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Le blog d'Ariane Beth - Page 302

  • Ps 121 (3/3) Et c'est l'humain

    Il est ton ombre à ta main droite (v.5). Ombre ou ombrage, qui matérialise la présence en tant que protectrice. Une idée souvent reprise dans les psaumes, moyennant diverses métaphores : le bouclier qui pare les coups de l'ennemi, la mère oiseau qui abrite ses oisillons sous son aile, la grotte où se cacher.

    Quel que soit ici le propos du poète, pour ma part cette ombre me renvoie donc à l'histoire de Caïn et Abel, je le disais la dernière fois.

    Le nom Abel est le mot du texte célèbre de l'Ecclésiaste traduit par vanité. Il signifie fumée, vapeur, nébulosité. Le mot ombre ici n'a pas la même racine, c'est vrai. Mais les connotations imaginaires sont proches à mon sens.

    Et surtout il y a ce fameux dialogue. Où est ton frère ? dit YHWH à Caïn après le meurtre. Suis-je le gardien de mon frère ? (Genèse 4, v.9)

    Le gardien-ombre, je le mets en regard de l'Abel-fumée dont Caïn nie être le gardien. Caïn élimine le frère supposé lui faire de l'ombre, un autre-obstacle l'empêchant d'accéder à l'amour du dieu. C'est ici à l'inverse par son ombre protectrice que l'autre se manifeste, se faisant gardien.

    On se souvient du signe que YHWH met sur Caïn pour empêcher qu'on le tue après son crime (Gen 4,15), pour enrayer donc la réaction en chaîne de violence dans l'humanité (c'était bien essayé, hein?)

    Genèse 4 et ce psaume donnent ainsi la même réponse à la question de Caïn. Suis-je le gardien de mon frère ? Moi en tous cas Je Suis le tien.

    (Et après à toi de voir ce que tu fais).

     

    Gardien, mais comment, au fait ? Il te garde quand tu sors et quand tu entres.

    Entrer sortir de quel lieu ? Dans le contexte liturgique du psaume, d'abord celui de la célébration (temple ou autre).

    Mais on peut élargir aux lieux de la vie quotidienne, privés ou publics.

    À ceux de l'espace naturel, forêt, défilé, cours d'eau. Chacune des entrées-sorties portant des charges d'affect (joie, risque, fatigue).

    On peut encore entendre l'entrer-sortir comme référé à l'histoire d'Israël, aux épisodes d'exil et retour d'exil.

    On peut l'entendre, enfin, de manière radicalement existentielle. Le veilleur veille à toi quand tu sors du ventre de ta mère pour entrer dans le vivre avec les autres humains. Et inversement quand tu sors de la vie et entres dans le sein de la terre. (Pour l'éventuelle entrée au-delà, rappelons que la croyance en quelque chose après la mort est peu présente dans le judaïsme).

    Alors cette alternance entrer/sortir rejoint concrètement celle du souffle de l'humain qui inspire et expire.

    Le gardien est présence à ce souffle, il est dans ce souffle.

    Et voici à nouveau la Genèse. YHWH Elohim forme l'adam de la poussière de la terre. Il insuffle en ses narines une haleine de vie : et c'est l'humain, un être vivant (Gen 2, 7).

     

     

  • Ps 121 (2/3) Ton veilleur

     

    L'homme qui lève ici les yeux vers les montagnes n'est pas au sommet de la forme ni du moral. Une menace vitale lui fait lancer le SOS D'où viendra mon aide ? Une menace non précisée ici, contrairement à d'autres psaumes.

    L'important est qu'elle va révéler en situation le visage (au moins un visage) de YHWH.

    Il est caractérisé ici non par sa puissance, sa clairvoyance, son intelligence voire sa ruse, mais par le seul fait qu'il se tienne aux côtés de cet homme.

    Mot à mot mon aide d'avec YHWH (v.2). Pas dieu là-haut ou ailleurs mais compagnon ici, une présence, un être-avec.

    Cette présence relie les deux premiers versets. Je lève les yeux vers les montagnes d'où viendra mon aide, mon aide qui provient d'avec YHWH, faisant les ciels et la terre.

    Par la construction en chiasme, montagnes renvoie à cieux et terre.

    Leur ligne accroche le regard levé du poète pour lui rappeler son inclusion dans l'ensemble du monde créé. Sa solidarité (au sens physique, mécanique) avec ces choses qui tiennent bon depuis que le monde est monde, le ciel la terre avec ses montagnes.

    Choses solidaires elles-mêmes de la présence dont elles sont l'émanation (du point de vue du texte bien sûr) (la Bible n'est pas un livre scientifique ça va sans dire) (mais mérite d'être redit à certains).

    Le développement du nom YHWH par la formule faisant les cieux et la terre est en effet un écho de la Genèse. Dans les commencements, YHWH était faisant les cieux et la terre.

    Une formule ambiguë : signifie-t-elle que YHWH agit de l'extérieur, ou qu'il forme une unité ontologique avec les cieux/terre (et tout le reste cf Gen1).

    Spinoza on le sait prendra la seconde option avec son Deus sive natura.

    Dans le psaume celui qui fait ciel et terre est là, de plain pied avec le poète. Il offre son bras de gardien comme appui à son corps en marche, de même que la ligne des montagnes offre appui à son regard.

    Un gardien qui ne dort pas, donc un veilleur, mieux : un veillant.

    En outre ton gardien est dit aussi gardien d'Israël (v.4). L'homme du psaume, posé d'emblée dans la création entière, l'humanité entière, est ici replacé dans son appartenance intermédiaire, son appartenance de proximité.

    Les membres du peuple sont amenés à jouer les uns pour les autres le rôle du gardien, à en figurer l'incarnation. Et plus largement, à être maillons d'une chaîne de solidarité universelle.

    Car on peut lire dans ce psaume entre autres choses une invitation à revenir sur la fameuse interrogation dont Caïn a cru faire son alibi après le meurtre d'Abel.

    Ce que nous verrons la prochaine fois.

  • Psaume 121 (1/3) Je lève mes yeux

    1 Poème vers les montées. Je lève mes yeux vers les montagnes.

    D'où viendra mon aide ?

    2 Mon aide vient de YHWH, qui fait les cieux et la terre.

    3 Il ne laisse pas chanceler ton pied ; il ne sommeille pas, ton gardien.

    4 Oh non, il ne sommeille ni ne dort, le gardien d'Israël.

    5 YHWH est ton gardien, YHWH est ton ombre à ta main droite.

    6 Le jour, le soleil ne te frappe pas, ni la lune la nuit.

    7 YHWH te garde de tout mal, il garde ton être.

    8 YHWH te garde quand tu sors et quand tu entres, maintenant et en éternité.

     

    Ce psaume est le deuxième de la série (120-134) dite montées (ou degrés). Série d'abord liturgique. Ces psaumes étaient chantés en procession sur les marches (degrés).

    Montées réfère aussi à un type de sacrifice (en grec holocauste) où la victime était brûlée tout entière. Elle montait donc intégralement vers le dieu sous forme de fumée.

    Si bien que ni les prêtres ni les participants n'en recevaient de part, comme dans d'autres sacrifices, qui tout autant que de supposés actes de piété envers le dieu, étaient une substantielle source de revenu pour le clergé.

     

    Le mouvement de bas en haut est en tous cas un invariant anthropologique. Qui n'aspire à s'élever de toutes les façons possibles et à tous les sens du terme ?

    Concrètement, on a tendance à se sentir mieux sur une hauteur, on y respire plus large, du fait peut être que le regard porte plus loin.

    D'ailleurs, le psaume commence ainsi : je lève mes yeux vers les montagnes. Si quelque chose monte d'abord, dans ces montées, c'est le regard du poète.

    Du bas vers le haut, on aspire aussi à l'ascension sociale, à s'élever pour être plutôt celui qui commande que celui qui obéit. Quitte d'ailleurs à en écraser quelques uns au passage.

    En haut de l'échelle sociale, je ne sais pas si on voit mieux, mais on est mieux vu, on est distingué (dirait Bourdieu).

    Au plan éthique il est parfois question de tendances dites basses. Et du coup on conçoit le bien comme domination d'un haut sur un bas, et dans la foulée un divin Très-Haut.

    Un dieu là-haut dans son ciel avec vue panoramique et imprenable sur tout, bref un omniscient.

    Bien au-dessus du plus haut de l'échelle sociale, le chef des chefs, le maître absolu, bref un omnipotent.

    Bien plus sublime que l'humain le plus éthique, pur de pur, bref l'omni-discriminant entre bien et mal.

    En est-il ainsi dans ce psaume ?