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Blog - Page 460

  • Je me laisse courir

    Je ne croirai qu'en un dieu qui s'entendrait à danser. Et lorsque je vis mon diable, je le trouvai grave, minutieux, profond, solennel ; c'était l'esprit de pesanteur – par lui toutes choses tombent.

    On ne tue pas par la colère, mais on tue par le rire. Allons, tuons l'esprit de pesanteur !

    J'ai appris à marcher : depuis ce temps je me laisse courir. J'ai appris à voler : depuis je n'attends plus qu'on me pousse pour changer de place.

    Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je m'aperçois au-dessous de moi-même, maintenant un dieu danse en moi.

    Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra (Discours Lire et écrire)

     

    Cette citation ne doit rien au hasard, je le confirme. Je descends un instant de mon étagère pour m'asseoir au bureau où Zarathoustra est posé depuis qu'une phrase de Rimbaud l'a irrésistiblement appelé (cf Pas sérieux 13/08). Quel éblouissement ! Les auteurs vraiment créateurs, plus on les lit, plus on les trouve inépuisables.

    C'est bien simple en lisant Zarathoustra on ne sait jamais où donner de l'enthousiasme. Intelligence, audace, écriture de philosophe poète qui fait vibrer les mots, danser les phrases. « Le mieux serait donc de t'abstenir de commentaires forcément superflus, non ? » (vous entends-je penser). Mais n'oublions pas ma graphomanie, je ne sais pas comment taire l'écho en moi de tels textes. Joann Sfar (vous savez Le Chat du rabbin) dit (dans son Journal de merde) que devant une image qui le touche ce que je vois, je le dessine avec mes yeux.

    C'est ça, il est des textes, je ne peux les lire qu'en les parlant avec mes mots. Ainsi résonne en moi Zarathoustra :

    1° La légèreté est rare, où la trouver ? La légèreté, pas l'inconsistance.

    2° La légèreté est rare parce qu'elle est difficile.

    3° Ce ne sont pas les mêmes choses qu'on tue par le rire ou la colère. Le rire apprend à tuer ce qui défait ou emprisonne, à condition qu'il s'agisse d'un vrai rire, dont ainsi parlait Spinoza : Le rire (rIsus), tout comme la plaisanterie (jocus, le jeu des mots disons) est pure joie (laetitia). (Ethique IVscolie du corollaire 2 prop 45). Il le différencie dans le même scolie de ce qu'il nomme moquerie (irrisio), disons le fait de tourner quelque chose en dérision. Ce rire-là, qui naît dans l'amertume, ne peut alléger.

    J'ai appris à marcher depuis ce temps je me laisse courir n'est pas seulement une formule métaphoro-philosophico-prise de tête. Regardez un enfant qui commence à marcher : littéralement emporté par son élan, il court plus qu'il ne marche, tout son corps dansant, chorégraphiant un pas de deux entre la pesanteur et l'envol. (Gadins garantis avant d'atteindre le niveau Pina Bausch et qu'un dieu danse en soi, mais on est tous passés par là).

     

    5° Y a-t-il, pour dire l'exultation d'être, un meilleur mot, un autre mot que Maintenant 

  • La paranoïa pour les nuls

    On n'est jamais paranoïaque sans raison. La phrase citée la dernière fois est incluse dans le paragraphe Repérer les cellules d'un tableau, lui-même inclus dans le chap 19 intitulé A la découverte du tableur T., lui-même inclus dans N. (ici le nom d'un logiciel) pour les Nuls.

    Vous ne voyez pas le rapport avec la paranoïa ?

    Il me faut ici avouer que je n'ai pas la main verte avec les ordinateurs et ce genre de choses. Ils ont une méchante tendance à buguer avec moi, idem les montres à s'arrêter, les voitures à produire de drôles de bruits qui ne font pas rire. Si bien que j'ai développé à leur égard une sorte de phobie. Le moindre rapport avec eux prend des allures de trauma. C'est ainsi qu'un jour de crise avec mon traitement de texte (crise qui nous aurait menés à la rupture n'était ma graphomanie incurable qui, je le constatai en l'occasion, est désormais addict à l'objet ordinateur, incapable de se donner libre cours avec les bons vieux papier-crayon) je fis l'acquisition de N. pour les Nuls.

    Cependant (et naturellement) ce ne fut pas ce livre qui résolut la crise, mais un être de chair et de sang du village voisin, ayant fait du secours aux nuls en ordi dans mon genre une occupation aussi prenante que lucrative.

    Depuis il squatte sur une étagère de ma bibliothèque (non, pas le mec), plus précisément sur l'étagère dédiée à supporter les bouquins impossibles à regrouper avec d'autres dans un semblant de cohérence aussi minimal soit-il. Soit-il le semblant, sinon j'aurais dit soit-elle la cohérence, mais justement je suis cohérente, c'est donc bien le semblant qui est minimal, ce qui est logique car je suis nulle en communication.

    Mais revenons à nos étagères. Le sort tomba donc sur celle de L'Hétéroclite Majeur, du Grand N'importe Quoi. Quand, les yeux fermés selon la règle que j'applique à la lettre, j'ai tâté ce livre, j'ai senti qu'il était couvert de poussière, et j'en ai déduit que je ne l'avais pas ouvert depuis longtemps, et donc qu'il se révélerait plein de surprises, idéal pour cette écriture de hasard.

    Toutes les surprises ne sont pas bonnes.

     

    Revenons donc à la paranoïa. Notre phrase révèle clairement qu'informatique peut rimer avec cadrage. Or de cadrage à procédure automatique il n'y a qu'un pas. Et à peine plus d'un pas, disons deux maxi, de procédure automatique à conformisme tueur de créativité. Cela dit je ne nie pas qu'un tableur soit utile. Encore que je ne sache pas vraiment à quoi ça sert. Mais il est vrai que je m'occupe assez peu de classements, comptes et autres sérieusitudes, me consacrant à des futilités inepties & inutilités telles que littérature ou philosophie.

    Quant à la paranoïa développée par certains autour de l'informatique à cause d'éventuels espionnages par la NSA ou je ne sais quoi, je m'aperçois que j'en suis totalement exempte. Je le dis sans bravade ni fierté aucune ou aucunes si on préfère. C'est l'avantage de s'intéresser à des choses dont personne n'a rien à faire, et d'écrire à leur propos d'hasardeuses billevesées. Et d'ailleurs, Dieu me décode, je ne sais rien faire d'autre.

     

     

  • Pour repérer les cellules

    Pour repérer les cellules, on procède comme pour repérer les cases d'un jeu de dames ou d'une grille de mots-croisés : on nomme les colonnes et les rangées.

    Une phrase non sans intérêt, même après celle de Duras, nonobstant son appartenance à L'Amant. J'entends par là l'appartenance de la phrase de Duras au corps du texte L'Amant prix Goncourt, et non l'appartenance de Marguerite à quelque corps que ce soit. D'accord dans L'Amant elle cache peu de choses à ce sujet, mais raison de plus pour ne pas épiloguer. Et puis le corps est une chose mais pour le reste elle était Margot libre dans sa tête. Et pour moi ça veut dire beaucoup. N'importe quoi cette association, direz-vous. Mais c'est mon blog oui ou non et qui m'empêche de l'utiliser pour une dédicace à une groupie de Michel Berger qui m'est chère ? Et si vous en déduisez qu'écrire n'importe quoi c'est la même débilité du jugement qui consiste à croire en la solution graphomane du problème personnel, je vous signale queça fait moins de dégâts qu'en politique. Un dégât esthétique n'est jamais à minimiser certes, mais globalement ça fait moins de morts.

    Bref repérer les cellules, grille, croisés, colonnes, rangées : voilà un champ lexical qui interroge. Aurions-nous été, à l'insu de notre plein gré, jetés en une quelconque geôle, enrôlés dans une non moins quelconque armée ? Quoi ? Paranoïaque, moi ? Pas du tout, il faut regarder les choses en face c'est tout. Par les temps qui courent qui peut dire fontaine je ne boirai pas de ton eau … euh non qu'importe le flacon, non ah voilà l'habit ne fait pas le moine … ou alors qui m'aime me suive, alea jacta est, vae victis ? ... Bon bref laissons tomber, je voulais juste dire que ces mots ne m'inspirent qu'une confiance limitée. OK jeu de dames, mots-croisés, sont plus sympa. Mais remarquons que ces termes apparaissent en guise de comparaison, et je ne peux me défaire de l'idée qu'ils sont là pour noyer la pilule, pour faire avaler le poison, euh poisson, bref pour planquer la merde au chat, bourrer le mou si vous préférez. Mais résumons ce qui ressort de cette phrase

    1° elle parle de faire un truc pas drôle, pas facile, potentiellement dangereux

    2° en tous cas une atteinte probable à notre liberté

    3° et pour cela présente le truc en question comme un jeu

    4° et donc en plus cherche à nous infantiliser

    5° soit dit sans aucun soupçon de paranoïa

    6° le mot le plus intéressant de la phrase est cellule

    7° je n'ai pas dit le plus agréable, mais il faut reconnaître que c'est le plus plurisémantique, ce qui est toujours bon à prendre

    8° même si ça crée des ambiguïtés

    9° précisément c'est ça qui est intéressant

     

    Mais d'où sort donc cette phrase ?