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Le blog d'Ariane Beth - Page 73

  • Cruciverbiste (16) Coup de chaud

    Lance l'eau du lac. Solution : canadair.

    Le calembour, plus ou moins habile, fait partie de la panoplie de tout verbicruciste qui se respecte. Il abonde par exemple dans les mots croisés du Canard Enchaîné, comme dans le titre de sa Une. Souvent tiré par les cheveux, et qui me met mal à l'aise quand il joue sur le nom des gens ou une particularité physique. Ça me fait trop penser à certaines victimes de cour de récré, poursuivies de quolibets parfois vraiment méchants.

    Rire du faible du malhabile du différent, façon si répandue de (se) prouver qu'on est fort, conforme aux normes sociales par où passe le pouvoir, la réussite ...

     

    Mais revenons à canadair. C'est un mot que je connais depuis longtemps, mais pas tout à fait depuis ma prime enfance cependant, car les canadairs ne sont arrivés que vers le milieu des années 60.

    Un mot un bruit une image : leur vrombissement, leur vol pataud de gros bourdon quand ils sont pleins d'eau, puis leur légèreté retrouvée après le largage.

    Pas de canadairs hélas lors du premier incendie dont je garde mémoire.

    Ce fut aux alentours de mes six ans et de la maison de mes grands parents (encore mais oui) qui était située sur les hauteurs à l'Est de Marseille. Un matin on aperçut de la fumée, lointaine d'abord, pas inquiétante, comme fondue dans le paysage.

    Et puis au fil de la journée, le feu s'est rapproché, la fumée s'est épaissie, et les flammes sont apparues en haut de la ligne des collines. Elles s'y sont cantonnées un moment, puis d'un seul coup se sont mises à dévaler les pentes, à une vitesse stupéfiante.

    L'odeur de plus en plus pénétrante du brûlé, la chaleur de plus en plus étouffante, le ciel qui s'obscurcissait : la bête avide se rapprochait de nous, dévorant méthodiquement la garrigue et les bosquets de pins. J'étais fascinée, paralysée.

    À un moment mes grands parents ont dit : il faut partir, là, maintenant, sinon on sera bloqué. Tandis que Mémé rassemblait à la hâte les papiers, quelques vêtements, bijoux et objets de valeur, je l'ai suivie de pièce en pièce, comme un petit chien : j'avais la conviction que tant que j'étais au plus près d'elle il ne m'arriverait rien, elle me protégerait de tout.

    Puis nous sommes montés dans la voiture, avec les chiens justement. Deux grands bergers allemands que la terreur, fort heureusement, incitait à faire profil bas : je ne les avais jamais vus si obéissants. Je restais calme moi aussi, imitant leur confiance animale, ne doutant pas que Pépé saurait nous conduire à distance du danger.

    Ensuite, jusque tard dans la nuit, du balcon de l'appartement de mes parents, nous avons regardé le feu poursuivre sa dévoration des collines.

    Je me souviens de mon désarroi en comprenant que la maison de Mémé, que j'avais toujours connue, où je me sentais si bien, pouvait être de ces pauvres choses humaines vouées à disparaître. Le feu allait l'avaler d'un coup de sa langue monstrueuse, dans une indifférence cruelle.

    (La maison ne brûla pas, elle se retrouva juste au bord d'un no man's land calciné).

     

    Tiens, histoire de continuer dans les catastrophes (indice) : son coup ne donne pas bonne mine (6 lettres).

     

  • Cruciverbiste (15) Souffle et inspiration

    Se rappelait au souvenir de Proust. Solution : asthme.

    Du côté des fleurs, outre les jeunes filles, il est possible que Proust mentionne la lavande quelque part, mais on se souvient avant tout du petit cabinet qui sentait l'iris où le jeune Marcel explorait en solo sa sexualité naissante …

    Quant à l'asthme, ce n'est vraiment pas drôle comme maladie. Oui bon phrase idiote : comme s'il y avait des maladies drôles. La plupart des maladies, si elles nous font tordre, ce n'est pas de rire …

    Ma première rencontre avec l'asthme est fort lointaine, mais je m'en souviens encore, tant j'avais été effarée. J'étais allée chez une camarade de classe lui apporter les leçons et les devoirs de la semaine d'école qu'elle venait de rater, pour cause d'asthme précisément. Une fois la revue des cahiers accomplie, nous nous sommes mises à jouer. Un jeu calme, adapté à son état (c'était une partie de dominos il me semble).

    Mais tout à coup, prise d'une violente quinte de toux, elle s'est mise à suffoquer, c'était effrayant, j'avais l'impression d'être devant quelqu'un qui se noie. Heureusement sa mère est accourue lui prodiguer le secours de Sainte Ventoline.

    Miracle immédiat, Viviane a repris son souffle et ses esprits, commentant juste l'épisode d'un C'est pénible quand même sur le ton neutre d'un simple constat.

    Cette sobriété, cette façon de ne pas faire d'histoires, m'a encore plus impressionnée que sa douleur je crois bien.

     

    Et maintenant pour rester dans l'irrespirable (indice) : lance l'eau du lac (8 lettres).

     

  • Cruciverbiste (14) Une odeur de lavande

    Fait un dîner d'affaires. Solution : mite.

    La mite m'évoque immanquablement les boules de naphtaline dont ma mère et ma grand-mère truffaient les lainages dans les armoires. On ne peut pas dire que l'odeur en soit agréable, mais s'il m'arrive de la sentir à nouveau aujourd'hui, elle fait venir plein d'images d'enfance. Et ça c'est agréable.

    Pour chasser les mites ou autres insectes, il y a aussi les plantes aromatiques, par exemple la lavande. La lavande qui embaume au mois de juillet les plateaux de ce qui s'appelait du temps de mon enfance les Basses-Alpes, département désormais rebaptisé, politically correct oblige, Alpes de Haute Provence (c'est vrai ça sonne mieux, c'est plus vendeur pour le touriste, comme Côtes d'Armor au lieu de Côtes du Nord).

    Mémé Jeanne, encore elle, y avait une maison. Un été que j'y passais des vacances, elle m'apprit à confectionner de petits objets à base de fins rubans tressés autour d'un bouquet de lavande. Des bouteilles, des paniers, qui remplaçaient avantageusement les boules de naphtaline.

    La technique était simple, tout en demandant pas mal de patience et de minutie (faut croire que je disposais en ce temps-là de ces inestimables qualités – sic transit ...).

    Alors je vous explique : on prend un bouquet de lavande ni trop gros ni trop maigre, on le retourne de façon à emprisonner les fleurs dans les tiges. Et puis ne reste plus qu'à entrelacer à ces tiges, un brin dessus, un brin dessous (patiemment et minutieusement donc), un petit ruban d'une couleur au choix (la mercière du village en présentait tout un arc-en-ciel).

    Mon conseil plus : il faut serrer suffisamment pour que l'objet soit solide, mais pas trop, sous peine d'empêcher la diffusion optimale de l'odeur.

    Cette odeur de lavande, apaisante et vivifiante tout à la fois, comme sont les plus beaux de nos souvenirs d'enfance.

     

    Et à propos d'enfance retrouvée : se rappelait au souvenir de Proust (6 lettres).