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Le blog d'Ariane Beth - Page 313

  • Vagues scélérates

    « Abyssus abyssum invocat »

     

    L'abîme appelle l'abîme.

    Cette citation ne peut que nous rappeler nos plaisirs astéristiques. Je ne sais plus dans quel album, lors d'un nième naufrage du récurrent bateau pirate, un des marins lance cette phrase.

    Ce n'est pas décalé en l'occurrence. Pour nos ancêtres antiques, le prototype de l'abîme, du gouffre mortel, c'est la mer, ses vagues menaçantes toujours renouvelées, ses profondeurs glauques et insondables, que l'on soupçonne subséquemment d'être squattées par toutes sortes de monstres.

    « Eheu (entends-je se lamenter le pirate astérixien pris dans l'enchaînement d'un fatum adversum) quand ça veut pas ça veut pas, dura lex des séries.

    OK mater mea m'avait bien dit la vita n'est pas un longus tranquillus fluvius. Mais qu'est-ce qu'on a fait à Neptune pour que ça tombe semper sur nous ?

    Les gars sumus vraiment mal barrés. D'ici qu'on plonge définitivement. Video le futurum sombre, et même carrément noir. »

    À propos quid dicit la page rose de cette expression ?

    Expression figurée empruntée au psaume de David (42,8) qu'on emploie pour exprimer qu'une faute en entraîne une autre.

    Ah bon ? Quelle faute ?

    L'auteur de ce psaume

    (David rien n'est moins sûr, mais on en reparlera) (j'ai le projet de faire une série sur les psaumes) (mais c'est un gros boulot) (c'est pas que j'aime pas bosser) (mais pour qui pour quoi hein?)

    ne parle pas de faute.

    C'est juste un exilé que submergent la souffrance de l'oppression, l'angoisse, la nostalgie. Il ne se sent pas en faute, mais abandonné.

    Ce sentiment se condense dans la métaphore de la soif. Mon être a soif d'Elohim, d'El vivant (v.3).

    Ce qui l'amène à décliner différentes modalités de l'élément liquide : l'eau tranquille où il irait boire comme la biche (v.1), ses larmes d'amertume (v.4), et enfin l'eau dans sa violence mortelle (v.8)

    L'abîme appelle l'abîme, à la voix de Tes cataractes, tous Tes brisants et Tes vagues sur moi sont passés.

    Un splendide poème que je t'engage à aller lire, lector.

     

     

     

     

     

  • Les amis de mes amis ...

    « Amicus Plato sed major amicus veritas »

     

    n'a pas dit Aristote. Vu qu'il parlait grec. Quoiqu'il en soit on peut traduire

    Platon est un ami, mais la vérité une amie plus grande.

    Machin est un ami … Quand ça part comme ça, on attend le « mais ».

    Ici il est aussi immédiat qu'explicite, au moins c'est clair. Souvent le mais est implicite, il faut le décoder dans une « innocente » perfidie, un petit ajout qui n'a l'air de rien.

    Le diable est dans les détails.

    On a affaire à une dénégation, mécanisme inconscient par lequel, croyant masquer un sentiment, une pensée, on attire au contraire l'attention dessus.

    - Ach ja zum Beispiel celui qui dit cette femme dans mon Traum n'est pas ma mère, sicher c'est seine Mutter, and nobody else.

    - C'est ça. J'apprécie beaucoup quand vous venez mettre votre grain de sel, Sigmund. Merci, vraiment, cher ami.

    - Ach Ariane …

    - Faites pas cette tête, je rigole, voyons.

    Par contre Aristote rigole pas à mon avis. Implicite ravageur : Platon et la vérité ça fait deux, en tous cas pas vraiment un.

    Le lecteur se doute que je bois du petit lait. Platon n'est pas mon ami (il me semble l'avoir déjà dit). Aristote pour sa part était quand même son disciple. Mais un disciple à l'esprit libre. Qui ne renonçait pas à penser à sa façon.

    Sa phrase, indépendamment de la définition possible (ou pas) de la vérité, met avant tout l'accent sur les conditions de sa recherche (pragmatisme aristotélicien contre idéalisme platonicien CQFD).

    Et pour cela met en garde contre l'esprit d'appartenance à un clan.

    Qu'il soit conformisme paresseux ou adhésion plus assumée, c'est toujours l'affect qui en est le moteur. L'affect, ce virus anti-objectivité et rationalité.

    Se faire reconnaître voire labelliser par un groupe, rendre hommage au maître à penser (ou aussi bien le défier), devient alors l'affaire essentielle, au détriment de l'objet-même de réflexion.

    De plus se mêle à l'enjeu de prestige et reconnaissance l'occasion de monnayer son allégeance ou contestation.

    Bref le crime contre la vérité combine le passionnel et le crapuleux.

    Toute ressemblance avec politique partisane, sectarisme religieux, n'est pas fortuite. Le phénomène est bien le même partout, y compris en science ...

    - Ach Ariane … und du côté de la Psychoanalyse, Ich vous rakonte pas ...

     

     

     

  • Debout au milieu

    « In medio stat virtus »

     

    = c'est au milieu que se trouve la vertu.

     

    Cette phrase conteste les conceptions et comportements extrêmes, prône la recherche d'un juste milieu.

    Incite-t-elle pour autant à adopter une opinion et un comportement moyens, à se cantonner dans la médiocrité intellectuelle et éthique ?

    Je crois le contraire.

    Ne pas se laisser enrôler par les extrêmes, se méfier des positions rigides et tranchées, refuser les appartenances exclusives, n'est pas comme on pourrait croire signe de mollassitude.

    Le mot vertu peut être mal compris. Son sens moderne a été affadi, pour ne pas dire gnagnanisé (souvent pour la plus grande gloire du sexisme, comme quand on parlait de femme de petite vertu) (pas trop grande non plus celle du mec qui achète ses charmes, non ?)

    La vertu comprise en ce sens est au fond de l'ordre de l'abstention. Elle consiste à s'abstenir, se préserver du mal (ne nous laisse pas succomber à la tentation dit la prière chrétienne).

    Mais souvenons-nous que virtus veut d'abord dire force, courage. (C'est censé être la qualité du vir, de l'homme) (amis du sexisme, rebonjour) (qu'est-ce qu'on rigole, hein les filles?)

    Force, courage : en effet. Surtout en temps de surenchère à l'extrémisme.

    S'efforcer de se tenir au milieu n'est pas se planquer en terrain neutre. On risque au contraire de se trouver au cœur de la bataille, pris entre deux feux (ou plus), cerné d'excités de tous bords, de cons de toutes obédiences.

    Le difficile alors est de ne pas se rallier à l'un des camp extrêmes, par peur, paresse, conformisme, aliénation.

    Ne pas renoncer à se tenir au milieu implique de savoir que la vérité est subtile et complexe, certainement pas en tout ou rien.

    Assumer la place exposée du milieu, implique de croire dur comme fer dans la vertu des médiations et des médiateurs.