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Le blog d'Ariane Beth - Page 310

  • Oiseau rare

    « Rara avis in terris » 

     

    dixit Juvénal = un oiseau sur terre c'est rare (une oiseau, avis est féminin).

    N'ayant pas lu son poème je ne sais pas ce qu'il entend par là exactement. Mais ça ne m'empêche pas de vous livrer des réflexions perso (il viendra pas me chercher, là où il est ...)

    Chacun a son élément (au sens figuré j'entends) (parce que pour le reste l'être humain est en théorie adaptable partout)

    (ça va avec l'omnivoration je présume) (omnivorage ? omnivoracité ?),

    un élément non seulement de prédilection, mais hors duquel il ne peut pas être vraiment ni totalement lui-même.

    Pour s'épanouir, pour ne pas s'étioler, il faut trouver cet « élément », c'est à dire cet équilibre psycho-écologique.

    Spinoza le formule comme un rapport (au sens mathématique) entre les potentialités et besoins d'un individu, et son milieu et mode de vie.

    Si ce rapport n'est pas satisfaisant, il lui faut, dit-il, rechercher lieux, modes et compagnons de vie plus adaptés au maintien de son dynamisme vital.

    Ce rapport n'est pas à entendre uniquement en un sens matériel. Genre enracinement dans une terre, un pays. Telle occupation et pas une autre etc.

    Et surtout il s'agit juste pour chacun de trouver comment optimiser ce rapport, non de s'accrocher à tel ou tel constituant.

    Ne me faites pas dire ce que j'ai pas dit (ni d'ailleurs Spinoza), ce n'est pas forcément évident, il faut parfois longtemps pour trouver son rapport optimal. Et arriver à le mettre en œuvre.

    Un petit poisson, un petit oiseau s'aimaient d'amour tendre

    mais comment s'y prendre … (chantait Juliette Gréco).

    Ceci étant dit, lector, tu es je l'espère doué d'un esprit vraiment scientifique. Tu ne manqueras donc pas d'objecter qu'en fait rara avis in terris n'est pas tout à fait juste.

    Des oiseaux sur terre c'est pas si rare, y en a même qui enterrent leurs nids. Et que de pigeons font les cent pattes dans les jardins publics en quête de miettes, hein. Sans compter les oiseaux qui décollent jamais, genre émeus ou autruches ...

    Oui bien sûr de ce point de vue un oiseau sur terre n'est pas rare.

    Mais est-il (est-elle) encore oiseau celui qui ne déploie pas ses ailes ?

     

     

     

     

  • "Ses ailes de géant ..."

    « Aquila non capit muscas »

     

    L'aigle n'attrape pas les mouches. Un proverbe qu'on peut comprendre de deux façons.

    1) L'aigle n'attrape pas les mouches parce que ce ne serait pas adapté à son standing de grand rapace, surtout s'il s'agit d'un aigle royal. Il ne va quand même pas s'abaisser jusque là, y a pas écrit colibri.

    Les mouches, les vers de terre tout ça, il laisse aux poules et canards, à la basse cour. Lui il est de la haute. Et il peut tout toiser de son œil d'aigle depuis son nid d'aigle, là-haut sur la montagne.

    2) L'aigle n'attrape pas les mouches parce que ça lui est impossible, il n'est tout simplement pas équipé pour. Comment coincer une mouche, même une grosse verte (beurk), entre ses serres d'aigle ?

    Un agneau, un mulot, une marmotte, voilà ça c'est dans ses cordes, mais les mouches comment dire ça passerait entre les trous de la passoire.

    (Ce qui prouve au passage la stupidité du proverbe qui peut le plus peut le moins) (ou alors faut redéfinir plus et moins autrement que quantitativement) (ce qui serait absurde, une contradictio in terminis) (non?)

     

    La première option me ramène à Zarathoustra (encore ?) (ben oui) (je devrais peut être contacter les zarathoustristes anonymes).

    Ce n'est pas ta destinée d'être un chasse-mouches.

    Ni chasse-mouches ni gobe-mouches. Cultiver la placidité de la vache, le mépris hautain du chameau. Négliger de garder un chien de sa chienne à qui vous fait un tour de cochon.

    (Quoique. À la limite araignée je dis pas) (voir les mouches s'empêtrer toutes seules dans la toile) (eh eh).

     

    La deuxième option est juste un constat réaliste, une observation objective.

    Chacun choisira selon son tempérament.

    Le mien me porte à voir si on ne pourrait pas dénicher un truc pour articuler les deux. Qui peut le plus peut le moins est une proposition absurde, disais-je.

    Ce que dit Zarathoustra, lui, avec cette histoire de chasse-mouches, c'est qu'il faut être médiocre soi-même (ou simplement moyen, dans la norme) pour savoir se défendre des médiocres/moyens. Or être ainsi n'est pas si facile, y en a qui sont pas équipés pour.

    Qui sait si l'on ne devient pas aigle faute d'être mouche ?

     

     

     

  • Perles perdues

     

    « Margaritas ante porcos »

    = (ne pas jeter) des perles aux porcs

     

    La nuit tombe, et Lucette est seule dans l'omnibus.

    Seule, triste, lasse. Ses pensées sont moroses, grises comme les banlieues qu'elle traverse.

    Il lui disait, son Ulysse, qu'elle était sa sirène, sa Circé, sa Calypso. Elle l'a cru. Elle savait pourtant qu'elle aurait dû se méfier, qu'il ne fallait pas le croire sur parole.

    C'était qu'un charmeur, un enjôleur, un malin. Lui quoque, sicut les autres.

    Mais ouvre donc oculos tuos, disaient ses amies, tu vois bien qu'il te mène en bateau. T'as pas eu assez de déboires ? Sois lucide, Lucette, tu es en train d'aller de Charybde en Scylla. Tu crois vraiment qu'il t'aime ?

    Mais elle persistait. Oui credo, répondait-elle, contre vents et marées je le crois.

    C'est trop beau pour être vrai, c'est absurde, mais je crois que c'est pour ça que je le crois. Credo quia absurdum.

    Et elle lui a tout donné, Lucette, à son Ulysse. Tout le trésor de son cœur, ses pierres précieuses, ses diamants, ses perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas.

    Enfin un jour elle s'est rendue à l'évidence. Il n'avait fait que profiter de sa naïveté, sa soif d'amour. Alors maintenant elle a envie de balancer, Lucette : cet homme n'était pas un héros, mais un salaud, un porc.

    Toutes ses perles perdues pour ce porc.

    Sa sirène, tu parles …

    La vérité, c'est que son histoire d'amour desinit in piscem, s'est bêtement terminée en queue de poisson.

    Alors à présent les diamants brillent dans ses yeux, à Lucette, les perles pleuvent de ses paupières.

    Et pourtant elle avait droit au bonheur, elle aussi.

    Car le soleil brille pour tout le monde. Sol lucet omnibus. 

     

    Mais là c'est la nuit, et Lucette est seule dans l'omnibus.