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Blog - Page 107

  • Par expérience

    « n°98 : À la gloire de Shakespeare.

    La plus belle chose que je sache dire à la gloire de Shakespeare, la voici : il a cru en Brutus, et il n'a pas jeté le moindre grain de méfiance sur cette sorte de vertu ! C'est à lui qu'il a consacré sa meilleure tragédie – on continue aujourd'hui de la désigner sous un faux nom –, à lui et au plus terrible contenu de la haute morale. L'indépendance de l'âme ! – voilà de quoi il s'agit ici ! (…)

    Et était-ce vraiment la liberté politique qui poussa le poète à partager le sentiment de Brutus, – qui en fit le complice de Brutus ? Ou bien la liberté politique n'était-elle qu'une symbolique pour quelque chose d'inexprimable ? Peut être nous trouvons-nous face à un événement et une aventure obscurs, demeurés inconnus, qu'éprouva l'âme du poète, et dont il ne put parler que par signes ?

    Qu'est-ce que toute la mélancolie de Hamlet à côté de la mélancolie de Brutus ! – et peut être Shakespeare connaît-il aussi celle-ci, comme il connaissait la première, par expérience ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    L'indépendance de l'âme voilà de quoi il s'agit ici : William, Friedrich, même combat ?

     

  • Logique, espiègle, joueur ...

    « n°96 : Deux orateurs.

    De ces deux orateurs, l'un n'atteint à la pleine rationalité de sa cause que lorsqu'il s'abandonne à la passion : il n'y a qu'elle qui lui injecte assez de sang et de chaleur dans le cerveau pour contraindre sa haute intellectualité à se manifester.

    L'autre tente la même chose çà et là : présenter sa cause en lui conférant grâce à la passion résonance, vigueur et force d'entraînement, – mais pour aboutir d'ordinaire à un résultat décevant. Il se met alors très rapidement à parler de manière très obscure et confuse, il exagère, omet certains points et suscite la méfiance envers la rationalité de sa cause : même lui éprouve cette méfiance, ce qui explique ses brusques sautes dans les accents les plus froids et les plus rebutants qui éveillent chez l'auditeur un doute quant à l'authenticité de sa passion. Chez lui, la passion submerge chaque fois l'esprit ; peut être parce qu'elle est plus forte que chez le premier.

    Mais il est au sommet de sa force lorsqu'il résiste à l'assaut furieux de sa sensation et en quelque sorte se moque d'elle : c'est seulement alors que son esprit sort tout entier de sa cachette, un esprit logique, espiègle, joueur, et cependant terrible. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    Lequel des deux est Friedrich ? Le deuxième bien sûr.

    Logique, espiègle, joueur, et cependant terrible : c'est tout lui.

     

  • Assez ! Assez !

    « n°93 : Mais pourquoi donc écris-tu ?

    A : Je ne suis pas de ceux qui pensent la plume pleine d'encre à la main ; encore moins de ceux qui, l'encrier ouvert, s'abandonnent à leurs passions, assis sur leur chaise et l'œil rivé sur le papier. Écrire provoque toujours en moi irritation ou honte ; écrire est pour moi un besoin impérieux – il me répugne d'en parler, même de manière imagée.

    B : Mais alors pourquoi écris-tu ?

    A : Oui, mon cher, tout à fait entre nous, jusqu'à présent, je n'ai pas encore trouvé d'autre moyen de me débarrasser de mes pensées.

    B : Et pourquoi veux-tu t'en débarrasser ?

    A : Pourquoi je le veux ? Est-ce donc que je le veux ? Je le dois. –

    B : Assez ! Assez ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Second livre)

     

    La dernière réplique de B, est-elle la marque d'une douleur, d'un insupportable peut être, à l'évocation de ces pensées inopportunes ? Et donc, oui, précisément, d'une irritation teintée de honte ?

    Ou faut-il l'entendre de façon plus légère, comme le jeu avec une certaine auto-dérision.

    « C'est bon, ça suffit, on a compris … Vous êtes pénibles vous les philosophes à toujours vous prendre la tête. Pour un peu je parlerais de narcissisme. Tu sais quoi : écris, c'est tout, et laisse à tes lecteurs le soin de voir ce qu'ils en pensent, de tes pensées, de voir si tu les irrites ou les réjouis. Ou même si tes élucubrations ne leur disent rien (c'est ça t'embêterait le plus, non ?) »