Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 109

  • Avec tout mon respect pour Aristote

    « n°80 : Art et nature

    (...) C'est devenu pour nous un besoin que nous ne pouvons satisfaire dans la réalité que d'entendre des hommes placés dans les situations les plus difficiles parler élégamment et abondamment : nous éprouvons désormais du ravissement lorsque le héros tragique trouve encore des paroles, des raisons, des gestes éloquents et en fin de compte une intellectualité lumineuse là où la vie approche les abîmes, et où l'homme réel perd le plus souvent la tête et le beau langage. (...)

    C'est justement ici qu'on a le devoir de contredire la nature ! (…) Les Grecs vont loin sur ce chemin, loin, – terriblement loin ! (…) Ils ont privé la passion d'arrière-plan profond et lui ont dicté la loi du beau langage, ils ont même tout fait de manière générale pour s'opposer à l'effet élémentaire des images suscitant la terreur et la pitié : ils ne voulaient justement pas de la terreur et de la pitié, avec tout mon respect pour Aristote, mon plus profond respect ! (…)

    L'Athénien allait au théâtre pour entendre bien parler !

    Il en va bien autrement de l'opera seria : tous ses maîtres s'efforcent d'empêcher que l'on comprenne leurs personnages. (…) Un peu plus d'impudence de la part de Rossini, et il aurait fait chanter la-la-la-la du début à la fin – ce en quoi il aurait eu de la rationalité ! Il ne faut justement pas croire les personnages d'opéra ''sur parole'', mais sur le ton ! Voilà la différence, voilà la belle non-naturalité pour laquelle on va à l'opéra ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Nietzsche, on le sait, était d'abord philologue, spécialiste du langage. Et c'est son travail sur le langage qui l'a amené à la philosophie.

    Il a inauguré une pensée moderne du langage, s'interrogeant sur le rapport entre les mots et les choses (c'est ce qu'il nommait sa physiologie) les mots et les idées, les mots et les sentiments (ouvrant à l'aspect éthique de son œuvre), les mots et les sensations (ouvrant à son aspect esthétique).

    Il est clair que dans toute son œuvre il s'est efforcé de bien parler : parler juste, parler vrai, parler beau.

    On pourrait certes discuter ici ses assertions sans nuance (et montrer un peu plus de respect pour ce bon vieil Aristote). Mais en tous cas en lisant cela je me dis que j'aurais bien aimé aller au théâtre ou à l'opéra avec lui.

     

  • De loin et pour ainsi dire

    « n°78 : À quel sujet nous avons le devoir d'être reconnaissants.

    Ce sont les artistes, et en particulier les artistes dramatiques (ceux du théâtre) qui ont été les premiers à donner aux hommes des yeux et des oreilles qui leur permettent de prendre un peu de plaisir à entendre et voir ce que chacun est lui-même, ce que chacun vit lui-même, ce que chacun veut lui-même ; ce sont eux les premiers qui nous ont appris à apprécier le héros caché dans tous les hommes de la vie quotidienne, qui nous ont appris l'art de savoir nous considérer en héros, de loin et pour ainsi dire simplifié et transfiguré, – l'art de se ''mettre en scène'' à ses propres yeux.

    C'est le seul moyen qui nous soit donné de passer sur certains détails ignobles que nous portons en nous ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    L'art dramatique, l'art de se mettre en scène, n'a plus seulement lieu dans les théâtres de pierre et de béton, il n'est plus le seul fait des auteurs et des comédiens professionnels.

    Il est désormais le fait de tout un chacun sur les scènes virtuelles des réseaux sociaux.

    Une mise scène qui ressortit le plus souvent à un narcissisme puéril : on inonde son compte facebook* de photos avantageuses de Son Quotidien Palpitant, de ses Activités Essentielles à la marche du monde. Mon Menu du jour, ma nouvelle Robe ou ma nouvelle Bagnole, Moi en train de me saouler Ma gueule avec Mes potes, Moi en train de faire du vélo avec Ma cousine par alliance etc.

    Une mise en scène, un auto-storytelling, qui, tout en empruntant les codes contemporains, ne peut manquer d'évoquer la série des « Martine », déjà ringarde du temps de mon enfance : Martine à la plage, Martine à la ferme, Martine au ski etc.

    Bref ça fait rire, au fond cette accumulation d'insignifiances ne fait de mal à personne (sauf à la planète en termes écologiques, mais bon on va pas s'inquiéter pour si peu) (Martine au GIEC ou Martine à Greenpeace c'est pas pour demain).

    Sauf que la dernière phrase de Nietzsche peut nous ouvrir quelques réflexions sur la notion d'alibi et d'autruchisme. Martine danse au bord du volcan, Après Martine le déluge ...

     

    *ou autre, car il paraît que facebook est devenu plus ou moins ringard, quasiment le seul fait des plus de 40 ans (du coup ma non-collaboration à tous ces résasociaux me déringardise peut être davantage qu'elle ne me ringardise).

    Au fait c'est l'occasion de préciser au lecteur que si le logo de tweeter est présent sur cette page, ce n'est pas de mon fait. (je boycotte tweeter comme facebook et tous les autres). La présentation est conçue ainsi par l'hébergeur du blog. Peut être qu'on peut enlever ce logo mais je sais pas faire ...

     

  • Des ornements fragiles

    « n°66 : La force des faibles.

    Les femmes sont expertes à exagérer leurs faiblesses, elles sont même inventives en faiblesses dans le but de se faire passer tout entière pour des ornements fragiles que blesse un simple grain de poussière : leur existence doit faire sentir à l'homme sa grossièreté et la faire peser sur sa conscience. C'est ainsi qu'elles se défendent contre les forts et tout ''droit du plus fort''. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Ne pas confondre grossièreté et force, ne pas confondre état de dépendance et faiblesse. Les femmes ont pris compris cela depuis longtemps, et se sont faites inventives en faiblesses quand il en allait de leur survie face à la force brute.

    Inventivité de la faiblesse, créativité de la faiblesse qui permet d'affirmer une façon d'être forte qui ne soit ni domination ni grossièreté. Pas un « droit de la plus forte », juste le droit de tout le monde d'être soi.

    Telle est la leçon de millénaires d'oppression : ce qui ne nous a pas détruites nous a rendues plus fortes.

    Et maintenant il suffit que chacun cesse de chercher à réduire quiconque (et on peut élargir à d'autres rapports sociaux que le rapport des sexes), pour que nous en soyons tous augmentés.

    Il suffit ... Euh disons il suffirait ...