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Blog - Page 108

  • Sous l'oeil de la poésie

    « n°92 : Prose et poésie.

    Que l'on prête attention au fait que les grands maîtres de la prose ont presque toujours été également poètes, soit publiquement, soit en secret et entre leurs quatre murs ; et il est bien vrai que c'est uniquement sous l'œil de la poésie que l'on écrit de la bonne prose : car celle-ci est une incessante guerre courtoise avec la poésie : tous ses charmes consistent à esquiver et à contredire constamment la poésie ; toute tournure abstraite se veut malice à son égard, lancée comme sur un ton de moquerie (…)

    Et il existe ainsi mille distractions propres à la guerre, y compris les défaites, dont les non-poétiques, ceux que l'on appelle les hommes prosaïques, n'ont pas la moindre idée. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Voilà qui me donne l'idée d'un super sujet de dissertation :

    « À l'aide d'exemples tirés des œuvres au programme, vous discuterez cette affirmation de Nietzsche. Puis vous formulerez votre propre conception du rapport entre prose et poésie. Vous avez quatre heures. »

    Que le lecteur se rassure, que la lectrice se rassérène, je ne traiterai pas ce sujet, aussi tentant que ce soit, aussi prometteur d'agréable prise de tête.

    Remarquons seulement que Nietzsche décrit ici son propre mode de travail de la langue. Lequel est à la source de son mode si personnel de travail intellectuel, de l'originalité géniale de son œuvre philosophique.

    Non sans rappeler un de ces prédécesseurs dans cette façon de penser et d'écrire. Ben oui Montaigne, wer anderen ?

    « Je m'égare, mais plutôt par licence que par mégarde. Mes fantaisies se suivent, mais c'est de loin, et se regardent, mais d'une vue oblique (…) Les noms de mes chapitres n'en embrassent pas toujours la matière ; souvent ils la dénotent seulement par quelque marque (…) J'aime l'allure poétique, à sauts et à gambades. (…) C'est l'indiligent lecteur qui perd mon sujet, non pas moi. »

    (Essais III, 9 De la vanité)

     

    C'est sûr ces deux-là ne diront rien ni aux indiligents, flemmards autant qu'inattentifs, ni aux prosaïques, incapables de trouver accès à la liberté joyeuse des sauts et gambades.

     

  • L'avantage sur les monolithes de l'esprit

    " n°90 : Lumières et ombres.

    Les livres et les écrits diffèrent selon les différents penseurs : l'un a rassemblé dans son livre les lumières qu'il a su ravir promptement aux rayons d'une connaissance qui s'est mise à flamboyer pour lui, et qu'il a su s'approprier ; un autre ne restitue que les ombres, les images en gris et noir de ce qui s'édifiait dans son âme le jour précédent."

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    L'un, l'autre, ou bien le même selon les moments.

    Bipolarité de l'ombre et de la lumière, de la flamme solaire et de la cendre grise.

    Alternance de santé et de maladie, d'énergie et d'abattement, de joie et de détresse.

     

    Nietzsche a été conscient que, pour douloureux qu'il fût, ce fonctionnement a été une des clés de son potentiel créateur.

    « Je sais assez l'avantage que me procure ma santé aux variations nombreuses sur tous les monolithes de l'esprit. Un philosophe qui a cheminé et continue toujours de cheminer à travers beaucoup de santés a aussi traversé un nombre égal de philosophies. »

    (Le Gai Savoir. Préface à la seconde édition)

     

  • Ces petites plantes nouvelles

    « n°87 : De la vanité des artistes.

    Je crois que les artistes ignorent souvent ce qu'ils savent le mieux faire parce qu'ils sont trop vaniteux et qu'ils dirigent leur esprit vers un plus grand sujet de fierté que de paraître ces petites plantes qui, nouvelles, rares et belles, savent pousser avec une véritable perfection sur leur sol. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    S'il n'y avait que les artistes, hein ? Dans tous les domaines, effectivement, on constate chez beaucoup cette sorte de vanité qui consiste à vouloir être autre chose que ce qu'on est. Parce que le succès, la reconnaissance, (sans compter l'argent) passent par des chemins balisés, fléchés, par les sentiers battus.

    Alors on n'a pas le courage (ni cette fierté qui s'opposerait à la commune vanité) d'explorer son propre chemin. Alors, au lieu de faire, à sa façon, ce qu'on sait et peut faire, et que par conséquent on ferait bien, on essaie bêtement de faire comme, d'appliquer des recettes.

    Résultat : on ne fait pas, on contrefait ; on ne produit pas, on reproduit.

    Que de petites plantes nouvelles, rares et belles, qui ne pousseront jamais, que de récoltes perdues, de fruits qui ne mûriront pas et ne nourriront personne, que d'éclosions avortées, de fleurs qui ne s'épanouiront pas et n'émerveilleront personne.