà qui ne va pas faire les affaires des réseaux sociaux dont les deux mamelles sont bavardage et cafardage (sans oublier la troisième retwittage).

    Mais heureusement, parmi leurs utilisateurs, créateurs et promoteurs, qui s'intéresse à des pensées philosophiques non immédiatement médiatisables & bankable ? Ouf ça rassure, le monde est bien fait, et le vain commerce de la vanité n'est pas près de faire faillite.

     

    Quoi, lecteur ? Où est passée la quatrième ? (Bravo tu perds pas le fil).

    « Quant à la quatrième altération à se reprocher, c'est la défaite de la partie de toi la plus divine, sa soumission à la partie mortelle, la moins estimable de ton corps, et à ses plaisirs grossiers. » Voilà, tu l'as voulu tu l'as eu, lecteur.

    (Oui j'avoue j'avais un tout petit peu censuré, c'est vraiment trop pénible ce dualisme platonicien).

     

    Bref, si je t'en crois, Marco, je suis au comble de l'absurdité vu que je tiens souvent ici des propos qui ne sont pas de moi (enfin je les tiens, je les lâche plutôt, je les rapporte disons).

    Mais c'est lorsque je les trouve utiles et/ou beaux.

    (Comme les tiens ? Ben oui tu vois).

    Ou que j'y adhère et que, comme on dit, « j'aurais pas mieux dit ».

    (Comme les tiens ? Ça arrive).

    Ou alors que je prends du plaisir à les discuter. Voire à les contester. Voire à en rire un peu quand je peux. Et quand ça m'arrive avec les tiens, tu aurais tort de me le reprocher, car c'est une chose qui, loin d'être une altération de la conscience, serait plutôt du genre à la revigorer.

     

  • Comme une balle lancée en l'air

    « La nature de chaque chose vise autant sa fin que son commencement et son cours. C'est comme une balle lancée en l'air. Quel bien y a-t-il pour la balle à monter et quel mal à descendre ou à tomber à terre ? Quel bien pour la goutte d'eau à se former et quel mal à se dissoudre ? Pareil pour la lampe. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 20)

     

    Je mets cette citation pour renvoyer la balle de la dernière fois. Elle est fort belle, j'aime ces images qui rendent le mouvement de la vie. Mais sur le fond moral du propos, décidément je n'arrive pas à adhérer à la sagesse stoïco-zen qui fait abstraction de l'affect.

    Et pourtant j'aimerais bien, ainsi que le conseillera aussi Schopenhauer, me poser tranquille dans l'abri psychologique de "l'objectité". 

     

    La balle la goutte d'eau la lampe n'ont pas mal. Grand bien vous fasse, chères choses. Pour moi, dotée de la pensée qui est le propre de la pauvre humaine que je suis (oui avec le rire, mais c'est pas tous les jours), je ne vois pas toujours comment m'y prendre, pour positiver par l'objectiver.

     

    « Constamment – et si possible à chaque idée – applique les sciences naturelles, la pathologie et la dialectique. »

    (Pensées pour moi-même VIII, 13)

    Ah oui quand même ... Je me demande si je ferais pas mieux d'apprendre à jongler, finalement.

     

  • Rebondir

    « Futilités du faste, drames de la scène, troupeaux de petit ou gros bétail, coups de lance, os à ronger, boulettes de viviers, peines et chargements de fourmis, courses effrénées de souris, marionnettes ! Il faut être en face de tout cela indulgent, sans ombrage en observant que chacun vaut ce que valent les objectifs de son effort. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII,3).

     

    Vanitas vanitatum genre … Surtout la fin, non ?

    Chacun vaut ce que valent les objectifs de son effort. Du coup peu nombreux sont ceux qui échapperont à la démonétisation.

    Je ne parle même pas pour moi, qui ne me suis jamais donné du mal que pour des choses inutiles (qui me l'ont bien rendu en termes d'échec et d'inanité) (je sais bien que le lecteur n'a pas besoin etc. mais j'ai besoin etc. cf supra).

    Mais comment ne pas être atterré devant tant d'efforts absurdes, incohérents, totalement improductifs en réalité (même s'ils sont censés produire des gains boursiers) (précisément pour cela en fait).

    Start-up germant un peu partout, sans autre but avéré (sinon avoué) que de vendre, de trouver le truc inutile voire nocif dont on n'avait pas encore songé à faire objet de commerce.

    Métiers (sic) de conseil, de communication, de marketing (bref de spécialistes en mensonge et vente de vent) proliférant au détriment des vrais métiers, ceux de production, de service au vrai sens du terme (genre ces broutilles si démonétisées que sont le soin, l'éducation).

    Et mieux vaut taire les efforts à but clairement ravageurs, voire meurtriers, pour lesquels nombreux sont ceux qui ne ménagent pas leur peine (et surtout celle des autres).

     

    Oui je sais lecteur-trice, me voici en plein scrogneugnisme. Mais vraiment je ne vois pas comment être en face de ce non sens indulgent et sans ombrage.

    L'ennui c'est que voir l'objectif (= cesser toutes les absurdités auto-suicidaires où s'enfoncent les sociétés un peu partout) est une chose, se lancer dans l'effort pour l'atteindre (et en voir les modalités surtout) c'est autre chose (je parle pour moi bien sûr) (oui c'est vrai y a pas que moi) (merci lecteur tu me consoles bien, là).

     

    Allez, je termine sur une note positive. Il y a dans la phrase de Marco quelque chose de Shakespeare, a tale told by an idiot …

    Quoi pas vraiment positif ? Et la beauté de l'écriture ? Mais bon, alors ça peut-être :

    Notre monde n'est formé qu'à l'ostentation, les hommes ne s'enflent que de vent, et se manient à bonds, comme des ballons. (Montaigne Essais III,12 De la physionomie).

    Marrant, non ?