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Blog - Page 416

  • A peu près

    Supposons un infime instant qu'il y ait juste un chouïa de micro-possibilité de iota de parcelle d'autre chose qu'une gentille divagation dans les propos freudiens du chapitre 12 de Psychopathologie de la vie quotidienne.

    Entre nous et au passage j'adore ce titre. Comme sous les pavés la plage, il fait voir le quotidien d'un tout autre œil. En fait c'est un titre qui pourrait aussi bien servir à un thriller qu'à un recueil de poèmes. Un peu comme le titre Inquiétante étrangeté. Pour celui-là c'est au génie poétique des traducteurs qu'il faut rendre hommage, puisque le titre original se contente de dire sobrement das Unheimliche.

    Cela me fait penser à ce que j'ai entendu dire à Colette Roumanoff présentant son livre sur la vie avec son mari malade d'Alzheimer. C'est une vie souvent amusante, où il se passe toujours quelque chose. Sacrément positive, la dame. On comprend la pêche de sa fille Anne. Décidément les chiens ne font pas des chats.

    Mais faut croire que la positivité c'est contagieux, car je me suis dit que finalement on pouvait aussi positiver tout pareil sur la névrose qui sans me vanter fait pourtant la vie quotidienne salement inquiétante et grave psychopatatesque. Imaginons quelqu'un qui soit obsessionnel phobique avec une lichette de paranoïa (oui bon j'ai bien le droit de dire imaginons pour détourner les soupçons, non?) eh bien en fait c'est pas faux, pour lui il se passe toujours quelque chose. Bon OK c'est pas toujours ce qu'il voudrait, mais faut pas être trop exigeant non plus.

     Bref tout ceci pour dire que si je suis Freud (du verbe suivre, je suis pas complètement mégalo quand même), il se peut que 89710524613, c'est à dire le chiffre qui s'est écrit au fil de mes dernières notes selon le déroulement improvisé d'associations non calculées, ne me soit pas venu tout à fait par hasard. Après tout mon inconscient est pas plus con qu'un autre, et capable, comme celui de Freud ou n'importe qui Onfray inclus, de processus intellectuels très compliqués.

    89710524613 me délivre donc un message en provenance directe quoique labyrinthique de mon inconscient. Oui mais lequel ? Il va falloir interpréter. Comment interprète-t-on en Freudiland ? Contrairement à ce qu'on croit souvent, il n'existe pas de clés, de passes plus exactement, qui ouvriraient toutes les portes. Pas de symboles fourre-tout ou de chemin balisé, pas de découpage suivant les pointillés.

    L'interprétation est quelque chose qu'on se donne. Une manière d'utiliser les matériaux glanés pour se construire un lieu d'être dans un ici et maintenant. Celui exactement dont on a besoin à ce moment pour continuer le chemin, pour durer, ne pas renoncer. L'interprétation interprète le désir comme le comédien un rôle : pour l'incarner, le « performer ».

    Bref sur 89710524613 comme sur n'importe quoi d'autre, je ne peux avoir aucune certitude absolue. Il se peut juste que je puisse lui faire dire quelque chose qui me convienne, ou à peu près.

    Mais ça je le dirai à personne, c'est juste entre moi et moi.

  • Une preuve flagrante

    « J'écris à un ami que j'ai terminé la correction des épreuves de mon livre Die Traumdeutung et que je suis décidé à ne plus rien changer à cet ouvrage 'dût-il contenir 2467 fautes'. Je cherche aussitôt à éclaircir la provenance de ce chiffre et ajoute mon analyse à la lettre destinée à mon ami. Je la cite telle que je l'ai notée alors, sous le coup du flagrant délit. »

    S. Freud Psychopathologie de la vie quotidienne

     1) « Sous le coup du flagrant délit. » Joli, non ? C'est que sur la question de la culpabilité obsessionnelle, Freud en connaît un rayon. Tout ce qu'on pourrait lui dire il se le sert lui-même avec assez de verve. Quel est l'objet du flagrant délit ici ? Des pensées présumées inconscientes pas très flatteuses pour l'ego. Mais qui globalement se ramènent à une évidence très consciente pour Freud : la publication de son livre sur le rêve est un immense enjeu, le plus grand enjeu professionnel de sa vie. Il n'avait pas besoin de 2467 quoi que ce soit pour le savoir. Et il le sait. Et il sait qu'il le sait.

    2) Du coup à mon avis le flagrant délit en question porte plutôt sur la vergogne de s'adonner à l'enfantillage de jouer avec les chiffres. Si vous allez jeter un coup d'oeil dans ce chapitre du livre (chap 12 intitulé Déterminisme, croyance au hasard et superstition. Points de vue) vous ne serez pas déçus du voyage. Le "flagrant délit" a plus souvent qu'à son tour des allures de discret délire. Freud fait parler les chiffres en des calculs sophistiqués pour lesquels s'impose surtout la question : combien de temps a-t-il mis à les trouver ?

     

     « Je veux insister sur les analyses de 'cas de nombres' car je ne connais pas d'autres observations qui fassent apparaître avec autant d'évidence l'existence de processus intellectuels très compliqués, complètement extérieurs à la conscience ; et, d'autre part, ces cas fournissent les meilleurs exemples d'analyses dans lesquelles la collaboration si souvent incriminée du médecin (suggestion) peut être exclue avec une certitude à peu près absolue. »

    Voilà le fin mot de cette histoire de nombres : Freud veut en produire une preuve, non par 9 mais par 2467. Et même une double preuve.

    1) Preuve de l'intérêt de sa théorie : l'inconscient tel qu'il l'entend n'est pas une sous-conscience, mais au contraire capable de processus intellectuels très compliqués.

    2) Preuve de son honnêteté qui le disculpe de l'accusation de suggestionner ses patients (dans le but de faire cadrer l'observation avec la théorie). Une accusation qui n'a pas attendu Le livre noir de la psychanalyse ni à sa suite Michel Onfray.

    Preuve convaincante ? En tout cas lecture divertissante et jeu partagé. Ce qui me fait vous préférer, Sigmund, à pas mal de ces gens-là, dont le rapport au jeu (ou au partage) n'est pas … comment dire …

    - Pas flagrant ?

  • Trois et moi

    « Qu'est-ce qu'y a 3 ? Troyes en Champagne,

    Deux testaments, l'ancien et le nouveau oh oh oh oh,

    Y a qu'un ch'veu sur la tête à Matthieu. »

    Impossible de me rappeler quand et où j'ai entendu pour la première fois cette chanson stupide dans mon enfance, ni jusqu'à combien elle comptait (qu'est-ce qu'y a un, qu'est-ce qu'y a deux etc.). Jusqu'à dix je suppose. N'empêche qu'elle ne me revient que maintenant à propos du 3. (Et que personne ne s'avise de dire « Ach ach »).

     

    Des choses qui sont trois il y en a beaucoup. Troie en Asie Mineure, qui nous amène logiquement à la guerre éponyme. Au concours de beauté des trois déesses et aux conséquences désastreuses du choix du jury, en l'occurrence ce godelureau de Pâris. Mais il est trop tard pour se lamenter over spread milk comme on dit en grec moderne. Vaudrait mieux s'occuper de toutes ces casseroles qui bouillent à gros bouillon (pas loin de l'ex-Troie entre autres) avant que ça déborde si possible.

    Qu'est-ce qu'il y a trois ? Les trois Grâces, et en miroir pour ainsi dire, les trois Parques. La règle de trois en math. La règle des trois unités du théâtre français avec ses trois étoiles incontestées Molière, Racine, Corneille.

     

    À propos vous connaissez je suppose Sur une racine, une corneille boit l'eau de la fontaine Molière. Aussi nul que le cheveu de la tête à Matthieu, mais Dieu m'infantilise ça m'enchantait tout autant. Question : pourquoi ils ont rien trouvé pour Molière ? D'une certaine façon JB pouvait pas rêver plus bel hommage. Mais quand même on peut tenter je sais pas moi Le mol lierre s'enroule sur la racine où une corneille boit l'eau de la fontaine. Ou bien s'enroule sur la corneille la racine du mol lierre qui boit l'eau de la fontaine (un peu plus surréaliste je vous l'accorde, et puis on voudrait pas être à la place de la corneille).

    Ou encore le mol lierre de la racine boit l'eau de la fontaine et la corneille elle s'envole en cinq secs elle a pas que ça à faire figurez-vous faut trouver à becqueter car la bise est venue l'air de rien pendant que la cigale chantait, et que la fourmi faisait des 8.

     

    A propos 3 + 3 = aussi bien 8 que 6. Suffit de les mettre en miroir comme les Grâces et les Parques. Vous me direz à ce compte 9 et 6 aussi, en les empilant on fait 8. C'est ma foi vrai. Et puis maintenant que vous le dites en superposant deux 2 mis en miroir, hein ? Décidément plein de ressources ce petit huit.

    Bref nous conclurons qu'une chose est sûre le must des trios reste les trois mousquetaires. Déjà ils sont quatre ce qui leur donne un avantage certain sur n'importe quel autre trio. Et puis Tous pour un un pour tous : sport-co, non ? Y a pas photo côté convivialité avec œil pour œil dent pour dent, par exemple.

    (Tiens donc, y avait aussi dans la chanson simplette « Y a qu'une dent dans la mâchoire à Jean »).