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Blog - Page 183

  • Une séance au Pathé (sans T)

    Vu la longueur du film, voilà je le savais : j'ai besoin d'aller faire pipi.

    Ça m'énerve, il y a un suspense d'enfer, mais bon la vessie commande j'y peux rien. Je dis à Mimi je vais faire pipi, elle grommelle sans cesser de fixer l'écran, je la comprends.

    J'espère quand même qu'elle me fera un résumé de ce qui va m'échapper.

     

    Je me faufile dans la rangée avec force pardon madame pardon monsieur désolée, je râle en moi-même : fichue soumission aux besoins du corps qui nous ramène au réel animal.

    À quoi je me réponds ne méprise pas la face animale de la manière humaine, pour le dire avec Spinoza (oui même vessie pleine je ne peux m'empêcher de philosopher).

     

    Bref pour ne pas perdre le fil du scénario, comprendre un minimum quand je reprendrai ma place, je me dépêche. Puis, accomplie la mission d'honorer mon réel animal, je regagne la salle fissa.

    Mais quand j'arrive, le choc : plus personne, plus une seule place occupée.

     

    Sur l'écran le film n'a pas cessé de se dérouler, sauf qu'il n'y a plus personne pour le regarder. Que moi. Qui d'ailleurs ne le regarde plus.

    Le film qui se joue dans la salle, avec moi pour personnage principal (ou dois-je dire unique ? ...) m'accroche désormais bien davantage.

    Un suspense aussi réel que les besoins du corps, un suspense qui commence à me donner des sueurs froides.

     

    J'éprouve une impression bizarre. D'un coup je me vois marcher de plain pied dans un espace flou, indéfinissable (unheimlich selon l'expression de Freud, me dis-je) (oui même en pleine crise d'angoisse je ne peux m'empêcher d'analyser).

    J'essaie de crier, d'appeler Mimi, je n'y arrive pas. Le son se bloque dans ma gorge, je manque d'air. J'ai peur.

    Je suis perdue dans une dimension inconnue, jusqu'alors insoupçonnée, où quelque chose (quelqu'un ?) m'a balancée sans crier gare.

     

    Je vois bien les mêmes sièges, au même velours rouge un peu râpé, les rangées disposées en larges demi-cercles, je vois encore briller sur chaque bord de l'écran les lumières des issues de secours.

    Issues. Voilà.

    Aller dehors, m'échapper.

    Oui mais si jamais dehors il se passe la même chose ? Je ne peux imaginer survivre seule dans un monde vidé de mes semblables.

     

    Ou alors pire : si jamais dehors il y a … quelqu'un ? …

    Quelque chose ? ...

     

     

  • Hôtesse (sans S)

    J'adore recevoir. J'ai le chic pour préparer un plat de choix, créer un décor, une ambiance, où chacun trouve une place et beaucoup d'agrément.

    Et on apprécie, on me dit régulièrement : « Marie-Béatrice, on aime vraiment venir chez toi ». Ce qui me donne encore davantage de joie, j'avoue.

    J'aime tellement répandre du bonheur autour de moi.

     

    Bon y a un ou deux grincheux par ci par là qui trouvent à redire. Genre que j'aime en priorité épater la galerie. N'importe quoi.

    En fait ce qu'il y a chez eux : de l'envie. Voilà tout. Envie pour mon niveau de vie. Oui j'ai de l'argent, eh bien ?

    N'empêche le grincheux il fait la fine bouche devant le blini au caviar ? Il dit : « donne-moi plutôt un machin au pâté, Marie-B, je préfère » ?

    Rien à ajouter, hein ?

     

    Envie pareil chez la copine qui détaille ma toilette : « Joli ce fourreau, ma chérie … Bon moi je porte pas ça … Faut avoir l'audace … Parce qu'on a vite fait d'avoir l'air boudin … »

    J'en ai rien à faire de ce genre de pique. Elle croit quoi, Marie-Bérénice, qu'elle est une reine de beauté ? Pourquoi Jean-Maxence l'a larguée, du coup ?

    Non faut pas croire, je l'adore. Et en fait ce mec était un con. Je peux le dire, on a eu un petit flirt.

    Enfin, vite oublié. Marie-B étant ma meilleure amie, (entre Marie-B, normal) je lui parle de tout. Sauf que là, bon, j'ai parlé de rien. Aucune importance.

    À l'époque j'ai jugé inutile de l'embêter avec ça, et maintenant mon flirt avec Jean-M, y a péremption.

    Et cette pauvre Marie-B, genre problème elle a déjà largement à faire avec le gamin. Portrait craché du père, lui. Un con pareil, en modèle réduit. D'un côté un peu normal qu'elle m'envie.

     

    Moi ça baigne, tout baigne, je peux dire.

    Jean-Cyrille : un ange. Qui ne m'envierait un tel mari ? Et tellement fidèle.

    Quant à notre fille Capucine, elle a capté le meilleur de chacun. Ma beauté ma grâce ma facilité à répandre le bonheur autour de moi (pourquoi nier l'évidence?)

    Et avec ça l'intelligence de mon Jean-C, et l'audace, le côté entrepreneur.

    Et notre baraque, franchement : hyper agréable.

    Faut dire on a fait ce qu'il fallait, côté architecte on a trouvé un type génial. Un peu cher. Bon, faut ce qu'il faut. On voulait une baraque de rêve, on a une baraque de rêve.

    Où j'adore recevoir.

     

  • L'air de rien (sans R)

    Ma technique est celle de l'aigle qui vole au dessus de l'agneau en ellipses de plus en plus basses.

    Quand l'agneau a l'intuition de quelque chose, quand enfin il saisit vaguement au-dessus de lui l'image de la silhouette aux ailes étendues, il n'est plus temps.

    C'est bête un agneau.

    Mais moins qu'eux.

    Avec eux c'est étonnamment facile. On a le sentiment qu'ils n'attendent que ça. Qu'on les manipule, qu'on les abuse, qu'on balance les plus débiles des stupidités.

    Eux l'image de l'aigle menaçant ? « Waouh ! Juste un peu plus bas, à côté de ma tête, et je me fais un selfie génial ! »

    Mais moi, même face à une imbécillité aussi assumée, je fais plutôt dans la finesse, le subtil. C'est plus mon style. J'instille à toutes petites doses, de l'homéopathie quoi.

    Enfin pas exactement, vu que l'homéopathie en fait l'idée à ce qu'on m'a dit c'est le boost des défenses du métabolisme. Le malade en autonomie de soin comme les élèves en autonomie dans la salle d'étude quand manquent les pions.

    Sauf que voilà s'il y a un mot pas adapté ici c'est bien « autonomie ».

    En fait ils sont exactement les moutons du mec bien connu. D'où la mention de l'aigle avec son agneau, vous suivez ?

    Le plus piquant, c'est que moins ils sont autonomes plus ils ont le sentiment d'une indépendance. Étonnant, non ? Ils suivent, mais ils se pensent dans un chemin unique, un chemin à eux seuls.

    J'avoue ça m'amuse.

    Évidemment il me faut de la technique, de la psychologie. Mais une fois que vous avez la typologie des moutons (y a cinq ou six styles maxi) c'est un jeu d'enfant.

    Et je joue.