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Le blog d'Ariane Beth - Page 188

  • Bel effort (sans F)

    - J'arrête, j'en peux plus.

    - Allez, on y est presque !

    - Tu rigoles : on est à peine à la moitié !

    - Vois pas le verre à moitié vide, mais bien plein, pense à l'apéro qui nous attend, ça te motivera.

    - C'est moi qui suis complètement vidé, j'y arriverai pas je te dis.

    - Bon, écoute : tu montes encore ces trois marches, là, et au palier on se prend une pause.

    - Les pauses le problème c'est qu'après on a encore plus de mal à s'y remettre …

    - Ah c'est bien toi ça : Christophe ou la négativité montée sur pattes. Tu sais quoi, t'es vraiment trop lourd, laisse tomber, rentre chez toi, j'appelle Jean-Alphonse.

    - Jean-Alph ? On parle du même ? Ce con de Jean-Alph !! T'es pas sérieux ?

    - C'est juste que là il nous aiderait bien, il a une super énergie, du dynamisme, il est pas râleur …

    - Pas râleur lui, tu veux dire ?

    - Exactement : lui. Il connaît le mot positivité, lui.

    - Tu me déçois, Joseph, je croyais que t'étais un ami.

    - Tu vois tu prends tout mal. C'est juste que ça commence à bien … Je voudrais me débarrasser de ce mastodonte, merde ! Et puis Philomène, là-haut elle doit commencer à se demander ce qu'on …

    - Ouais ben elle a qu'à pas habiter une chambre de bonne pourrie au sixième sans ascenseur.

    - Question de moyens, tu sais bien qu'elle roule pas sur l'or. Par contre moi à sa place je meublerais pas un galetas pareil avec une commode Louis-Philippe.

    - Ohé les gars, je vous entends.

    - Ah salut Philo … Euh oui voilà, on est là ... Mais te penche pas comme ça, ma belle, tu vas tomber …

    - T'inquiète. Alors : primo ma piaule est pas pourrie, deuzio la commode c'est l'héritage de ma Mémé Épiphanie j'y tiens, et troizio ça commence à être une pause convenable, là, non? Allez les gars on s'y remet hop hop. Je vous prépare un bon expresso.

    - On avait pas dit l'apéro plutôt ?

    - L'apéro, à cette heure-ci ? Ah ben dis donc Christophe, je comprends pourquoi côté énergie c'est pas …

    - Allez ... Philomène …

    - Ouais OK. On trinquera à Louis-Philippe !

     

  • Ni dieu ni diable (sans E)

    Tout nous allait, tout nous souriait. On y croyait.

    Ça marchait. Nous avancions.

     

    Quand on nous disait : vos buts sont si lointains, dans vos calculs surtout du hasard. Ça craint, non ?

    Nous disions : pas du tout. Nous savions avoir raison.

     

    Quand on nous disait : trop ardu pour vous, trop haut, nous nous insurgions. Un hic ? Un mur ? Mais non, aucun pour nous.

     

    Quand on nous disait un jour ça n'ira plus, nous rigolions.

    Aussi sûr qu'il fait jour au matin, nous irions au bout.

     

    Alors pourquoi ? D'où vint l'accroc ? Nous n'avons pas compris d'abord.

    Nous satisfaisions, croyions-nous, à tout. Parfaits soldats, luttant toujours au maximum. Vaincus, nous ? Voyons ! Fuyards ? Allons, quoi !

    Mais voilà. La fin fut là, d'un coup.

    Parfois un sort brutal a raison, sans raison.

     

    On aurait dit un sphinx surgissant tout à coup. Un roc d'inconnu qui disait : tu n'as pas su, tu sais pas, tu sauras jamais.

    Pourtant si, nous avons compris, à la fin. Nous avons vu : il y avait un truc malin, brut tout autant, un mal, un vrai mal.

    Il avançait à bas bruit. Aujourd'hui il avait fini son parcours. Il arrivait.

     

    Il aurait fallu pouvoir nous garantir avant. Aujourd'hui nous n'avions plus aucun pouvoir d'opposition à lui.

    Qui, lui ?

    On aurait dit un sphinx, il rugissait. Mais sans bruit.

    Il nous fascina. Il nous voulait. Nous n'avions aucun choix. Nous irions au pays où il dominait. Pays inconnu mais si connu pourtant. Où tout aboutissait toujours.

     

    Nous irions là-bas.

     

  • Pas de deux (sans D)

    Le ballet est un art exigeant. Pour le pratiquer il faut être athlète et esthète à la fois. Ainsi est Lucile.

    À la voir on a l'impression que ce n'est pas son corps, mais l'air lui-même qui se met en mouvement sur la musique. Cette fille est la légèreté incarnée, une grâce qui va. Et une force aussi, on ne soupçonnerait pas en cette chair gracile et en ces membres élancés une telle énergie musculaire.

    Bref c'est bien simple Lucile est une artiste exceptionnelle. Pour une fois l'épithète n'est aucunement exagérée.

     

    Alors forcément son partenaire a une sacrée pression. Et son partenaire pour notre nouvelle création c'est moi. Nous seuls en scène, et Mozart.

    Lucile qui s'élance sur un solo de flûte, un air impalpable et suave, comme seul Wolfgang a su en écrire, captant la musique en son essence, c'est magique. Et pour une fois le mot n'est nullement incongru.

     

    Il me faut faire un effort pour m'arracher à la contemplation et ne pas rater mon entrée. Le moment où je m'élance à mon tour, sur un entrechat, lorsque la harpe commence à enrouler ses volutes.

    Ensuite il n'y a plus rien à faire, juste à nous laisser mouvoir, à l'unisson, par la musique elle-même. Laisser son souffle investir nos poumons, sa vibration transmettre son tempo à notre cœur, sa beauté nous imprégner tout entiers.

     

    Et nous ne sommes plus que petites flammes vivantes, petits feux follets récusant toutes les nuits et toutes les tristesses, énergie pure, souveraine, petits lumignons célébrant la joie.

     

    C'est pourquoi peut être nous avons pour nom étoiles.