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Le blog d'Ariane Beth - Page 131

  • Où en sommes-nous ?

    « Monstrueuse guerre : les autres agissent au dehors, celle-ci encore contre soi se ronge et défait par son propre venin. (…)

    Toute discipline la fuit. Elle vient guérir la sédition et elle en est pleine, veut châtier la désobéissance et en montre l'exemple, et, employée à la défense des lois, fait sa part de rébellion à l'encontre des siennes propres. Où en sommes-nous ? (…)

    En ces maladies populaires(1), on peut distinguer sur le commencement les sains des malades ; mais quand elles viennent à durer, comme la nôtre, tout le corps s'en sent, et la tête et les talons ; aucune partie n'est exempte de corruption. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 12 De la physionomie)

     

    (1)Les guerres civiles sont des maladies populaires, car, déchirant le corps d'une nation, elles l'atteignent dans son aptitude à faire un peuple cohérent, uni dans sa diversité.

     

    Ce passage est inspiré par les ravages de bandes huguenotes en Guyenne (1585).

    Quand elles viennent à durer, aucune partie n'est exempte de corruption. En clair : ce n'est pas qu'il y ait quelque chose de pourri au royaume de France, désormais au royaume de France tout est pourri.

    Un tel passage nous laisse à penser qu'il y eut en ces années certainement des moments où Montaigne, infiniment las, en vint à soupirer, lui aussi, tel le prince danois : mourir, dormir

     

  • Comme les ballons

    « Nous n'apercevons les grâces que pointues, bouffies et enflées d'artifice. Celles qui coulent sous la naïveté et la simplicité échappent aiséement à une vue grossière comme est la nôtre ; elles ont une beauté délicate et cachée ; il faut la vue nette et bien purgée pour découvrir cette secrète lumière. (…)

    Notre monde n'est formé qu'à l'ostentation : les hommes ne s'enflent que de vent, et se manient à bonds, comme les ballons. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 12 De la physionomie)

     

    Nihil novi sub sole, non ? Ah mais si : ce qui change régulièrement ce sont les couleurs, les matières, les formes des ballons ...

     

  • Par matière de devis

    « C'est par matière de devis que je parle de tout, et rien par matière d'avis. Je ne serais pas si hardi à parler s'il m'appartenait d'en être cru ; et ce fut ce que je répondis à un grand, qui se plaignait de l'âpreté et contention de mes enhortements : ''Vous sentant bandé et préparé d'une part, je vous propose l'autre de tout le soin que je puis, pour éclaircir votre jugement, non pour l'obliger.'' »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 11 Des boiteux)

     

    Montaigne explique à plusieurs reprises sa manière de concevoir le conseil aux gouvernants. Conseiller oui, courtiser non. Éclaircir oui, éblouir non. Accompagner oui, et non embobiner (ou "volubiliser" ?).

    Il fit ainsi, convaincu que c'était ce qu'il fallait faire. Mais il avoue parfois son amertume que la justesse de son jugement n'ait pas été davantage reconnue (voire récompensée).

    Cependant, s'il avait vécu un peu plus longtemps, il aurait peut être été un conseiller écouté d'Henri IV. Celui-ci l'apprécia lors de leurs rencontres quand il était encore roi de Navarre. Ils partageaient un même souci : la réconciliation des partis en lutte et leur collaboration pour le bien (ou le moindre mal) du royaume.