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Le blog d'Ariane Beth - Page 295

  • Psaume 133 Comme la bonne huile

    1 Chant des degrés à David. Voici ! Quel bien et quelle douceur, quand les frères demeurent unis.

    2 C'est comme la bonne huile sur la tête, qui coule sur la barbe d'Aaron, qui coule tout au long de sa tunique.

    3 C'est comme la rosée du Hermon qui descend sur les montagnes de Sion ; car là, YHWH appelle la bénédiction, la vie pour l'éternité.

     

    On l'a remarqué avec le ps 131, la brièveté a pour corollaire l'absence de démonstration, d'argumentation, de justification. Le texte choisit le mode du simple constat. Un choix lisible ici dans le mot initial.

    Voici = « allô vous m'écoutez ? Je voudrais dire juste un petit truc. »

    Mais avec la brièveté, le problème esthétique est d'échapper à la platitude, au schématique, à l'abstraction. Le ps 131 le résolvait par une image simple mais au fond inattendue, et surtout apte à l'accroche affective.

    C'est encore ici une image empreinte d'affectivité, une photo de famille.

    « Aaron, mets-toi en retrait derrière Moïse. Pardon ? Ah tu as l'habitude ... On y est ? Voici ! Quel bien et quelle douceur, quand les frères demeurent unis. »

    Une photo, et même un cliché. (Oui les filles moi aussi : les frères sont là, et tes sœurs ? Pour le ps 131 on s'est demandé si l'auteur n'était pas femme, ici y a pas grand doute).

    (Quoique : aussi bien c'est une mère qui exhorte ses fils ? Quand les frères demeurent unis, ça sent un peu son : OK Esaü, tu en veux à ton frère, mais on va pas en faire un fromage, mange tes lentilles) (Gen 27).

    À propos de cuisine et de droit d'aînesse, l'huile qui coule au v.2 évoque bien sûr l'onction messianique (en hébreu messiah = l'oint, celui sur qui a coulé l'huile de la bénédiction).

    L'unité dans la fratrie appelle ainsi une unité plus large, celle qui doit cimenter la communauté, le peuple dans son ensemble.

    Le v.3 enfin inscrit ce peuple dans un lieu, avec la mention du mont Hermon et des collines de Sion.

    Et là une fois de plus l'interprétation est un sport à risque.

    On peut y lire la justification d'un nationalisme étriqué et facteur d'exclusion. C'est ce que font hélas certains aujourd'hui, fétichistes de la terre, fondamentalistes meurtriers de la puissance de vie que porte la parole.

    (Des fétichistes de la terre, de la nation, il y en a qui sévissent aussi en bien d'autres pays qu'Israël, faut-il le préciser).

     

    Ce psaume dans sa brièveté révèle donc tout l'enjeu de la promesse biblique. De là, il incite à poser la question cruciale pour la survie de l'humanité.

    La fraternité, est-ce un truc qui s'arrête aux frontières du clan, de l'ethnie, de la nation, de la secte religieuse ?

    Ou bien est-elle ce qui relie toute l'espèce humaine, vivant en partage sur la même planète d'accueil, sa seule et unique terre d'asile ?

     

  • Small il beautiful

    Il n'y a pas de problèmes pratiques, il n'y a que des solutions esthétiques.

    Cette phrase de Constantin Stanislavski est d'une grande pertinence dans beaucoup de situations, pas seulement au théâtre.

    En l'occurrence, un parcours des psaumes pose (au moins) deux problèmes pratiques.

    1) Leur nombre dissuade d'en faire une lecture exhaustive (en tous cas me dissuade) (pour la raison pratique qu'il faudrait y consacrer des années, et la raison esthétique que je me lasse au bout d'un moment) (alors j'imagine le lecteur).

    2) Leur longueur est difficilement compatible avec le format blog.

    Car même en renonçant à faire un sort à tout, faut ce qui faut pour éviter le trop vague et trop survolant (grave problème esthétique).

    Une longueur parfois extrême. Exemple j'aurais aimé parler du beau ps 119, émouvant radotage d'un vieil amoureux de la parole biblique, qui se déroule (forcément) au fil de l'alphabet.

    Mais 176 versets ! On oublie.

     

    Bref, j'ai opté pour la solution esthétique qui consiste à prendre le problème à l'envers : j'ai cherché tout bêtement les psaumes les plus courts.

    Voilà qui permettra, lecteur, d'alléger (geste esthétique s'il en est) ta charge de lecture (oui alléluia je te le fais pas dire).

    De ces psaumes courts, nous en avons déjà rencontré un, le ps 131 (comme l'enfant sevré sur sa mère) qui compte seulement trois versets.

    J'en ai trouvé trois autres aussi courts : ps 133 et 134 (3 versets) et le winner incontesté (2 versets) le ps 117.

    Nous terminerons donc le parcours par ce tiercé.

    Pour le lecteur enrôlé dans ce marathon de lecture, voir enfin la ligne d'arrivée : encourageant, non ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Psaume 19 (3/3) Voltaire et Spinoza

    Le scénario imaginé la dernière fois se tient, je trouve, pour répondre à la question technique de la composition du texte. Mais il amène à une question de fond (qui n'était peut être pas celle de notre poète) (mais comme c'est la mienne, on y va).

    Que la présence d'El soit captée sans mots mettons, mais la loi de YHWH, elle, a besoin de mots pour se dire.

    Or je ne l'apprends à personne (j'espère), les mots (fût-ce ceux des textes dits inspirés) ne tombent pas du ciel. Inutile de se former à la sténo pour les noter au vol sous la dictée d'un dieu, ange ou quoi que ce soit qui se mettrait à vaticiner à nos oreilles élues.

    Les textes religieux sont écrits par des humains (masculins de surcroît, dans les monothéismes en tous cas) (ou alors va savoir un ou deux griffonnages féminins anonymes dans un tout petit bout de marge) (pour les autres religions je n'en sais pas grand chose).

    Bref toute enquête honnête et sérieuse de traçabilité les révèle human made de A à Z. Et c'est là que ça craint.

    Car on ne s'est pas gêné pour mettre dans la bouche des dieux des propos disons contestables du point de vue éthique.

    Or ils n'ont jamais protesté not in my name. Étonnant, non ?

    1) c'est normal ils n'existent pas répond l'athéisme

    2) ils se foutent de tout répond l'épicurisme (en pratique c'est la même chose)

    3) Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu a dit Voltaire.

    Magistrale formulation du religieux pervers, ventriloque qui fait parler un dieu-marionnette par lui fabriqué aux fins de violence et asservissement de son prochain.

     

    Le poète du ps 19 ne coche aucune de ces trois cases.

    Pour lui El existe et l'enseignement de YHWH donne à l'humanité part à cette existence.

    Sauf que ce n'est certes pas une question de pouvoir, mais de joie.

    YHWH et son enseignement ils les voit fidèles, droits, lumineux, vrais, justes. Plus désirables que l'or, que l'abondance d'or pur ; plus doux que le miel, que le rayon de miel pur (v.11)

    Le poète écrit tout simplement dans l'éthique spinoziste (oui je sais je suis monomaniaque). Une éthique du bien être, et non des interdits et obligations morales ou rituelles.*

    La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu-même ; et ce n'est parce que nous réprimons les désirs à faux que nous nous jouissons d'elle, mais parce que nous jouissons d'elle que nous réprimons les désirs à faux. (Ethique partie 4 prop 42 et finale)

     

    *Soyons précis, il y a un seul mal ou « péché » mentionné, l'orgueil (v.14).

    J'y lis comme au ps 131 l'hubris, signe précisément de l'incapacité à s'inscrire dans la dynamique vitale célébrée par ce psaume (c'est cohérent).