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Le blog d'Ariane Beth - Page 74

  • Cruciverbiste (13) Le sens de la fête

    Figure de la restauration. Solution : traiteur.

    La lectrice dans sa subtilité, le lecteur dans sa pertinence, n'auront pas manqué de repérer l'astuce de l'absence de majuscule. La restauration, pas la Restauration.

    Une astuce facile, ce jeu sur majuscule/minuscule, dont les verbicrucistes usent et abusent, et à laquelle il m'arrive de me laisser prendre. Les cruciverbistes aussi sont parfois sujets à la fatigue ou à l'inattention.

    Ici l'astuce est à double détente : Restauration et restauration se combinent dans l'épisode historique bien connu de la campagne des banquets.

    Guizot, ministre de Louis-Philippe, ayant interdit les réunions publiques, ses opposants, décidés à obtenir pour commencer la modification du mode de scrutin (qui favorisait les notables) (étonnant, non ?), et de là le changement de régime et l'instauration de la république, trouvèrent une parade joignant l'utile à l'agréable.

    Durant l'année 1847 se multiplièrent alors, partout sur le territoire, des repas-débats où s'affûtaient les argumentaires et se comptaient les troupes. Le Guizot comprit vite le truc, et étendit l'interdiction des réunions aux banquets. Ce qui eut pour effet de faire monter la pression dans la cocotte-minute.

    L'interdiction de trop, en février 1848, déboucha sur l'explosion révolutionnaire. Où nombre d'insurgés tombèrent par terre la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau la faute à Rousseau (comme certain gamin parisien à la révolution précédente).

     

    Le traiteur, revenons-y, contrairement au révolutionnaire ou au roi, n'est pas un personnage littéraire. J'ai beau chercher, à part le Ragueneau de Cyrano …

    En revanche on peut penser à deux beaux films, dans des genres différents : Le Festin de Babette et Le Sens de la fête* (tiens en plus ça rime). Bon OK Babette est en fait cuisinière, et Max plus largement organisateur d'événements, mais c'est l'idée.

    Plaisirs cinéphiles aussi délectables l'un que l'autre.

    Le menu du Festin fait dans le doux amer, la nostalgie, la douleur austère et sereine du renoncement, la sublimation des nourritures terrestres en nourritures spirituelles.

    Celui de la Fête propose la joie de vivre accommodée à l'onctuosité de la sauce poésie ou au piquant d'une sauce all'arrabbiata. En guise d'amuse-bouche, des éclats de rire tendre. Au total un menu plein d'acidité, mais jamais la moindre aigreur.

     

    *Le Festin de Babette (Gabriel Axel 1987) avec Stéphane Audran.

    Le Sens de la fête (Olivier Nacache Éric Toledano 2017) avec entre autres Benjamin Lavernhe, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve, Hélène Vincent, Eye Haïdara. Et puis, bien sûr, aussi drôle et émouvant que dans Le Goût des autres (Agnès Jaoui 2000) ou Comme une image (Jaoui 2004), l'inoubliable Jean-Pierre Bacri.

     

    Bon maintenant qu'on est en appétit : fait un dîner d'affaires (4 lettres).

     

  • Cruciverbiste (12) Son feuillage éploré

    Proche de Musset. Solution : saule.

    Allusion au saule planté sur la tombe de Musset au Père-Lachaise (décidément il nous poursuit cf 2). Et pourquoi donc un saule, et pas le laurier des poètes ?

    « Mes chers amis, quand je mourrai,

    Plantez un saule au cimetière.

    J'aime son feuillage éploré ;

    La pâleur m'en est douce et chère,

    Et son ombre sera légère

    À la terre où je dormirai. »

     

    Ces vers commencent et concluent le poème intitulé Lucie. (Poésies nouvelles)

    Musset avait aussi écrit auparavant un poème, beaucoup plus long, intitulé Le Saule. Décidément son arbre-totem faut croire.

    En fait les deux poèmes ont un même thème : l'amour et le deuil, le deuil de l'amour (et qui sait l'amour du deuil ?). Lucie, c'est Le Saule élagué en quelque sorte, condensé sous la forme d'une brève élégie.

    Le feuillage éploré du saule-pleureur : la poésie se niche là, dans un petit décalage presque banal, mais qui tout à coup renouvelle le regard.*

    Musset, son sens mélodique, son écriture virtuose, sa mélancolie plus romantique que ça tu meurs, dans ces vers pleins d'harmoniques (à dire sur un Nocturne de Chopin).

    Adieu ! Ta blanche main, sur le clavier d'ivoire,

    Durant les nuits d'été, ne voltigera plus ...

    (Lucie)

     

    *Ainsi la folle avoine devenue les avoines folles foulées par des personnages aussi égarés qu'évanescents :

    Tels ils marchaient dans les avoines folles

    Et la nuit seule entendit leurs paroles

    (Paul Verlaine Colloque sentimental)

     

     

    Et d'époque (ou pas) (indice), la définition suivante : figure de la restauration (8 lettres)

     

  • Cruciverbiste (11) Du mouton le naturel

    Humeur moutonnière. Solution : suint.

    Voilà un mot que je trouve très désagréable. Il m'évoque des sensations olfactives et tactiles que je ne saurais qualifier autrement que beurk beurk beurk.

    Le verbe suinter ne vaut guère mieux. Qu'est-ce qui suinte ? Le pus suinte du furoncle, la lymphe de l'écorchure, la sueur nauséabonde des aisselles mal lavées …

    Euh j'arrête : outre que je ne vais pas tarder à vomir mon quatre heures, faut que j'évite de dégoûter le lecteur et d'écoeurer la lectrice.

     

    Préférons donc la même définition en plus soft et en 10 lettres, avec pour solution bien sûr : panurgisme.

    Rabelais, tiens, puisqu'on en parle : il n'hésite pas à faire dans le gras, le grossier, l'osé voire l'obscène. Ça nous paraît quand même bien lourdingue souvent. Surtout en tant que femme. Mais bon il n'est jamais dégoûtant je trouve.

    Et je lui pardonne beaucoup à cause de tant de pages délectables, je vois volontiers dans ses excès le dommage collatéral de sa verve et dans ses provocations l'instrument de son audace.

     

    « Soudain, je ne sais comment – le cas fut subit, je n'eus loisir le considérer – Panurge, sans autre chose dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons criants et bêlants en pareille intonation commencèrent soi jeter et sauter en mer après à la file. La foule* était à qui premier y sauterait après leur compagnon. Possible n'était les en garder, comme vous savez être du mouton le naturel tous jours suivre le premier quelque part qu'il aille. Aussi le dit Aristote (lib.9, De histo.animal.) être le plus inepte animant du monde. »

    (François Rabelais Le Quart Livre chap.8)

     

    *La foule était = ils se pressaient, s'écrasaient. La foule était la presse à fouler le drap.

     

    Restons un peu dans la littérature avec : proche de Musset (5 lettres).