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Le blog d'Ariane Beth - Page 260

  • Les pendules à l'heure

    « Bientôt tu seras mort et tu n'es pas encore simple, calme, invulnérable à tout dommage extérieur, bienveillant envers tous et plaçant la sagesse dans la seule pratique de la justice. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,37)

     

    Le fait de savoir que bientôt tu seras mort est-il pertinent pour motiver l'effort éthique ? À mon avis sûr que non.

    Déjà c'est ce qu'on peut se dire dès la naissance, bientôt couvrant un champ temporel d'une imprécision parfaite (et puis la différence entre 1 et 100 ans, sub quadam aeternitatis specie …)

    De plus le temps (c'est à dire la distance – supposée – à la fin) ne fait rien à l'affaire. Il en va comme pour commencer la gym ou le régime. Si tu dis demain ça veut dire jamais.

     

    Bref ta vieillesse aura peu de chance de correspondre au conseil de Marco si ta jeunesse et ta maturité, ton enfance aussi, ont été totalement incapables de ces qualités.

    Si à quarante ans t'as pas déjà un tant soit peu fait l'expérience de la simplicité, du calme, de la bienveillance, tout ça, achète-toi plutôt une montre qui brille, comme ça t'auras pas tout perdu.

     

    Je dis quarante … Quant à moi, j'estime que nos âmes sont dénouées à vingt ans ce qu'elles doivent être, et qu'elles promettent tout ce qu'elles pourront. (Montaigne Essais I,37 De l'âge)

     

    - Ouioui tout ça est bien beau, mais si peu m'importe, à moi, d'être quelqu'un de bien ?

    - La question n'est pas toi, mais les autres, à qui selon que tu sois ou non simple calme etc. tu feras la vie plus douce ou plus pénible.

     

  • Servi

    « Adopte à l'essai la vie de l'homme de bien qui apprécie son lot et se contente, quant à lui, d'agir justement et d'être bienveillant. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,25)

     

    J'aime bien cette formulation raisonnable et raisonnée. Marc-Aurèle semble dire : être quelqu'un de bien, ça se tente. Mais à l'essai, faut donner à son moteur éthique un temps de rodage, voir comment ça répond.

    Euh je crains que cette métaphore ne fasse un peu vintage. Aujourd'hui les bagnoles n'ont plus besoin de rodage paraît-il.

     

    Alors essayons une autre métaphore. Marco dévoile son caractère de joueur avisé. Il décide de suivre la mise, assez confiant pour cela dans ses cartes (appréciant son lot).

    Si on bluffe en face ? Tant pis, c'est un risque qu'il prend quant à lui. Un risque calculé, car il compte que sa détermination tranquille finisse par faire douter l'adversaire (qui serait l'injuste malveillant, si on suit le fil de ma métaphore) de la valeur de son propre jeu.

    Stratégie conseillée aussi par Spinoza. Qui d'ailleurs aimait jouer aux cartes le soir avec ses logeurs.

     

    Tiens, je m'avise que j'ai de particulières affinités avec des penseurs qui aimaient le jeu, le jeu de cartes en particulier : Freud, Spinoza, Montaigne. (Comme quoi la lecture de Marc-Aurèle est source de prises de conscience essentielles)

    (oui pour moi, d'accord) (vous savez ce que dit Rousseau : je sais bien que le lecteur n'a pas besoin de savoir tout cela mais j'ai besoin moi de le lui dire).

     

    Autre penseur-joueur, Pascal bien sûr, qui aima le jeu à la folie jusqu'au moment où il décida d'y renoncer genre le divertissement ça va un moment.

    (Mais non sans en avoir tiré ses travaux sur les probabilités) (pas n'importe qui encore celui-là).

    Son pari si c'est pas un truc de flambeur, de bluffeur radical, hein ? Faire tapis d'emblée, faut y aller quand même ...

    L'embêtant c'est que la partie est vite finie, du coup.

     

  • Culte

    « De nombreux grains d'encens jetés sur le même autel, l'un est tombé le premier, un autre tombera le dernier et cela n'a pas d'importance. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,15)

     

    Pour le culte de qui, ces grains d'encens ? De la vie elle-même, bien sûr. Chaque vivant est l'un de ces grains.

    Quelle que soit son existence, d'un point de vue subjectif comme objectif, facile ou pas, fructueuse ou pas, en quelque lieu ou temps qu'elle soit vécue, elle est au moins louange au simple fait de vivre.

    Cette chose extraordinaire, que nous percevons pourtant sur le mode de la banalité, tant nous faisons corps avec ce fait d'être vivant, participant d'un miracle universel et intime à la fois.

    Cette belle perception fonde l'indifférence stoïcienne, qui cependant fait toujours un peu genre « cache ta joie » : cela n'a pas d'importance ...

    Spinoza, dans une conception proche, mais sans cacher sa joie lui, assoit l'acquiescentia in se ipso (l'adhésion intime et paisible à ce qu'on est) sur l'amor dei intellectualis (l'adhésion, le plein consentement à « dieu ou la nature » que permet la raison humaine)

    (Cf Éthique Partie 5 prop 36 et coroll. Voir ce blog 13-07-2013) (déjà ...).

     

    On peut donc aussi voir dans ces grains d'encens les efforts intellectuels, scientifiques, artistiques, éthiques, des humains. Et c'est vrai que vu de la vie elle-même (sub quadam specie aeternitatis dirait encore Spinoza), peu importe qui a fait quoi le premier, qui a suivi qui dans ce mouvement.

    La vie ignore les copyrights et brevets d'invention. Au lieu de dire « je pense comme Marc-Aurèle » on peut dire tout pareil « Marc-Aurèle pense comme moi ».

    Encensé, non ?