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Le blog d'Ariane Beth - Page 294

  • Tournoi amical

    « Longtemps qu'on n'a plus fait de petite visite à ce cher Robert, qu'en dis-tu, Blanche ? » (Blanche Page, une amie). Pas de réponse : qui ne dit mot consent.

    De toutes façons Blanche est de bonne composition, pas du genre à se froisser pour un oui ou un non.

    Robert, c'est tel qu'en lui-même que nous le retrouvons, prêt à nous offrir ses trois-mille pages dûment noircies. Quel mot parmi tous ceux-là ? Tu dis quoi, Blanche ?

    « Hasard » ?

     

    hasart XII°s de l'arabe az-zahr = le dé, par l'espagnol azar.

    Ah l'étymologie, ça en raconte des histoires ...

    Remparts d'une forteresse XII°s, soleil de plomb, des guetteurs tuent (faute de mieux) le temps en jouant aux dés. Sous le même soleil, remparts d'en face, d'autres guetteurs tuent le même temps, par le même jeu.

    Un jour ils décident de se défier en un tournoi amical. Et puis la compétition, le point d'honneur, la fièvre du jeu : on en vient aux mains, on juge indécent de les laisser nues, on les équipe d'épées et cimeterres …

    De la suite de l'histoire nous ne retiendrons que le positif : les langues sont spontanément accueillantes, et pratiquent volontiers le métissage.

     

    I JEU. 1 vx Jeu de dés en usage au Moyen Âge ; coup heureux à ce jeu (le six).

    2 Jeu de hasard, où le calcul et l'habileté n'ont aucune part (dés, roulette, baccara, loterie).

    Aucune part : quoique. Il arrive que le calcul et l'habileté fassent jeu égal avec le hasard, comme dans la séquence fameuse de Rain Man où Dustin Hoffmann « compte les cartes ». Mais bon c'est vrai tout le monde n'a pas de telles compétences.

    Quant à dire que sortir un six est un coup heureux à tous les coups ? Ça dépend du jeu.

    (Exemple dernier tour de Yam il vous manque les un et vous ne sortez que des six) (ça signifie qu'en plus de n'avoir pas de chance vous êtes nul en stratégie, sans aucune capacité d'anticipation).

     

    Au vu de ces définitions il y a fort à parier que Robert n'est pas un pratiquant assidu des jeux de hasard (bien qu'il tente de donner le change). Mais on va pas le lui reprocher, il a d'autres qualités.

    Sans dédaigner les jeux où calcul et habileté ont leur part, il faut reconnaître que jouer avec le hasard c'est un tout autre frisson.

    Car c'est poser au destin la seule question qui vaille : est-ce que tu m'aimes ?

     

  • Psaume 117 Difficile autant que rare

    1 Louez YHWH, toutes les nations, célébrez-le, tous les peuples !

    2 Car son amour l'emporte sur nous, et la vérité de YHWH est éternelle. Louez Yah !

     

    Son amour l'emporte sur nous : curieuse formule, non ?

    Elle me fait penser à la phrase de Spinoza (à la monomanie comme à la monomanie) :

    « Qui s'emploie à triompher de la haine par l'amour combat tout joyeux et sans inquiétude tient tête avec autant de facilité à plusieurs hommes qu'à un seul, et n'a pas le moins du monde besoin du secours de la fortune. Et ceux qu'il vainc perdent joyeux, non pas certes d'avoir perdu leurs forces, mais d'en avoir gagné. »

    (Ethique partie 4 scolie prop 46)

    Sacré bonhomme, hein? Quand on lit Spinoza on ne peut s'empêcher de paraphraser le « mot »* de je retiens jamais qui : l'humanité est une bonne idée qu'on n'a jamais vraiment essayée.

    (*le christianisme est une bonne religion qu'on n'a jamais vraiment essayée).

     

    Bref comment comprendre la formule, sachant en outre que le mot employé (hased), qu'on traduit par amour ou grâce, rend compte de l'inconditionnalité de l'amour. S'il y a un parce que, ce ne peut être que du style parce que c'était lui, parce que c'était moi.

    Lutter par l'amour est briser une frontière, et pas n'importe laquelle.

    C'est briser ce qu'on peut appeler la mère des frontières, celle qui s'établit entre un nous et un eux.

    Et souvent d'autant plus rigide et barbelée que nous et eux sont proches et semblables (narcissisme des petites différences, le plus ravageur, dit Freud).

    La vérité de « YHWH » ? L'universalité. Attention pas celle d'un impérialisme, d'un totalitarisme.

    Toutes les nations, tous les peuples. Ensemble et chacun soi. Une unité qui ne soit pas confusion.

    Ah oui, c'est pas simple et c'est un gros boulot (sur soi et sur les autres). Mais tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare (dernière phrase de l'Éthique).

    Hors de ce « nous tous » à préférer au « nous contre eux », pas de louange sincère à un dieu quel qu'il soit (ou ne soit pas), et surtout, plus important, pas d'amour sincère de l'humanité, en soi et dans les autres.

     

    Conclusion tu sais quoi lecteur : c'était une sacrée bonne idée les psaumes courts pour finir (bravo Ariane). Ils nous ont menés droit à l'essentiel, à la substantifique moelle du livre.

  • Psaume 134 Dans la maison monde

    1 Chant des degrés. Voici, bénissez YHWH, vous tous, serviteurs de YHWH, qui vous tenez dans la maison de YHWH pendant les nuits !

    2 Élevez vos mains vers la sainteté, et bénissez YHWH !

    3 Que YHWH te bénisse de Sion, lui qui fait le ciel et la terre !

     

    Si l'on se représente les gestes dans ce psaume, on est gratifié d'un moment vraiment esthétique.

    Les serviteurs de YHWH lèvent les mains vers lui. Lui, en sens inverse, tend les siennes vers eux pour les bénir.

    Voilà qui évoque l'inoubliable image de Michel-Ange à la chapelle Sixtine pour représenter la création d'Adam.

    Comme on l'a lu dans les autres psaumes, la relation de l'être humain à YHWH se joue dans la distance qui les unit/sépare, plus ou moins grande selon les circonstances et leurs positionnements respectifs.

    La distance où a lieu l'attente, où naît le désir.

     

    Un lieu occupé ici par les serviteurs de YHWH. Qui sont-ils ? (elles?) (non je rigole).

    Dans l'optique boutique religieuse on peut penser à des prêtres, des fonctionnaires du culte. Surtout pour ce psaume des montées, dans le cadre d'une célébration.

    Mettons, mais quelle est alors leur fonction précise ?

    Qui vous tenez dans la maison de YHWH pendant les nuits. Ces gens sont des veilleurs.

    Une fonction déjà rencontrée deux fois dans notre parcours (ps 121, ps 127), avec cette différence (de taille) que le veilleur y était YHWH.

    Se tenir la nuit dans la maison de YHWH ne serait donc pas tant (ou pas du tout) veiller pour YHWH, au sens d'accomplir une obligation rituelle, fût-elle de louange (louange obligatoire : oxymore, non ?).

    Il s'agirait plutôt de veiller en YHWH. Autrement dit tenir bon dans l'espace à être-soi qu'ouvre la prononciation du Nom (cf Au pluriel). Cela non seulement quand il fait jour, qu'on y voit clair, mais aussi dans les nuits.

     

    Quant à bénir YHWH, est-ce en dire du bien ? Ou est-ce bien le dire, bien prononcer le nom, pas à faux ? Et ainsi bien se prononcer dans le nom ?

    Que YHWH te bénisse de Sion, lui qui fait le ciel et la terre ! Encore un verset-dynamite, à ne manipuler qu'avec précaution.

    Si YHWH bénit depuis Sion, est-ce parce que ce serait son chez-lui-rien-qu'à-lui, un YHWH enrôlé dans un nationalisme excluant ? Pour le bonheur et la paix de tous, excluons cette interprétation.

    YHWH bénit depuis Sion tout simplement parce que c'est là que l'auteur des psaumes écrit le mot bénir.

    Que lui, ou un(e) autre, l'écrive d'ailleurs, de n'importe où dans le ciel et la terre, et la bénédiction y sera tout pareil.

    Encore faut-il que l'on choisisse de l'écrire.