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Le blog d'Ariane Beth - Page 304

  • Eclairer

     

    Le mot psaume vient de la traduction grecque de la Septante, psalmon. Ce mot désignait un air joué sur un instrument (à cordes) appelé psaltérion.

    En hébreu le livre s'appelle sefer tehillim, livre de louanges. Louange est un mot pas exempt de connotations gnangnan. Tehillim contient cependant une racine qui signifie luire, faire de la lumière.

    Dans les psaumes on cherchera donc une lumière, qui pourra être lucidité ou illumination, ou pourquoi pas les deux ensemble.

     

    Pour l'attribution à David, on peut repérer la consonance des thèmes et du style du livre avec la personnalité supposée du roi poète. Il y a la mélancolie. Lyrique et nostalgique, souvent âpre, violente, désespérée.

    Une mélancolie articulée dans de nombreux psaumes à la perception très moderne de l'ambivalence humaine.

    Et il y a la légèreté, la grâce.

    David a beaucoup de défauts, il est violent, mégalomane, manipulateur à l'occasion. Mais il a cette grande qualité de légèreté.

    Dans son combat contre Goliath, elle est le grand atout pour sa victoire. Goliath, tout engoncé dans son armure, croule sous le poids de ses armes. David est nu, ou quasiment, et sa fronde, plus qu'une arme, est un jouet d'enfant facile à manier, ce qui lui donne une imparable rapidité et aisance de mouvement.

    La même aisance et légèreté, la même nudité aussi, se retrouvent quand, à l'arrivée de l'arche d'alliance, il se met à danser de joie, sans souci d'y laisser sa dignité de souverain, ce que lui reproche vertement sa femme Mikal (2 Sam 6, 14-20).

    Cette légèreté fait son charme, cette sorte de grâce quasi enfantine qu'il conserve tout au long de son histoire.

     

    Comme souvent, c'est la musique, celle des instruments et celle des mots, qui vient charmer la douleur. Et davantage. Le génie des psaumes est de réaliser par le travail poétique la sublimation de la douleur, pour en faire, au même titre que la joie, un chant.

    Un chant en quelque sorte au-delà de la bénédiction ou de la malédiction. La louange des tehillim consiste à discerner une lumière de nuit comme de jour.

     

    Pour finir cette petite introduction je précise que je lis le livre des psaumes dans l'édition bilingue (hébreu/français) de Patrick Calame et Franck Lalou (Albin Michel 2001 revue 2009).

     

     

     

     

  • Psaumes "de David"

    Les psaumes ont été écrits probablement sur un temps assez long, et certainement par des auteurs différents. Beaucoup sont attribués au roi David dans leur texte-même.

    La tradition a suivi, tout en sachant que les attributions bibliques n'ont qu'un rapport fort lâche à une quelconque vérité (et même vraisemblance) historique. Elles ne sont pas pour autant sans signification, on le verra.

    Sans doute peut-on voir en ce « David » le créateur du recueil, réalisant un travail d'assembleur à la manière d'un rhapsode antique, d'un jongleur médiéval.

     

    L'histoire de David, berger à Juda vers le XI° siècle avant JC (son lointain descendant), petit dernier d'un dénommé Jessé, appelé par un prophète à succéder au roi Saül perdant l'esprit et la faveur divine par la même occasion (cf livres de Samuel), elle est plus légendaire qu'historique au sens moderne.

    (Pour ce qui suit, cf le livre d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman La Bible dévoilée - déterrée plutôt Bible unearthed Bayard 2002).

    Comme les patriarches ou Moïse au moins tel qu'on le fantasme, David est avant tout un personnage littéraire, élaboré à partir de traditions orales au moment-clé de la Bible que fut le règne du roi Josias au VII°siècle, à mi parcours du temps entre la chute de Samarie (722) capitale du royaume du Nord (Israël), et celle de Jérusalem (586) capitale du royaume du Sud (Juda).

    Avec l'arrivée en Juda de réfugiés venus de Samarie, commença à se fonder un royaume unifié. Il fallait l'adosser à une idéologie, une storytelling.

    On écrivit l'histoire de grands ancêtres, les patriarches (figure type Abraham).

    Quant au royaume que l'on ambitionnait, on le projeta dans le passé, on le remit aux mains de David et de Salomon (probablement chefs de clan assez charismatiques pour qu'on en ait gardé mémoire).

    La storytelling combina le politique et le religieux. Le royaume d'Israël pratiquait le syncrétisme entre le culte de YHWH et celui de dieux régionaux. Josias et le think tank sacerdotal purent instrumentaliser ses récents malheurs : c'était la punition de YHWH pour ne pas lui avoir conféré l'exclusivité. On allait le faire maintenant.

    La religion du Dieu unique permit de cimenter la société autour de l'éthique de l'alliance, et pour le culte Josias fit rénover le temple à Jérusalem. Lorsque Jérusalem tombe à son tour, que le temple de Josias est rasé et les Juifs déportés à Babylone, ils emportent l'essentiel, le livre. Ils le continueront en continuant la vie, d'abord en exil à Babylone, puis de retour à Juda quand Cyrus roi de Perse vaincra Babylone.

     

    Conclusions 1) David n'est pas qui l'on croit, 2) les psaumes ne sont pas tous de lui loin de là 3) on n'en a cure vu que le principal est ceci :

    le personnage de David, à la fois acteur de l'histoire et auteur de psaumes, se tient au lieu d'articulation des deux réalités, la vie et le texte.

     

  • Mosaïque

     

    La Bible comme on sait signifie les et non le livre (ta biblia est un pluriel en grec). L'entendre au singulier est dommageable à un juste rapport avec elle. Cela laisse plus ou moins penser qu'on se trouverait devant un texte cohérent, un message conçu comme une totalité bouclée, une sorte de dernier mot.

    Mais non. Ceci n'est pas un pavé, c'est une mosaïque. (Forcément). (Même si le terme mosaïque au sens petits cailloux n'a pas de rapport avec Moïse) (dixit Robert, l'autre bible).

    Un livre aux multiples faces, ensemble composite et baroque, tissé de textes d'époques différentes en des styles littéraires variés, depuis le code rituel le plus étroit à la plus subtile poésie, en passant par le récit mythologique ou (prétendu) historique, le traité philosophique, la parole prophétique.

    Le tout avec des motivations et des buts tout aussi variés, et bien souvent contradictoires. Apologie et dénonciation, appel au pardon et exaltation de la vengeance, jubilation et déploration, enseignement et questionnement quasi aporétique.

     

    Pourtant ces apparentes limites de production et de contexte ne vont pas à l'encontre du pouvoir de signification, elles en sont plutôt le moyen. C'est d'elles, de leur reconnaissance, que la Bible tire sa capacité à laisser parler la chair vive et le réel, malgré toutes les tentatives de réduction à la normativité ou à l'idéalisme opérées par les pouvoirs religieux et politiques.

    Ne se présentant pas comme un livre mais comme la juxtaposition de livres divers et contradictoires, elle implique de poser le fait de l'interprétation comme constitutif de son sens. 

    Si bien que logiquement il faut déduire que la parole biblique ne peut délivrer sa vérité qu'en récusant un positionnement transcendant.

    (Comme l'a argumenté un lecteur et pas des moindres, j'ai nommé Spinoza).

     

    Du point de vue descriptif, si l'on fait l'impasse sur les trucs trop pointus genre dates et strates de composition (non que ce soit sans intérêt, mais format blog oblige), on a aujourd'hui deux testaments, le premier et le second (jusque là on y va avec M. de la Palice).

    Le second (des évangiles à l'apocalypse) est écrit en grec. Le premier en hébreu, à l'exception de quelques livres tardifs. La légende veut que sa traduction grecque, dite pour cette raison Septante, soit le fruit du travail de 70 sages ayant abouti séparément à la même traduction au mot près (chassez le mythe il revient au galop). Ensuite les deux testaments furent traduits en latin, ça s'appelle la Vulgate.

    Et depuis, on continue à lire, traduire et interpréter.

    La prochaine fois on s'intéresse à la question de (des) l'auteur (présumé) du livre des psaumes.