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Le blog d'Ariane Beth - Page 288

  • C'est bien plus beau ...

     

    Utilité. 1120 latin utilitas.

    Caractère de ce qui est utile.

    « L'utilité directe de l'art, théorie puérile » (Hugo). Tout auteur engagé qu'il fût, notre Totor national ne s'illusionnait pas sur la portée de son œuvre.

    Au plan politique entendons, parce que côté qualité de ses écrits, il n'avait guère de doutes sur leur aptitude à entrer dans la légende et durer dans les siècles.

    En tous cas puérile est le mot. L'artiste vit comme les enfants au royaume du on dirait que ce serait (ou ne serait pas, une pipe par exemple), royaume parallèle à la réalité, donc sans utilité directe sur elle.

    Cependant directe contient un implicite (Totor sait ce que parler veut dire). L'art n'a certes pas le pouvoir de transformer le monde, comme ça direct, d'un coup de baguette magique.

    Mais il ouvre à l'interprétation du monde de nouveaux espaces, de nouveaux modes, qui indirectement agiront.

     

    Avoir son utilité voir fonction. « Les hommes vous estiment en raison de votre utilité, sans tenir compte de votre valeur ». (Balzac)

    Ce qui amène à ABSOLT Le principe, la morale de l'utilité voir utilitarisme. Personnellement, je trouve que l'utilitarisme n'est pas si bête.

    À condition qu'il soit envisagé de façon conséquente, logique, cohérente. Disons dans une société où l'utilité de l'un ne saurait empêcher celle de l'autre (c'est comme la liberté). Du coup on serait conduit à chercher les voies d'une utilité sociale qui articule toutes les utilités individuelles.

    La phrase de Balzac relie les deux perspectives.

    Chaque être humain peut se prévaloir au moins d'une valeur : son caractère unique. Une valeur absolue, inaliénable, indépendante de l'utilité qui, elle, est relative.

    Le problème c'est que l'utilité, du temps de Balzac à l'aurore du capitalisme, comme encore du nôtre, n'est prise en compte qu'à l'aune du bankable.

    Raison pour laquelle l'art, ainsi que les fonctions utiles socialement mais non rentables en termes monétaires immédiats (le soin, l'éducation, la recherche fondamentale, la protection des faibles - police, justice), sont dévalorisés.

     

    (1801) Emploi subalterne d'acteur.

    Jouer les utilités FIG avoir un rôle secondaire, insignifiant.

    L'ironie de cette nomination finit par toucher, au-delà de l'acteur secondaire, le métier d'acteur en général, bien inutile. Et peut être au-delà jette un doute sur l'illusion d'être utile en général.

    D'ailleurs le mot qui suit utilité chez Robert est utopie. CQFD.

     

     

     

     

     

  • Numerus Clausius

    Entropie. Ben oui quand même on est bien obligé maintenant qu'on est venu jusque là.

    1869. formé en allemand (Clausius) du grec entropia « retour en arrière ».

    En thermodynamique, fonction définissant l'état de désordre d'un système, croissante lorsque celui-ci évolue vers un autre état de désordre accru. « L'entropie augmente lors d'une transformation irréversible ».

    Dégradation de l'énergie liée à une augmentation de cette entropie.

     

    Il a eu une sacrée bonne idée, ce monsieur Clausius.

    Tenter de trouver un ordre de lecture du désordre, décoder dans le désordre apparent la formule d'un ordre jusqu'alors inaperçu, est l'objet de la démarche scientifique en général. La grande idée n'est pas là.

    Mais le pas de côté si souvent à l'origine des révolutions scientifiques (et autres), il le fait en décidant de voir dans le désordre une grandeur physique comme une autre. D'en faire dans la foulée une fonction utilisable, de le convertir en outils équationnels.

    Autrement dit, avec la formulation du concept d'entropie, on cesse de considérer le désordre uniquement comme une gêne, un « bruit ». On le met au service de la construction de l'édifice, il en devient une pierre comme une autre.

    Disons-le avec une autre métaphore : la fonction entropie agit comme un lutteur d'art martial (la science aussi est un sport de combat*). En parant l'attaque de l'adversaire (les embrouilles du désordre), on récupère à son profit sa dynamique.

    D'une déperdition (d'énergie thermique) on fait un gain (de la valeur de la fonction entropie).

    Bref en physique cette histoire a bien fait avancer le schmilblick.

     

    Après, pour le reste, on peut rêver ...

    Ce serait bien de transposer la démarche au monde humain trop humain, ce système grouillant d'affects désordonnés.

    En tentant de définir les désordres géo-politiques, les retours en arrière intellectuels, les dégradations d'énergie sociétale, on ouvrirait la possibilité de nouvelles équations, de nouvelles solutions.

    On pourrait même imaginer un mot d'ordre du style néguentropistes de tous les pays, unissez-vous !

     

    *cf le mot de Bourdieu La sociologie est un sport de combat.

     

     

  • Relativiser

    Néguentropie

    Voilà un mot qui a de la gueule. Non content d'avoir la classe côté ciboulot, il se paye le luxe d'une élégance aussi personnelle que raffinée. Une alliance de sérieux et d'originalité, un je ne sais quoi de décalé (le genre qui porterait plutôt bien lavallière et araignée à la boutonnière).

    Je trouve que ce serait un mot parfait pour tenter l'exercice inverse des célèbres bordées d'injures haddockiennes. Tiens c'est vrai direz-vous, ce serait sympa, ça, pourquoi on n'y a pas encore pensé ? Je crains que la réponse ne soit dans la question.

    Pour ma part je l'avoue, je n'ai eu ces derniers temps que peu d'opportunités de couvrir d'éloges, de fleurs et de mots doux certains de ceux à qui j'ai eu affaire. Commerciaux de tout poil (et surtout de mauvais), opérateurs internet, fournisseurs d'énergie, et même agents d'administrations.

    C'est pas que je sois parano, mais je les soupçonne d'être à la solde d'une vaste entreprise de conversion de la société à la misanthropie. (Mais peut être ne sais-je pas voir leurs bons côtés ?) (je dis ça histoire de ne pas passer définitivement pour une irrécupérable maussade) (et sarcastique invétérée).

    Mais revenons à notre néguentropie. Mot que Robert date de 1964. C'est fou.

    Quand j'étais enfant, tous les mots du dico étaient plus vieux que moi. Quoi de plus normal : les mots comme les parents nous précèdent en ce monde. Sauf que maintenant il y a beaucoup de mots plus jeunes que moi, même dans les vieux dico.

    Perturbant, non ?

    À propos de perturbant, j'ai lu récemment un livre sur le temps* auquel je n'ai pas tout compris (oui bon presque rien compris). Sinon que le temps et l'entropie sont indissociables. Y aurait pas d'entropie y aurait pas de temps figurez-vous.

    Quand je dis figurez-vous c'est une image naturellement. Car notre bon vieux logiciel d'intuitions plus ou moins newtonien ne nous sert plus à grand chose depuis Einstein.

    Et alors je vous raconte pas si on se plonge dans la soupe quantique de la physique contemporaine. Heureusement au niveau macroscopique où nous vivons, le principe d'Archimède tient le coup, ainsi que la plupart de nos repères.

    J'ai au moins retenu ça du bouquin. Et aussi qu'il est déconseillé à qui est sujet au vertige de se placer du point de vue micro (où tout est relatif, élusif, incessamment mobile).

    Néguentropie. DIDACT. Entropie négative ; augmentation du potentiel énergétique.

    C'est ce qui est bien dans ce mot, il a l'air négatif mais en fait non. (Moins par moins égale plus comme on disait à l'école – avant 1964).

    Augmentation du potentiel, franchement ça encourage. Merci Robert.

     

    *L'ordre du temps (Carlo Rovelli. Flammarion 2018)