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Le blog d'Ariane Beth - Page 274

  • Choisir la facilité

    « Les lecteurs de listes sont les plus écrivains des lecteurs », écrit Charles Dantzig dans son Encyclopédie capricieuse du tout et du rien. (Grasset 2009)

    Affirmation hasardeuse, gratuite, comme la plupart des affirmations (toutes, en fait). Tout dépend des listes, de ce que l'on entend par lire. Et par écrire.

    Quel lecteur ne fait l'expérience, régulière ou ponctuelle, qu'en effet lire c'est écrire (concrètement ou dans sa tête comme disent les enfants) ?

    D'ailleurs sans me vanter le lecteur l'aura noté c'est la profession de foi de ce blog.

    Quant à les plus écrivains, cela suppose qu'on peut mesurer «l'écrivanité», la quantifier, la situer sur une échelle.

    On peut trouver un écrivain intéressant, subtil, habile, suggestif, drôle, profond, sincère. Ou ne pas.

    Mais comment dire s'il est «plus» ou «moins» écrivain ?

    En outre si nous laissons passer sans réagir l'affirmation fallacieusement anodine les lecteurs de listes sont les plus écrivains des lecteurs, nous nous retrouverons vite fait coincés devant des questions autrement cruciales telles que : les lecteurs de listes listent-ils les écrivains qu'ils lisent ?

    Ou pire : les écrivains de listes listent-ils les lecteurs qui les lisent ?

    Mais j'ai tort d'ergoter, j'ai tort d'ironiser. Que s'attendre à trouver dans une encyclopédie du tout et du rien, surtout si elle est capricieuse, sinon n'importe quoi ?

    Non non, ce n'est pas un reproche, bien au contraire.

    Écrire (et éditer) ce type d'ouvrage est choisir la facilité. Excellent choix, la facilité. On ne le fait jamais assez souvent.

    (Imaginez y a même des tordus qui se prennent la tête à lire Rousseau au lieu de twitter et facebooker la dernière infox comme les gens normaux).

    Mais rassure-toi lecteur, mon cas n'est pas totalement désespéré. Dans un accès de raison, une bouffée pragmatique, j'ai décidé de ne plus consacrer d'efforts qu'à la facilité.

    Ainsi donc et pour commencer, je m'en vais établir des listes personnelles sur tout, rien, et n'importe quoi.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Il resterait à

    Il resterait à

     

    Dans le très bref chapitre de conclusion (IV,9) on retrouve le ton empreint d'insatisfaction du propos liminaire (cf ce petit traité note du 6 décembre dernier).

    Rousseau y déplorait l'incomplétude à ses yeux de son travail, le fait de ne pas avoir pu mener à bien le grand ouvrage politique qu'il avait envisagé, entrepris autrefois sans avoir consulté (ses) forces.

     

    Ici, arrivé à la fin du livre, on le voit de nouveau se résigner à le laisser tel qu'il est, en partie inachevé.

    Après avoir posé les vrais principes du droit politique (sur ce point au moins, la théorie du politique, il ne doute pas de lui) et tâché de fonder l'État sur sa base, il resterait à l'appuyer par ses relations externes ; ce qui comprendrait le droit des gens (les relations internationales), le commerce, le droit de la guerre et les conquêtes (c'est carrément dommage qu'il n'ait pas avancé sur ce point, ça aurait qui sait évité des boulettes, boulets surtout, napoléoniens par exemple pour s'en tenir à la proximité historique), le droit public, les ligues les négociations les traités etc. (oui décidément dommage) (ça n'aurait pas été du luxe pour les prochaines européennes par exemple).

    Mais tout cela forme un nouvel objet trop vaste pour ma courte vue ; j'aurais dû la fixer toujours plus près de moi.

     

    Fixer sa vue près de soi, pour ma part j'y entends quelque chose comme 

    « Voilà, je me suis décarcassé à faire ce que je sais faire, c'est à dire penser et écrire, pour servir le bien commun. J'espère qu'on s'en saisira. Et sinon tant pis je vais pas être plus royaliste que le roi (en l'occurrence plus démocrate que le peuple). Après tout chacun sa merde. »

    Et c'est donc logiquement à peu près à ce moment-là qu'il se met au projet des Confessions, objet pour le coup on ne peut plus près de lui.

     

    Le Contrat social, comme Émile publié la même année (quel bosseur ce JJ), a reçu on le sait un accueil très contrasté. Encensé par certains, honni par d'autres. Une remarque que l'on peut faire sur à peu près toutes les œuvres de Rousseau.

    Autre remarque, toutes continuent à être lues assidûment. Même La Nouvelle Héloïse, si gentiment ringue, offre à la psychanalyse le triangle oedipien Julie Wolmar Saint-Preux.

    Bref JJ n'a pas travaillé en vain.

     

    Et pour conclure le petit parcours de ce petit traité si grand livre, la citoyenne Ariane dira simplement au petit Suisse si grand homme : Salut et fraternité, citoyen Jean-Jacques.

  • Purement civile

    L'idée chrétienne d'un royaume Spirituel séparant le système théologique du système politique (…) causa les divisions intestines qui n'ont jamais cessé d'agiter les peuples chrétiens. (IV,8 De la Religion Civile)

    Pour les païens au début du christianisme, le coup du royaume de l'autre monde est une hypocrisie. Les Chrétiens ne cherchaient que le moment de se rendre indépendants et maîtres.

    Et J.J. de poursuivre ce que les païens avaient craint est arrivé (…) et bientôt on a vu ce prétendu royaume de l'autre monde devenir sous un chef visible le plus violent despotisme dans celui-ci.

    Pourris de papistes ...

    Suite de l'histoire un chapelet de conflits entre nations avec leurs lois civiles, et despotisme papiste prétendant imposer les siennes. Négligeant avec pragmatisme le point de vue religieux (qui ne lui importe pas) mais aussi moral, Rousseau y déplore surtout le facteur d'instabilité politique.

    Tout ce qui rompt l'unité sociale ne vaut rien : toutes les institutions qui mettent l'homme en contradiction avec lui-même ne valent rien.

    La question est donc de concilier la Religion de l'homme et celle du Citoyen.

    Le droit que le pacte social donne au Souverain ne passe point, comme je l'ai dit, les bornes de l'utilité publique. Les sujets ne doivent donc compte au Souverain de leurs opinions qu'autant que ces opinions importent à la communauté. On doit tolérer toutes (les religions) qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du Citoyen.

    Le petit Suisse serait-il le promoteur de la laïcité à la française ?

    D'une certaine manière, sauf qu'il n'admet pas l'athéisme. Pas le spirituel bien sûr, mais le social. Il importe bien à l'État que chaque Citoyen ait une Religion qui (se rapporte) à la morale et aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui.

    Cette profession de foi purement civile crée et conforte les sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d'être bon Citoyen et sujet fidèle.

    Il la veut simple : divinité bienfaisante et pourvoyante, bonheur des justes, châtiment des méchants, sainteté du Contrat social et des Lois.

    Simple, voire enfantine ? Je le dis sans ironie. JJ fait jouer ici le ressort archaïque de la morale, le plus sûr sans doute : chercher l'amour de bons parents.

    Ce qui ne marche que si les parents sont effectivement suffisamment bons.

    Genre État providence (dont le délitement durcit les rapports sociaux, ce n'est plus à démontrer).

    Quant aux dogmes négatifs (ce qu'il faut refuser) je les borne à un seul : l'intolérance. Partout où l'intolérance théologique est admise, il est impossible qu'elle n'ait pas quelque effet civil. Il est impossible de vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés. Il faut absolument qu'on les ramène ou qu'on les tourmente.

    Sans commentaires : inquisition hier, djihad aujourd'hui, éternelle intolérance.