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Le blog d'Ariane Beth - Page 300

  • Ps 127 (5/5) Fils de la paix

    Petit hic : la métaphore du v.4 qui transforme les fils en flèches. Elle m'ennuie beaucoup car elle peut être le support d'une lecture pervertie.

    Elle s'explique certes par le contexte. Ce psaume, comme la plupart, trouve sans doute sa forme définitive et sa place dans le recueil au retour d'exil, vers le V°siècle. Le peuple, passé tout près de la destruction, doit se reconstruire sur de nouvelles bases. « Revenir » au vrai culte, renoncer aux idoles (cf Psaumes « de David »).

    Dans ce contexte faire des enfants (outre honorer la vie) permet de faire nombre face aux peuples environnants, potentiellement ennemis, potentiellement conquérants. Désir compréhensible des menacés, des faibles, des petits.

    Oui mais ce légitime besoin de simple survie peut s'inverser, on ne le sait que trop aujourd'hui encore, en bien des endroits du monde, entre autres celui où vécut sans doute l'auteur de ce psaume.

    La voix des faucons ne cesse d'y couvrir celle des colombes, dans un contexte politique local et international dont la complexité se prête à toutes les manœuvres. Et depuis longtemps les faucons jouent, de part et d'autres, autant des fils utilisés comme de vulgaires pions pour gagner du territoire, que des flèches désormais missiles.

    Le psaume n'évoque pourtant ici ni mur ni barbelés entre les ennemis, mais se termine sur ce mot si simple de porte. Je sais bien qu'il ne faut pas être naïf et que la porte en question peut être celle d'une place-forte, celle par où on peut passer pour guerroyer.

    Mais ici il s'agit de parler. Donc, si les mots ont un sens, miser sur le dialogue et non sur les armes. Se parler entre enfants des deux côtés, chacun jetant ses flèches aux poubelles de l'Histoire.

    La seule façon pour eux tous, les uns et les autres, de ne plus être dévorés sans fin, de part et d'autre de la porte, par la culpabilité de toutes ces morts accumulées. De ne plus faire honte à l'humanité en eux, de ne plus perdre leur face humaine.

    Qu'ils soient soldats, colons instrumentalisés par une politique stupide et contre productive, voire religieux délaissant de façon aberrante la généreuse liberté du livre au profit d'un nationalisme littéralement atterrant, d'une fétichisation de la terre.

    Ou bien qu'ils soient, de l'autre côté de la porte et des check-points, une population tout autant instrumentalisée et fanatisée par nombre de ses chefs. Tout cela pour un seul résultat effectif depuis 70 ans : le triomphe de la mort.

    Le triomphe, en somme, d'une logique sacrificielle perverse, inhumaine, la logique du "mode-idoles" (cf Dors je veille) à laquelle encore, à nouveau, sans cesse, il faut trouver la force de dire non.

     

     

     

     

     

  • Ps 127 (4/5) Choisis la vie

    Dans la 2° partie du v.2 (qui constitue en gros le milieu du texte) il donne à son bien aimé le sommeil sonne de façon ambiguë : s'agit-il du simple repos quotidien ?

    Ou radicalement du repos dit éternel, qui seul consolera finalement des malheurs et angoisses de la vie dont l'évocation a occupé la première partie ?

    Cette ambiguïté, cet entre-deux évoque le fameux dilemme de Hamlet être ou ne pas être, mourir, dormir …

    Un dilemme envisagé dans un texte essentiel de la Bible : la vie et la mort, je les donne en face de vous, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives, toi et ta descendance (Deutéronome 30, 19).

    Au v.3, le poète choisit de laisser parler la vie, au sens le plus simple et le plus concret, en tant que désir de la chair vivante de persévérer dans son être (dirait Spinoza). Dans le silence et la nuit, tout à coup la douleur se retourne en joie, la pulsion de mort en libido. De la nuit, du point mort, de l'angoisse opaque, germent la lumière, la vie et l'avenir.

    Choisis la vie afin que tu vives, toi et ta descendance. Voici, l'héritage de YHWH sont les fils.

    Choix de David d'aller consoler Bethsabée, après la mort du sans nom conçu dans un porte à faux du désir. Choix fécondant qui assure la transmission de la promesse en laissant germer le fruit du ventre.

    Telle est la réponse, simple mais décisive, donnée aux angoisses existentielles de l'être humain devant la "vanité des vanités". Pourquoi vivre, à quoi bon ? Mais parce qu'on t'a donné la vie. Alors choisis la vie, ta vie.

    Vis la vie, et si tu peux, si la vie t'en donne la possibilité, transmets-la à ton tour.

     

    Voilà qui est bel et bon. Oui mais. Il y a un petit hic dans la suite du texte.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Ps 127 (3/5) Dors je veille

    Le texte du psaume présente deux parties bien différentes.

    Il commence par une sorte de point mort, dans un climat de découragement, de désillusion. En vain, trois fois répété, sonne comme une sentence. (Lalou et Calame traduisent pour la destruction).

    Si YHWH ne bâtit la maison en vain peinent ses bâtisseurs, si YHWH ne garde la ville en vain veille le gardien. En vain avancez-vous votre lever, retardez-vous votre repos, mangez-vous le pain des idoles.

    Et puis, de l'autre côté de la phrase-pivot Oui il donne à son bien-aimé le sommeil, les v.3-5 viennent soudain opposer, à la vanité et à la désillusion, la force, l'élan de la vie.

    Voici, l'héritage de YHWH sont les fils, la récompense, le fruit du ventre.

    Comme des flèches dans la main du preux, tels sont les fils de la jeunesse.

    Heureux l'homme fort qui en a empli son carquois. Ils n'ont pas honte quand ils parlent avec les ennemis à la porte.

    Maison, ville : les abris à l'intérieur desquels se déploient les liens sociaux, ceux de la famille, plus largement ceux de la cité. Des abris qui doivent être gardés. Question de sécurité et aussi d'ordre, d'ordonnancement de cette vie sociale.

    Fonctions que seul YHWH, affirme le texte, peut assumer disons pour de bon (par opposition à en vain et pour la destruction).

    Face au « mode-YHWH » est posé en repoussoir un « mode-idoles ». Le mot est parfois traduit par douleurs. De fait, manger le pain des idoles semble aller de pair avec une vie inquiète, affairée, épuisante. Aussi vaine que destructrice.

    Au contraire Il donne à son bien-aimé le sommeil. (On traduit parfois Il donne à son bien-aimé en sommeil = qui dort).

    En tant que spécialiste (pas de l'hébreu mais de l'insomnie), je penche pour la première interprétation. Quel est le frein au sommeil ? Préoccupations, soucis, angoisse, culpabilité, ce genre de choses (mettons de côté le bruit intempestif d'un voisinage indélicat). C'est à cela que vient répondre YHWH.

    « Tu peux dormir tranquille, moi je veille, et je serai là pareillement quand il s'agira au réveil de bâtir la maison, garder la ville. Je ne te lâcherai pas, tu es et restera mon/ma bien-aimé(e). »

    Le gardien bâtisseur, qui ne travaille pas en vain et à vide mais pour de bon, rejoint ainsi la figure du veilleur attentif à chaque souffle vivant du ps 121.

    Ce qui est demandé à David pour accomplir sa mission, c'est « seulement » la confiance en cette présence (pas le plus facile on est d'accord).

    Mais le psaume 127 ne s'arrête pas là.