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Le blog d'Ariane Beth - Page 277

  • La volonté de tout un peuple

    Les Citoyens étant tous égaux par le contrat social, ce que tous doivent faire, tous peuvent le prescrire, au lieu que nul n'a le droit d'exiger qu'un autre fasse ce qu'il ne ferait pas lui-même. Or c'est proprement ce droit, indispensable pour faire vivre et mouvoir le corps politique, que le Souverain donne au Prince en instituant le Gouvernement.

    (III,16 Que l'institution du Gouvernement n'est point un contrat)

     

    Pour Rousseau ce droit n'est pas en rigueur de termes un contrat entre le Gouvernement et le peuple. Il n'y a qu'un contrat dans l'État, c'est celui de l'association. Un contrat unique, non reproductible, intangible : on ne saurait imaginer aucun contrat public, qui ne fût une violation du premier.

    Mais n'est-ce pas là qu'une question de terminologie ?

    Mettons, il n'y a qu'un contrat et le reste, les nécessaires concrétisations, appelons-les mandats, conventions, délégations, n'importe quoi : l'essentiel est que ça marche.

    En fait on dirait bien qu'il y a comme du sacré là-dessous pour JJ.

    Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes a-t-il dit plus haut (II,7 Du législateur). Quoi qu'on mette sous ce terme (y compris rien), ce chapitre en appelait, on s'en souvient, à une autorité d'un autre ordre

    (et si on s'en souvient pas, voir la note qui porte ce titre).

    Pour le fonder, cet autre ordre, Rousseau ne fait pas vraiment confiance aux dieux.

    Il confère plutôt une sorte d'auto-transcendance au corps social, en sacralisant le contrat, au sens propre.

    Le fait de son unicité, sa non-reproductibilité, place dans une arche symbolique ce contrat (issu on s'en souvient d'un moment non figurable sur la ligne du temps réel)

    (et si on s'en souvient pas, voir la note Son moi commun).

     

    De ces éclaircissements (est-ce le mot, mais bon) il résulte (…) que l'acte qui institue le Gouvernement n'est point un contrat mais une Loi, que les dépositaires de la puissance exécutive ne sont point les maîtres du peuple mais ses officiers, qu'il peut les établir et les destituer quand il lui plaît, qu'il n'est point question pour eux de contracter, mais d'obéir, et qu'en se chargeant des fonctions que l'État leur impose ils ne font que remplir leur devoir de Citoyens, sans avoir en aucune sorte le droit de disputer sur les conditions.

    (III,18 Moyen de prévenir les usurpations du Gouvernement)

     

    Est-ce à dire que Rousseau plaide ici pour un RIC révocatoire ?

    Pour lui la destitution ne peut s'envisager que dans le cas où le Gouvernement devient incompatible avec le bien public. Vraiment public.

    On ne saurait en pareil cas observer avec trop de soin toutes les formalités requises pour distinguer un acte régulier et légitime d'un tumulte séditieux, et la volonté de tout un peuple des clameurs d'une faction.

    Distinction utile pour éviter la perversion de la démocratie représentative en démocratie marketing, et de là en clientélisme populiste ou en fascisme. 

     

  • Que m'importe ?

    Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées; sous un mauvais Gouvernement nul n'aime faire un pas pour s'y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait, qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, et qu'enfin les soins domestiques absorbent tout. (…) Sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'État, « que m'importe ? » on doit compter que l'État est perdu.

    (III,15 Des Députés ou des Représentants)

     

    Les raisons de désaffection pointées ici, nous les connaissons bien.

    Nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait. Difficile en effet de se passionner pour des débats techniques, longs, complexes. Même si l'on admet qu'ainsi se construit une loi pour qu'elle soit bonne (et pas sûr que tout le monde l'admette), on aime mieux « regarder des vidéos de chat sur internet »

    (comme dit Y.N. Hariri dans 21 leçons pour le 21°s, livre clair, synthétique, lucide).

     

    On prévoit que la volonté générale n'y dominera pas. C'est vrai que la prédiction est peu démentie. C'est l'effet de la double dégénérescence de la démocratie (cf supra Le nom commun d'anarchie).

    La volonté générale se privatise d'en haut sous l'effet des lobbies économiques ou des défauts du gouvernement, et elle se privatise d'en bas sous l'effet de chaque auto-lobby de chaque individu.

     

    Les soins domestiques absorbent tout. C'est l'attitude corollaire de la précédente. Repli sur les intérêts et soucis de proximité (les miens, ceux de ma famille).

    Est-ce l'impossibilité de faire valoir le désir de volonté générale qui produit cette attitude, ou au contraire est-elle à l'origine du manque de volonté générale ?

    Telle est la question, assez proche du bien connu où est la poule où est l'oeuf ?

    Mais inutile de s'y attarder, sinon on n'est pas près de s'asseoir à une quelconque table de négociations.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Point de capitale

    Toutefois, si l'on ne peut réduire l'État à de justes proportions, il reste encore une ressource ; c'est de n'y point souffrir de capitale, de faire siéger le Gouvernement alternativement dans chaque ville, et d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. (III, 13 Suite – du 12)

     

    On a donc un modèle à la fois décentralisé et fermement coordonné, une sorte de fédération. Chaque petit « État dans l'État » sera géré au plus près, mais en cohérence avec le Gouvernement central, qui seul est garant de la cohésion d'ensemble.

    L'originalité proprement rousseauiste, c'est qu'on retrouve ici la double flèche caractéristique de toute la structure du Contrat social.

    La centralité est nécessaire au Gouvernement pour assurer son « ministère de l'unité ». Mais il ne faut pas confondre centralité et centralisme (on sait ce qu'a pu donner le concept de centralisme démocratique).

    Ne point souffrir de capitale suppose de considérer la nécessaire centralité (ou généralité) sous le seul angle symbolique (et non matériel).

    S'il n'y a pas concrètement de lieu capital unique cela permet de se rappeler que tous les lieux le sont (capitaux).

    Chacun peut tracer vers la centralité sa flèche, et ne se contente pas d'être sa cible.

    En outre, si le gouvernement va siéger alternativement dans chaque ville, alors se met en place une circulation comparable à la circulation sanguine, dans laquelle le gouvernement fait comme le cœur office de pompe.

    Assurant comme lui l'alternance diastole systole, la combinaison du centrifuge et du centripète.

    Rousseau va plus loin encore avec la proposition d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. À la circulation à double sens centre/périphérie s'ajoute une circulation entre périphéries.

    La fréquentation entre les différents sous-groupes du pays facilitera et concrétisera leur connaissance mutuelle.

    Ainsi peut se construire l'aptitude à un authentique dialogue, propice à des décisions vraiment démocratiques.

    Car chaque secteur élargit sa vision, et peut percevoir les problèmes selon l'ensemble de leurs données, et non seulement celles qui touchent au plus près ses intérêts propres.

    Ça commence à ressembler à de la démocratie, non ?

     

    Je dis n'importe quoi, mais qu'est-ce qui nous empêche d'essayer ?

    Les moyens concrets, moyens de transport et de communication nécessaires à cette mobilité, nous en disposons.

    Ce qu'il reste à développer c'est juste la mobilité psychique nécessaire à chaque citoyen, ville, région, pour se décentrer de son petit nombril, rond-point, clocher, terroir.

    Là ça commencerait à ressembler à une république.