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Le blog d'Ariane Beth - Page 258

  • Etonnant

    « Il est étonnant que l'ignorance et la suffisance* soient plus fortes que la sagesse. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même V,18)

     

    (*NB Pas au sens de Un suffisant lecteur découvre souvent es écrits d'autrui des perfections autres que celles que l'auteur y a mises et aperçues, et y prête des sens et des visages plus riches. Essais I,24 Divers événements du même conseil)

     

    Étonnant ? Ben non. Ou alors au sens premier : l'ignorance et la suffisance n'ont aucun mal à méduser la sagesse, à la mettre en position d'infériorité, à la laisser sans voix. Pour la bonne raison que la sagesse est avant tout aptitude au doute et à la remise en question.

    Choses qui n'effleurent pas l'ignorant (s'il doutait il aurait appris un tant soit peu) et le suffisant (se remettre en question, pourquoi, quand on se croit la norme de toute chose ?)

    L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux, comme l'âne ?

    (Essais III, 8 De l'art de conférer)

     

    Allez tiens continuons avec Montaigne puisqu'on y est.

    Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot. Mon jugement ne se corrompt pas seulement à la main d'un maître si impétueux, mais aussi ma conscience (...)

    Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s'abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. Il n'est contagion qui ne s'épande comme celle-là. (III,8)

     

    Où est la poule, où est l'œuf ? La sottise* naît-elle de la méchanceté, ou l'inverse ? Pour ma part je crois que c'est le goût malsain du moche, du cruel, de l'obscène, qui donne l'impulsion à choisir le faux contre le vrai.

    On le voit dans la viralité supérieure, sur les réseaux asociaux, des rumeurs les plus basses et maladives.

    Ce goût a toujours existé, mais là encore (cf Opinion piège à) l'accroissement de la technique renforce le phénomène.

    Désormais notre méchanceté, notre mauvais esprit sont algorithmés, et par conséquent leur pouvoir d'insinuation dans la société en progression forcément exponentielle.

     

    *Différente de l'erreur qu'il suffit de corriger

     

  • Placebo

    « Ne te laisse ni dégoûter ni abattre ni décourager s'il t'est difficile de toujours agir selon de bons principes. Mais, après une défaillance, retourne à la charge et sois déjà content si la plupart de tes actions sont plus conformes à la nature humaine (…) et ne retourne pas à la philosophie comme à un maître d'école mais comme ceux qui souffrent (…) au cataplasme et à la lotion. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même V,9)

     

    Pas de déduction hâtive : il ne dit pas que la philo c'est emplâtre sur jambe de bois (du moins ce n'est pas ce qu'il a voulu dire) (quoi interprétation sauvage?)

    La philo enseignante ou soignante ? Les deux, à la fois ou séparément, selon les circonstances. Quand il s'agit de se débrouiller avec la vie, la rugueuse réalité, les difficultés relationnelles, tous les moyens sont bons. Faut faire flèche de tout bois.

     

    Montaigne le fait, malgré ses réserves sur la corporation médicale.

    S'il ne peut digérer la drogue forte et abstersive, pour déraciner le mal, au moins qu'il la prenne lénitive, pour le soulager.

    (Essais I,14 Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de l'opinion que nous en avons)

     

    Freud, quant à lui (et à son propre usage, lui qui s'est voulu l'un et l'autre), pointe le sadisme inconscient des soignants et des éducateurs.

    Si l'on suit Marc-Aurèle, le philosophe ne serait donc qu'à demi sadique. (Sauf s'il philosophe dans un boudoir ?).

     

  • Comme un lundi

    « Suis-je constitué pour rester couché bien au chaud sous les couvertures ? »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même V,1)

     

    Le chap V présente plusieurs pseudo-dialogues (il devait être en train de relire son Platon).

    Le premier dialogue se tient entre l'empereur chargé de responsabilités et l'homme qui voudrait bien pour une fois passer une journée à cocooner tranquille sous sa couette (avec un bon bouquin de philo par exemple).

    Y a des jours où être maître du monde, vous savez quoi on le laisserait bien à d'autres.

    Alors le surmoi de Marco l'exhorte à se ressaisir en déployant toute sa rhétorique : le métier d'empereur est ta nature (c'est ton ADN, vieux, t'y peux rien t'es programmé pour). Il faut l'aimer, autant que le ciseleur la ciselure, le danseur la danse, l'avare l'argent ou le vaniteux la gloriole.

    « Les actions sociales te semblent-elles avoir moins de valeur et mériter moins d'efforts ? » conclut Surmoi, triomphant et sûr de son coup.

    Au passage les actions sociales : belle formulation du travail de l'homme politique, hein ? Y a des jours on se dit il en passerait un par chez nous, de Marc-Aurèle, ce serait pas du luxe. À condition qu'il agisse toujours comme il s'efforce de penser, vertueusement.

     

    Et voilà qu'on se met à penser nous aussi, par exemple aux trucs pas jojo que s'est permis Marco, genre persécuter les chrétiens. Son argument : la croyance, en contestant la raison, nuit à l'exercice de la citoyenneté.

    C'est pas faux sans doute, mais alors rares sont ceux qui, étant exempts de toute croyance (religieuse ou pas), ne seront pas persécutables à un moment ou à un autre.

    Et puis : croire lutter contre la croyance erronée par la persécution, est-ce bien raisonnable ?