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Le blog d'Ariane Beth - Page 256

  • L'argument et la massue

    « Quels plaisirs les brigands, les débauchés, les parricides et les tyrans ont-il goûtés ? »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,34)

     

    Alors oui d'accord, peut être pas les mêmes que ceux que tu aimes goûter, cher Marco, genre la philosophie, la littérature, l'art. Ou encore faire plaisir à Surmoi en te comportant ni trop méchamment ni trop bêtement.

     

    Perso je comprends. Mais des goûts et des couleurs, tu sais …

    Visiblement de leur point de vue voler, tuer, dominer, humilier, c'est un plaisir.

    Le gros hic dans l'histoire, c'est que ces gens-là, contrairement à toi, ne sont pas du genre à renoncer à un plaisir.

    En tous cas pas pour quelques raisons insignifiantes et ringardes genre principes moraux, désir de ne pas faire de mal à d'autres.

     

    Comment, pourquoi, ce plaisir d'être mauvais : vaste question.

    L'humanité a beau la retourner dans tous les sens, lui chercher des réponses toutes plus intelligentes les unes que les autres, on n'a pas franchement avancé.

    Entre l'argument et la massue, pas besoin de sondage pour voir qu'homo sapiens continue à plébisciter la seconde au détriment du premier, tout pareil que dans sa première caverne.

     

    (Quoi, trop lu Cioran ?)

     

  • Ambition

    « Il est honteux que ton âme renonce à la vie avant ton corps. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,29)

     

    Avec le mot honteux, Marc-Aurèle, dans cette pensée, fait implicitement du corps la norme morale. Est-ce ou pas inattendu pour un stoïcien ? Dans son cas un peu quand même vu son tropisme platonicien. En un sens ne serions-nous pas ici dans une physiologie à la mode nietzschéenne ?

     

    Que l'âme renonce malgré un corps encore allant, cela arrive parfois dans la vieillesse. Il est des corps encore verts aux âmes* déjà grises. Comme il est des âmes vigoureuses capables de dynamiser des corps faiblards. Et cela est aussi vrai avant même la vieillesse, une fois de plus le temps ne fait pas grand chose à l'affaire.

    De quoi dépend que l'on soit gratifié d'un conatus plus ou moins vaillant ? Grand mystère pour moi.

    Bien sûr les conditions de vie, matérielles et psychiques, particulièrement dans la prime enfance, jouent un rôle. Est-il si déterminant ?

     

    Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que Marc-Aurèle s'adresse à lui-même ces pensées. Sans doute ressent-il davantage les lassitudes du vieillissement à l'endroit de son investissement majeur, en son être pensant et soucieux de morale.

    Mais pour y remédier, il ne fait pas appel (pour une fois?) à Super Surmoi, au contraire il s'en remet à la simplicité du corps, à son être-là.

    La volupté est qualité peu ambitieuse, dit Montaigne (Essais III,5 Sur des vers de Virgile).

    Ajoutons : bien vivre est affaire d'humilité (au sens propre du terme, naturellement) (rien à voir avec renonciation ou aplatissement), et la sagesse suprême est sans doute la plus terre à terre.

    Je dis pas que ce soit évident ni facile, surtout quand il s'agit de la préserver, la terre.

     

    *Je reprends le mot de Marco, mais il ne s'agit évidemment pas d'un élément hétérogène au corps.

    Disons plutôt : fonctionnement psychique. 

     

     

  • Libéralité et sociabilité

    « Uses-en avec les êtres dénués de raison et, en général, avec les choses et les objets comme doit le faire un être doué de raison envers ceux qui en sont privés : avec grandeur d'âme et libéralité ; mais avec les hommes qui sont doués de raison, uses-en avec sociabilité. En toute occasion, invoque les dieux et ne te demande pas combien de temps tu agiras ainsi : même trois heures utilisées ainsi peuvent suffire. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,21)

     

    Perso ma libéralité envers les objets que je fréquente au quotidien doit beaucoup au syndrome de Stockholm.

    La plupart m'apparaissent comme à la fois secourables et sadiques. Lorsqu'ils buguent (leur compétence majeure) c'est de libéralité envers le réparateur que je suis contrainte d'user, tandis que lui abuse sur le montant de la note (surtout rapporté à l'efficacité).

    Tu dis quoi, lecteur ? Je règle mes comptes ? En fait oui, j'ai pas honte de le dire … Quoi ? «C'est un homme, pas un objet, donc c'est le cas d'en user avec sociabilité, d'après Marco».

    Tu sais quoi lecteur, tu aurais eu affaire à certain chauffagiste (ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, choisi pour le niveau du trauma qu'il m'occasionna) que nous eûmes le malheur de sonner à propos d'une banale panne, tu te prendrais à douter comme moi de son humanité. Pourquoi ? La faiblesse de son coefficient raison sur bourrinitude, qui n'eut d'égale que sa nullité côté sociabilité, ce sale con honni soit-il ...

    Euh … Oui, alors la pensée de Marc-Aurèle j'en étais où ?

     

    En toute occasion invoque les dieux. Perso j'ai un rapport magique avec les objets, j'ai pas honte de le dire (enfin si un peu).

    Pour moi un poêle, un ordinateur, un lave-linge, un volet, prennent, j'ai beau me raisonner, valeur de totems. Des puissances marquant leur territoire dans le réel, revendiquant d'y être honorées de tout un rituel compliqué, incertain. Faute de quoi on se retrouve en butte à leur mauvais œil. Oui de dangereux totems.

    Et qui dit totem dit tabou forcément. Beaucoup d'objets me sont ainsi tabous. Je m'abstiens autant que possible de les toucher, ou ne les touche que dans la crainte et le tremblement, respectant au mieux les Procédures des Modes d'Emploi. Bref me conformant aux décrets divins sur l'hybris.

    Mais l'anankhê étant ce qu'elle est, ce comportement irréprochable ne suffit pas toujours à se prémunir du bug, de la panne, et subséquemment du commerce inéquitable avec le chauffagiste ou autre être prétendu humain présumé doué de raison.

     

    Même trois heures ainsi utilisées peuvent suffire. Peut être, mais lui, en trois visites et je ne sais combien d'heures, il n'est arrivé à rien, ce sale con honni soit-il.

    Moralité : à chauffagiste fumiste, Ariane fumasse.

    Quoi pas stoïcien ?