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Le blog d'Ariane Beth - Page 289

  • Zéro absolu

    Le principe de réalité est la continuation du principe de plaisir par d'autres moyens.

     

    - Voilà, Sigmund, c'est à vous. Vous avez carte blanche.

    - Oui je suis là. Présente !

    - Quelle narcissique tu fais, ma pauvre Blanche.

    - Mais tu m'as dit de dire présente !

    - J'ai pas dit page blanche, mais carte blanche, chèque en blanc si tu veux.

    - Ach so …

    - C'est méchant ça. Tu dis chèque parce que ça rime avec échec et …

    - Und so …

    - Mais t'es parano décidément …

    - Ach scheisse à la fin ! Es ist mein Tour ja oder nein ? Ich kann en plazieren Eine ?

    - Oui pardon, allez-y.

    - Le principe de plaisir ist l'équation de base von psycho-Energie. Elle dit que l'Arbeit psychique konsist à réduire autant que möglich les Perturbazionen. Jusqu'à null (zéro en französisch) si möglich.

    - Oui mais voilà c'est impossible.

    - Richtig ! Unmöglich. Und warum ?

    - Because que la réalité c'est un truc perturbant par principe.

    - Sauf pour Spinoza, non ?

    - Il a jamais dit que la réalité était pas perturbante, Blanche. Au contraire, va voir la partie 3 de l'Éthique. Et justement la perturbation il a rien contre, il appelle ça désir et il dit ...

    - Ach Ariane, es ist meine Page à Mich oder was ? Spinoza ras le bol, à la Ende !

    - Oui pardon, allez-y.

    - Donc la Räalität est semée d'embûches qui font Obstakel au plaisir, on n'arrive jamais à perturbation zéro.

    - Sauf quand c'est encéphalogramme plat, quand on est mort quoi : là le principe de plaisir on y est, non ?

    - Ouais on y est. On y reste surtout.

    - Ah c'est rigolo ça, t'as retrouvé ton sens de l'humour, Blanche.

    - Ach justement ! Le Mensch qui fonce tête baissée direkt au plaisir, il est vite mort. Pour continuer à rigolieren en attendant la Tod, faut passer par le Prinzip de réalité. Kontournieren, changieren de plan, trouvieren ein anderen Soluzion, passieren par ein moyen terme, acceptieren eine Frustazion temporaire.

    - Pfff c'est pas drôle ...

    - Ja aber c'est la vie, comme on sagt en français.

     

     

  • Autrement dit

    Par réalité et par perfection j'entends la même chose.

     

    - Entre nous Ariane, je comprends pas la fixation que tu fais sur cette phrase.

    - Fixation ?

    - Ach ja, Blanche ist richtig, Sie ziten diese Phrase sehr souvent, Ariane. Ich sprecherais kasimentig de Radotage …

    - N'importe quoi. Et puis chacun son tour, Sigmund, le vôtre sera la prochaine fois. D'ici là contentez-vous d'écouter, danke schön. Et toi Blanche, fixation je veux bien, mais toi dans le genre perfectionniste toujours à raturer, reprendre, corriger …

    - "Le perfectionnisme c'est l'imperfection", dirait ton ami Lacan (et toc).

    Mais pour en revenir à la phrase de Spinoza, je croyais que t'aimais pas le mot perfection, trop nirvanesque, religieux, platonicien, transcendant, absolu ...

    - Parfaitement : un mot immobile, fermé, incompatible avec ma claustrophobie intellectuelle. C'est pourquoi son acception spinoziste me plaît.

    Nous avons en effet montré, dans l'Appendice de la Première Partie, que la Nature n'agit pas en vue d'une fin ; car cet Étant éternel et infini que nous appelons Dieu, autrement dit la Nature, agit avec la même nécessité par laquelle il existe. (…) et c'est pour cette raison que j'ai dit plus haut que quant à moi, par réalité et par perfection, j'entends la même chose. »

    (Éthique préface partie 4) C'est clair, non ?

    - Euh … Enfin ça dépend à quoi on compare. Plus clair que Lacan c'est impossible, mais …

    N'agit pas en vue d'une fin, Deus sive Natura, agir et exister par la même nécessité : si c'est pas s'inscrire en faux contre la notion de transcendance ou d'idéal, je sais pas ce qu'il te faut, Blanche.

    - Mouais si je comprends en fait il joue sur le mot perfection genre si Lacan le fait pourquoi pas moi.

    - Un jeu si ça peut te faire plaisir. Dans réalité il inclut à la fois le résultat (le réalisé) et l'acte de réalisation, par la même nécessité. La réalité est per-fecta, on ne peut rien faire au-delà, autrement. La réalité n'a pas d'ailleurs.

    - C'est hyper motivant, ça ! Si la réalité est moche, injuste, invivable, inutile de se révolter, d'essayer de la changer ? Finalement c'est un réac, Spinoza.

    - Tout dépend comment on voit le verre, à moitié vide ou à moitié plein. S'il n'y a pas d'ailleurs à la réalité, il faut cesser d'espérer l'au-delà ou le grand soir. Là où tout serait enfin parfait dans le meilleur des mondes ou des arrière-mondes (comme dit Nietzsche).

    Alors reste une option : répondre présent (e) à la réalité. À partir de là tout devient possible.

     

    (À propos de Nietzsche, ainsi parle-t-il de Zarathoustra dans Ecce homo : Comment celui qui a la vision la plus dure, la plus terrible de la réalité n'y trouve néanmoins aucune objection contre l'existence.)

  • Rien d'impossible

    « Le Réel c'est l'impossible.

    1) Lacan aimait l'aphorisme. Et le paradoxe. Et le jeu de mots. Et dérouter ses auditeurs ou lecteurs. On ne saura jamais si c'était

    a) pour (se) prouver sa supériorité intellectuelle sur le commun des mortels, et surtout le pas trop commun, scientifiques, universitaires, intellectuels de toutes plumes

    b) juste pour agacer ceux-là, et d'autres si affinités

    c) pour adapter à sa façon la maïeutique socratique à l'acte psychanalytique

    En tous cas l'obscurité énigmatique du verbe lacanien suscite chez lecteur, auditeur, interlocuteur (et trice aussi bien sûr) des réactions éclairantes. C'est son schibboleth à lui, en quelque sorte.

    Ainsi dans le QCM ci-dessus, celui (ou celle) qui cochera le case a) signera un désir de compétition pour la place de mâle dominant (ou, et c'est en fait la même attitude, son allégeance à ce supposé dominant).

    Le sceptique cochera la case b) en souriant, le passif-agressif en râlant.

    Le gentil bienveillant cochera la case c). (Pour ma part je coche les trois cases).

    2) Remarquons : réel, et pas réalité.

    Le mot réfère à la triade Réel Imaginaire Symbolique, grain de sel lacanien sur la topique freudienne ça moi surmoi. Grain de sel pas trop mal venu à mon goût : les adjectifs substantivés, encore mieux que les pronoms, permettent d'éviter un contresens fréquent sur la notion d'inconscient.

    L'inconscient au sens freudien n'est pas une entité isolable*, mais « l'autre » mode du fonctionnement psychique, dont « l'un » est le mode conscient. Ce qui implique qu'ils sont toujours ensemble, même si l'inconscient est par définition … non perçu.

    *Freud prend beaucoup de précautions (entre autres dans l'article le Moi et le Ça) pour expliquer que ces topiques (grec topos = lieu) ne sont pas vraiment des lieux, n'étant localisables nulle part, ni dans le cerveau ni ailleurs.

    3) Jouant sur le mot, Lacan entend par impossible ce dont on ne peut pas dire : "peut-être, c'est une possibilité, ce n'est pas impossible". Le Réel à la mode de Lacan est la seule possibilité, le Réel n'est pas en option. »

     

    - Ah ça c'est bien toi, Blanche ! Genre non je pourrai pas, bosser y en a marre. Et puis finalement tu y vas …

    - Ouais c'est mon côté Mark Twain Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait. (Toutes choses égales par ailleurs).