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Blog - Page 240

  • Parce que

    « Si nous imaginons que quelqu'un affecte de joie une chose que nous aimons, nous serons affecté d'amour envers lui. Si au contraire nous imaginons qu'il l'affecte de tristesse, au contraire aussi nous serons affectés de haine envers lui. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.22)

     

    Avec cette proposition intervient dans l'analyse des affects un élément tiers.

    Jusqu'à présent on a considéré les affects produits par le rapport entre soi et une "chose" (un objet au sens psychologique – en fait surtout être un humain).

    Le système se complexifie avec l'intervention du troisième élément.

     

    C'est dans le scolie de la prop.13 (=Quand l'esprit imagine ce qui diminue ou réprime la puissance d'agir du corps, il s'efforce, autant qu'il peut, de se souvenir de choses qui en excluent l'existence. cf Se souvenir des belles choses), qu'amour et haine sont définis par Spinoza, comme respectivement la joie ou la tristesse « qui accompagne l'idée d'une cause extérieure ».

     

    Pour lui aimer est donc passer à plus de perfection (ainsi a-t-il défini la joie) et haïr passer à moins de perfection. Et cela sous l'effet de l'idée d'un objet, c'est à dire de sa projection dans notre esprit.

    Traduction : je ressens de l'amour ou de la haine envers une chose en fonction de la façon dont elle s'inscrit dans mon système de représentations, ou bien en me dynamisant ou au contraire en m'affaiblissant.

    Me dynamise ou m'affaiblit, précisons encore : c'est à dire maintient ou pas le quantum d'être correspondant à mon conatus.

    (Pour rappel : Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce (conatur) de persévérer dans son être. Part.3 prop.6 cf Affirmation).

     

    Bref aimer c'est toujours « parce que c'est lui, elle, parce que c'est moi ».

     

  • Contentement

    « L'espérance n'est rien d'autre qu'une joie inconstante née de l'image d'une chose future ou passée dont nous doutons de l'issue.

    La crainte, au contraire, une tristesse inconstante également née de l'image d'une chose douteuse.

    Si de ces affects le doute est supprimé, l'espérance devient sécurité et la crainte désespoir (…)

    Le contentement est une joie née de l'image d'une chose passée dont nous avons douté de l'issue. La déception est la tristesse qui s'oppose au contentement. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.18 scolie 2)

     

    On a un bon exemple avec ce scolie de la manière dont Spinoza construit son schéma géométrique. Il combine ici le binôme certitude/incertitude avec le binôme de base joie/tristesse pour aboutir aux deux premières définitions. Et il ajoute le paramètre du temps pour en tirer leurs suivantes, celles qu'on peut en déduire.

    Doute + joie = espérance

    Doute + tristesse = crainte

    Espérance douteuse – doute = espérance confirmée = sécurité

    Crainte douteuse – doute = crainte confirmée = désespoir

    Le contentement note le moment d'affectation par la sécurité, et la déception celui d'affectation par le désespoir.

     

    On dira pas besoin de Spinoza pour tout ça. Par exemple tout le monde a éprouvé que la situation où l'on espère quelque chose n'est pas un état paisible, nous inflige une tension.

    Et tout le monde aussi s'est trouvé d'une certaine manière soulagé lorsqu'une chose crainte s'est confirmée. « Au moins je sais à quoi m'en tenir » : autrement dit j'arrête de flotter.

    C'est vrai on sait tout ça. En fait j'ai l'impression qu'il se fait juste plaisir avec ce scolie, jubilant comme l'enfant qui construit son lego, son puzzle : « Voilà, c'est ça, vous voyez ça marche ».

     

  • Même si elle n'existe pas

    « L'homme, suite à l'image (ex imagine) d'une chose passée ou future, est affecté du même affect de joie et de tristesse que suite à l'image d'une chose présente. »

    (Spinoza Éthique part.3 prop.18)

     

    J'ai dit plus haut (Ils rêvent les yeux ouverts) que, des 59 propositions de la partie 3, j'en laisserai de côté autant que je pourrai. Mais je m'aperçois que ce n'est pas si facile, sous peine de faillir à la mission dont je me suis auto-chargée : lire dans la précision.

    Or tout ce passage sur la mise en place du mécanisme affectif, c'est comme le montage d'un meuble suédois en kit : vous ratez une étape et la bibliothèque reste bancale, voire s'effondre.

    Heureusement le texte de Spinoza est nettement plus accessible que le mode d'emploi du meuble en question ...

     

    Ainsi cette proposition 18 est aisément vérifiable dans notre expérience quotidienne. Le langage le dit bien : on se représente une chose, on la rend présente. Et cela même si elle n'existe pas ajoute Spinoza dans la démonstration.

    Autrement dit il arrive que l'image soit un fantasme, souvenir reconstruit (ou même inventé) d'une chose passée, projection dans le futur d'une chose désirée (ayant déjà eu lieu ou pas).

    Avec ce que le terme de fantasme suppose de rapport à l'inconscient.

    « L'hystérique souffre de réminiscences » dit pour sa part Freud (Études sur l'hystérie 1895, il reprend la formule dans d'autres textes)

     

    Spinoza ajoute (scolie 1) les affects qui naissent de semblables images des choses ne sont pas aussi constants (que si la chose est présente réellement).

    Inconstance, labilité, qui rendent possible la mise à distance.

    Et par là-même, si besoin est, une action thérapeutique sur d'éventuelles réminiscences traumatiques du passé, et sur les incertitudes toujours angoissantes devant l'avenir.

    Inconstance, labilité, qui sont aussi celles des images du rêve, hallucinations d'où l'on émerge chaque matin.

    Mais lorsque des images présentent la même constance que la réalité, on n'est plus dans la banale névrose, mais dans la psychose.

    On n'est plus dans le rêve « normal », mais dans la pathologie d'un cauchemar auquel on croit dur comme fer, pour son malheur et parfois celui des autres.