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Blog - Page 463

  • Phrases (1) A l'élève inconnu

    « Je lui ai appris ce que je savais, et nous avons appris ensemble ce que je ne savais pas. »

     

    Petite devinette : de qui est cette phrase ? Auteur français, traduction ? Texte de quelle époque ? Phrase d'un personnage dans une œuvre de fiction ? Quel contexte événementiel, âge, sexe des protagonistes, ce je ce nous ? Et si c'était plutôt extrait d'un apologue philosophique ? D'un journal, d'une autobiographie ? Phrase d'un vieux sage au crépuscule de sa vie, se livrant à un bilan paisible. Ou désenchanté ?

    Cette phrase je l'ai trouvée il y a quelques années dans une copie de brevet. J'ouvre ici une parenthèse pour souligner l'utilité absolue du Brevet des Collèges. Un des Fleurons Incontestés d'un système d'enseignement que la galaxie entière nous envie : créativité des sujets, rigueur subtile du barème de correction, suspense insoutenable des résultats, tant de joies exaltantes à vivre par correcteurs et candidats unis dans la même sueur pédagogique.

    L'épreuve de français propose un texte-support, sorte de couteau-suisse qui sert à tout, qui supporte à la fois des questions de compréhension et de langue et un sujet d'écriture. Lequel ce jour-là, à partir d'un extrait de Le Clézio, demandait au futurbreveté de s'identifier à un vieux SDF recueillant un gamin paumé ou l'inverse je ne sais plus. (Ce qui console de n'être pas écrivain nobélisé ni zable, c'est la certitude qu'aucun de ses textes ne deviendra texte-support. Non allez je suis sincère, en échange du Nobel ou à la rigueur du Fémina je supporterais toutes les épreuves qu'on voudrait).

    En fait d'épreuve ce fut celle de me plonger, par 30°C et raboudinée sur une chaise bancale, dans les copies empilées devant moi sur le bureau tagué. Tags au demeurant pas plus inspirés que les copies, ce qui ne laissa pas de m'interroger, dans la mesure où contrairement à elles, ils ne pouvaient qu'être le fruit libre d'une création libre.

    Or donc, dépliant dans une mornitude assoupie une énième copie double pattemouchée de propos convenus dans une orthographe et une syntaxe résolument libertaires elles, voici que je tombai sur la phrase-support de cette note. L'auteur accordant sans exception ses participes au masculin, j'admis que c'était un garçon. Par quel miracle un garçon de 15 ans portait-il déjà en lui comme une évidence le secret d'être parent, le secret de l'amour en général ? Et aussi, Dieu me maïeutise, le secret de la pédagogie, si bien que cette phrase pleine de sens me consola de l'absurdité de mon occupation correctrice. Oui là, à même la table taguée, tout comme Claudel fut saisi par la foi derrière un pilier de Notre-Dame, et Proust par une blonde madeleine au fond de sa tasse de thé à la Bergotte euh bergamote.

    Probablement l'élève inconnu, inconscient de la sagesse inscrite en lui, livra-t-il sa phrase simplement comme au printemps l'arbre forme sa fleur.

    J'espère que dans sa vie les fruits passeront la promesse des fleurs.

     

    Quant à moi le parfum de ses mots m'extasie encore.

  • Parce que (2)

    Le moyen de transport

    Chérubin, bon d'accord c'est téléphoné. Mozart-Chérubin, Mozart-Papageno, évidences tartalacrémesques. Mais si justes. Sans doute se trouvait-il embarqué sur les ailes du vent, dans ses grands moments d'inspiration, mais ce qui est sûr c'est qu'en l'écoutant on plane.

     

    Trois

    Pas besoin de grandes explications, là encore. Juste évoquer le trio de grâce, de magie, le trio fragile et puissant comme la vie elle-même, celui de Trois Enfants/Anges/Génies ou quoi que ce soit dans La Flûte. Ben oui la Flûte encore, j'y peux rien, au chef d'oeuvre comme au chef d'oeuvre. Et encore, tiens, Papageno qui compte ein zwei drei ...

     

    L'instrument de musique

    Outre les trois cités, j'aurais pu en choisir un autre, le plus accordé à notre vibration intime, à chacun de ses moments, de ses nuances : la voix. Les voix de Mozart, où le souffle se fait chair, où la chair laisse affleurer son âme. Hystérie somptueusement surjouée de la Reine de la Nuit orgueilleuse et blessée, vertige vertigineux de Don Giovanni dans sa danse au bord de l'abîme, désir palpitant et soyeux de Chérubin. Et le bouleversant Incarnatus est de la Messe en ut mineur, se déployant comme une rose ouvre ses pétales ...

     

    L'arbre

    Il s'agit du bosquet de pins au 4°acte des Noces de Figaro. Suzanne y donne rdv au comte selon un plan de la comtesse. Le but est de confondre l'infidèle, qui la délaisse pour draguer précisément Suzanne. Pour préparer le billet doux, à la fois faux et vrai, c'est le duo Sotto i pini, sous les pins. Duo si doux lui aussi, malicieux, nostalgique, sensuel, dans lequel la comtesse fait à son volage une déclaration d'amour par personne interposée et sous couvert de ruse lui livre un pur chant d'abandon.

    Sous les pins chacun viendra chercher sa chacune, la vérité des cœurs et du désir se dira dans la nuit, à l'aveuglette, en hommage au petit dieu Eros. Sous les pins, Suzanne attendant son rdv chante une lumineuse aria deh vieni o gioa bella. Un des plus suaves parmi ces chants où les personnages de Mozart, hommes et femmes, se laissent habiter par la grâce d'aimer, fût-elle déchirement ou angoisse. Sous les pins, Suzanne, contemplant le ciel de nuit où palpitent les étoiles, exhale en écho cet air de lumière nocturne. Sous les pins Suzanne la soubrette, qui a revêtu l'habit de la comtesse, lui prête sa voix propre où s'unissent la plainte lancinante du porgi amor qui inaugure le 2° acte et la nostalgie d'amoureuse brisée du dove sono au 3°acte.

     

    Là sous les pins dans la nuit d'été, Mozart a donné à son personnage la voix-même de l'amour. Une voix fragile, qu'un rien peut briser dans la nuit, une voix immortelle pourtant. 

  • Parce que (1)

    Oui voilà il s'agissait donc de Wolfgang Amadeus, ou Mozart pour les intimes.

    Je pourrais vous laisser reparcourir par vous-mêmes mes comparaisons pour en constater le bien-fondé. Mais je tiens à vous prouver que je n'ai pas dit des conneries, ou alors en connaissance de cause.

     

    La couleur

    Mozart combine le blanc et le rouge. Blanc, solennité de certaines œuvres, le Requiem bien sûr, le début du 2° acte de La Flûte Enchantée, ses grandes messes. Blanc est aussi la couleur qui les contient toutes, et par là image bien son génie absolu à l'aise dans tous les genres, son génie qui, semblable à celui de Bach, embrasse la totalité de la musique (oui, j'aime un peu Mozart, ça se voit tant que ça ?). Blanc est enfin la couleur du deuil des enfants, et enfant il le resta toujours, à jouer pour l'éternité du Glockenspiel de Papageno. Rouge, parce que c'est le sang, la vie, l'intensité de la passion, la violence aussi, qui sont tout autant dans sa musique.

    Ainsi s'impose pour l'évoquer la couleur qui est intime mélange de rouge et de blanc. Et puis il y a tout simplement une sensation : de sa musique se dégage pour moi une joie que je ne sais qualifier plus exactement que par le mot « rose ».

     

    La station de métro

    Danube parce qu'il est associé à la ville de Vienne, ville qui évoque le plus la vie et l'œuvre de Mozart, et celle où il est mort. Bel-Air sans commentaires.

     

    Le paysage

    La musique est une chose qui coule comme coule le temps, elle s'inscrit en lui. Chaque musicien a sa modalité liquide. Bach par exemple a beau se nommer ruisseau, sa musiqueestun océan : houle ininterrompue du groove qui traverse toute son œuvre, ressac tantôt impétueux tantôt paisible des fugues, profondeur habitée de myriades de notes comme autant de poissons qui se rassembleraient ou se disperseraient dans le mouvement incessant d'harmonies toujours renouvelées.

     

    La musique de Mozart jaillit comme un torrent. Elle bondit, cascade et irradie en milliers de gouttelettes lumineuses. Violente ou tendre, elle libère une irrésistible énergie. Vous vous sentez triste, las, vide, blasé. Hop un disque, n'importe lequel au hasard. Petite sonate sans prétention mais au sourire si contagieux, concerto où l'on goûte les variations du dialogue entre instrument et orchestre, symphonie dont la construction si précise vous remet les idées en place, aria d'une amoureuse, où le souffle se suspend, entre jouissance et nostalgie. Dans les œuvres déchirées et tragiques, l'énergie de vie agit tout autant, et peut être davantage. Car la musique alors vient visiter les zones les plus arides, les plus mortes, et tout à coup les transmue en miraculeuses oasis. Tout à coup il fait Mozart et tout est à nouveau possible.