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Blog - Page 26

  • Sur le rêve (13) Un langage poétique imagé

    « Si c'est principalement au travail du déplacement qu'il faut imputer le fait qu'on ne retrouve pas ou qu'on ne reconnaisse pas les pensées du rêve (le latent donc) dans le contenu du rêve (l'apparent) (…), il est une autre sorte, plus douce, de transformation entreprise avec les pensées du rêve, qui nous amène à découvrir un type de prestation du travail onirique certes nouveau, mais facile à comprendre. »

    (Sigmund Freud Sur le rêve chap 6)

     

    Le contenu ne s'exprime pas « dans les formes verbales sobres dont notre pensée se sert de préférence, mais sont au contraire figurées de manière symbolique par des paraboles et des métaphores, comme dans un langage poétique imagé. »

    Freud explique cela par le caractère concret et visuel de ce contenu onirique. Le rêve ne propose ni discours ni raisonnement ni longues explications. Tel certain hebdomadaire (et désormais à vrai dire la plupart de tous les media) il privilégie au poids des mots le choc des images.

    « Qu'on s'imagine par exemple devoir remplacer les phrases d'un éditorial politique ou d'un plaidoyer au tribunal par une série de dessins, et l'on comprendra sans peine les modifications auxquelles la prise en compte du caractère figurable dans le contenu onirique contraint le travail du rêve. »

    Il poursuit en expliquant que cela est dû au fait que ces représentations imagées rejouent souvent « des épisodes vécus 'qui ont marqué' – remontant assez souvent à la toute première enfance – qui ont donc été eux-mêmes saisis comme des situations, avec un contenu le plus souvent visuel », car l'enfant ne maîtrise pas suffisamment le langage pour traduire en mots les images, sensations, impressions (in-fans en latin : qui ne parle pas).

    La référence à la vie psychique enfantine pour expliquer, non seulement la genèse d'éventuelles névroses, mais celle de la mise en place « normale » de la personnalité, est un point essentiel de la théorie freudienne (un point qui sera contesté, en particulier pour la place conférée à la sexualité infantile).

    L'enfant est le père de l'homme dit-il dans une belle formule. Il analysera aussi combien l'enfant est particulièrement le père de l'artiste.

    « Le contenu onirique ne consiste cependant pas exclusivement en situations : il inclut également des morceaux non altérés d'images visuelles, des paroles prononcées, voire des bribes de pensées inchangées. »

    Donc des morceaux de « vécu brut » si l'on peut dire, non retravaillés. Ils subsistent en l'état dans la psyché, tel un morceau de nourriture impossible à digérer. Et si l'analyse les reconnaît comme tels, non altérés, ils permettent de repérer ce qui n'est pas passé dans le vécu d'un sujet.

    Ensuite Freud se penche sur le détail du travail du rêve, qui consiste à fabriquer « un complexe psychique d'une construction tout ce qu'il y a de compliquée. »

    Une construction caractérisée comme « une efficace sélection des composants les plus valables pour la création de la situation mise en scène. »

    On verra à l'œuvre la prochaine fois ce rêveur metteur en scène.

     

  • Sur le rêve (12) S'occuper de broutilles

    Pour continuer sa recherche, Freud revient sur les conclusions de l'analyse de son rêve "de la table d'hôte" (cf 4).

    « Ce qui dans le rêve était amplement et nettement mis en place comme étant le contenu essentiel doit après l'analyse se satisfaire d'un rôle extrêmement subalterne parmi les pensées du rêve, et ce qui après l'énoncé de mes sentiments revendique parmi le pensées du rêve la plus grande attention voit son matériau imaginaire ou bien ne pas du tout se trouver dans le contenu onirique ou bien n'avoir de représentant que dans une allusion lointaine au milieu d'une région insignifiante du rêve. »

    (Sigmund Freud Sur le rêve chap 5)

     

    Autrement dit l'affect, la pensée, l'image, à la source du rêve (le contenu latent à retrouver par l'analyse) sont comme filtrés pour en modifier la couleur, l'intensité, dans le contenu apparent (le récit qui est fait du rêve). Il nomme ce processus déplacement onirique, puisqu'il a pour effet de transférer les accents de certains éléments sur d'autres.

    « Je pourrais désigner ce que j'ai appelé déplacement onirique sous le nom de réévaluation des valeurs psychiques.*(...)

    L'impression à laquelle échoit le rôle de déclencheur du rêve peut (prolonger) les préoccupations majeures de l'existence vigile.(...)

    (Mais souvent) le contenu onirique semble, y compris quand il est cohérent et compréhensible, s'occuper de broutilles (…) Une bonne part du mépris où le rêve est tenu découle de cette préférence pour ce qui dans le contenu du rêve est nul et sans intérêt. »

    Mais bien sûr ce jugement est modifié par le travail d'analyse qui « met régulièrement en évidence l'épisode vécu important, et à juste titre excitant, qui se remplace (s'est remplacé dans le contenu apparent) par l'épisode indifférent avec lequel il est entré dans des liens associatifs abondants. »

    Freud note encore « un curieux processus qui se produit dans la formation du rêve, et dans lequel condensation et déplacement coopèrent à l'effet produit. »

    Il nomme cela une formation de compromis.**

    Bref tout se passe comme si le rêve ne pouvait présenter de pensées que déguisées. Ça cache forcément quelque chose, se dit Freud.

    Si bien que « De façon plus pressante encore que dans la condensation, le besoin s'exprime (…) de découvrir ce qui motive tous ces efforts énigmatiques déployés par le travail du rêve. »

     

    *Probable allusion à Nietzsche qui emploie l'expression à propos de valeurs morales. (Ce qui est logique puisque la question morale intervient on le verra dans le travail psychique de formation du rêve).

    **Il prend un exemple dans son célèbre rêve dit « de l'injection à Irma » (cf Traumdeutung chap 2) où propylène sert de compromis entre amylène et Propylées. Un compromis qui se révélera plein d'informations sur le fonctionnement du rêve, et tout autant sur la psyché de Freud (comme le montre Lacan dans sa sorte d'analyse au carré du rêve de Freud cf son séminaire II sur le Moi).

     

  • Sur le rêve (11) Les fils se croisent et s'entretissent

    « Le travail de condensation explique aussi (…) des personnes complexes et mixtes, et des formations mixtes étranges (…)

    Leurs modes de fabrication sont variés et multiples. Je peux composer une personne en lui conférant des traits de l'une et de l'autre, ou en lui donnant l'apparence extérieure de l'une tout en pensant dans le rêve le nom de l'autre, ou je peux me représenter visuellement l'une des personnes, mais la placer dans une situation qui s'est produite avec l'autre. »

    (Sigmund Freud Sur le rêve chap 4)

     

    En outre « Ces compositions oniriques sont toujours formées à neuf avec une richesse inépuisable. »

    Le travail d'analyse du rêve est ainsi une sorte de rallye-découverte. Et si les lieux où il nous emmène ne sont pas tous remarquables ni agréables, la promenade, elle, reste amusante.

    Ajoutons qu'elle comporte d'incessants allers-retours :

    « Tout élément du contenu du rêve est surdéterminé par le matériau des pensées du rêve, fait remonter son origine non pas à un seul élément particulier des pensées du rêve, mais à toute une série de celles-ci. L'élément onirique est au sens strict le représentant délégué dans le contenu onirique pour tout ce matériau disparate. (…)

    De la même façon (…) une pensée du rêve, en règle générale, délègue son représentant dans plus d'un élément onirique.(...) Les fils associatifs chemin faisant se croisent et s'entretissent à de multiples reprises. »

    Bon on voit maintenant comment ça marche, la condensation. Mais il reste une question :

    « La condensation est le trait caractéristique le plus important et le plus spécifique du travail onirique. Mais pour ce qui est du motif qui requerrait une pareille contraction du contenu, rien ne nous a d'abord été dévoilé. »

    Un coup de teasing de Papa Freud : genre « chers lecteurs ne manquez pas la lecture des chapitres suivants qui s'annonce passionnante ! »