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Le blog d'Ariane Beth - Page 381

  • Pas gênée

    Dans les files d'attentes il y a beaucoup de vieux.

    C'est au demeurant facile à comprendre, c'est statistique. Le vieux pratique peu les courses dématérialisées et autres démarches administratives sur la toile, et par conséquent squatte en nombre les files sonnantes et trébuchantes.

    Je veux dire les files réelles, assommantes et oui, trébuchantes c'est pas exclu non plus. Le croc en jambe, ça existe.

    Si vous ne vous êtes jamais trouvé, dans une file d'attente, à proximité immédiate de certains vieux, spécialistes en rabatjoïsme (et ils ne sont pas rares dans les locataires du haut de la pyramide schématisant la population, je dois l'avouer bien que je sois leur voisine de palier sur ladite pyramide), alors vous n'avez pas encore eu une anticipation sérieuse de l'enfer.

    En outre voilà des spécimens d'une irrationalité totale. Il ont beau avoir un pied dans la tombe, n'importe où qu'ils soient ils veulent avancer plus vite que la musique et doubler tout le monde. Étonnant non ?

    Autre étonnement. Ces pékins n'ont rien à faire de leurs journées, et en plus ils font tous les jours ce même rien dans le même ordre. Eh bien cela ne les empêche pas de décider d'aller faire leurs courses style le samedi après-midi à 16h. 

    J'émets l'hypothèse que c'est pour faire comme les jeunes et/ou ceux qui bossent, donc inconsciemment nier leur propre décrépitude et inutilité sociale. Plus consciemment, c'est pour râler contre les jeunes, râler et plus si affinités.

    Ce qui s'appelle joindre l'utile au plaisant.

    Exemple l'autre jour à la caisse du supermarché. L'expectant devant moi, un tout jeune homme probablement natif du début de ce siècle, soulevait son panier pour le poser sur le tapis roulant, lorsque se pointa sans crier ... enfin d'un coup, une femme, probablement issue, elle, de la même décennie du siècle dernier que moi.

    Et hop l'air de rien, yeux dans le flou artistique, technique du pied dans la porte, ses 30 yaourts 0%, son PQ et ses 3 bananes coiffent au poteau (enfin au tapis) les pizzas et les sodas du jeune.

    Il reste cool. Se contente de dire mezza voce : « Pas trop polie, la dame ». Non sans m'adresser un sourire, à moi. Nonobstant mes cheveux blancs et autres signes extérieurs de non-jeunesse.

    J'y vis la preuve qu'il ne m'inscrivait pas dans la case vieux cons chieurs. Ce qui me réconforta je l'avoue. Et m'autorise à fonder quelque espoir sur la valeur de cette tranche de la population, la tranche non rassise.

     

     

     

     

  • La nef des fous

    « Le bateau roule et tangue, terriblement, mais ça va passer, j'ai l'habitude. Bateau est un bien grand mot. Disons la barcasse. Qu'elle passe ou qu'elle casse, remarquez … Pour être honnête je vais vous dire, je m'en moque bien.

    Du moment que j'y suis pas avec eux, et que j'ai empoché mon blé, moi vous savez ... Y a pas écrit ONU, après tout. Pour ce qu'elle se remue, l'ONU. D'une certaine manière les gens comme moi, à voir les choses comme elles sont, je dirais qu'on la remplace.

    Ça vous choque ? Et vous, vous avez un truc à proposer ? Vous insistez auprès de vos gouvernements pour mettre en place des passages plus sûrs ? …

    Alors voilà, c'est comme ça, chacun son job. Ces gens veulent partir : grâce à moi, ils partent.

    Je leur ai même donné (vendu, oui, d'accord ... Vous donnez, vous ?) des adresses, des points de chute à l'arrivée. S'ils arrivent. Les autres de mon réseau les attendent là-bas, de l'autre côté. Ils les embaucheront.

    Il ne convient pas d'être trop exigeant sur les conditions, le salaire. Mais ça tombe bien, ce ne sont pas des gens exigeants. Déjà bien beau qu'ils sauvent leur peau. S'ils la sauvent.

    Sur le bateau ils sont une petite centaine. Des hommes surtout. Mais quelques uns se sont embarqués avec compagnes et progénitures. Ils sont serrés les uns contre les autres.

    Un seul corps un peu mou, bras, têtes, émergeant de torses empaquetés de vêtements trop légers. Chacun de ces groupes est comme un pantin bizarre, mal dégrossi, qui ballotte au rythme des vagues.

    De temps en temps un à-coup de la houle balance le pantin contre un autre, une grappe humaine contre une autre. On dirait que la mer (ou un géant malicieux et sadique ?) joue avec des poupées, s'amusant à provoquer des carambolages. C'est comique.

    Ça peut tourner tourner mal aussi. Il arrive que tout ça dégénère en bagarre. C'est pas parce qu'ils risquent leur peau ensemble qu'ils sont nécessairement solidaires, vous savez.

    En réalité ils sont avant tout en concurrence. Comme tout le monde. Et il n'y a pas de raison qu'ils se comportent autrement que tout le monde. Que vous que moi. C'est le système qui veut ça. Et si j'y trouve mon compte, tant mieux pour moi. Ils ont ce qu'ils veulent, et moi aussi.

    Tout ça vous scandalise ? Mais vous, vous voulez quoi, vous êtes prêts à quoi pour eux, c'est quoi vos idées, vos actes, pour que ça marche bien, pour que tout le monde s'y retrouve ?

    Remarquez moi ce que j'en dis, tant que vous regardez ailleurs, inutile de vous dire que ça m'arrange. Autruches et vautours, on se complète pas si mal, non ? »

     

    nous disait le passeur.

     

  • Pas eux

    Nicolas ? Un vrai cador. Il savait tout. Bon, là il y allait pour un concours qui portait sur son point fort, faut voir. Concours pour aspirants politicards ou marchands garantis haut vol.

    Du coup aucun souci. Tout lui collait, il affrontait tout sans complication, tout lui paraissait opportun.

    Il avançait sans travail (aurait-on dit) sans circonlocutions surtout.

    La composition du matin fut l'occasion d'un magistral rapport. Il consolida sa vision. Par discrimination, cas par cas. Topos adjoints, jargon ad hoc. Subsumant tout ça au poil pour finir. Un boss, clair. La composition, gros bout, gras du concours : voilà, un truc acquis pour lui. Fait, parfait.

    Quant à l'oral, il assurait aussi. Tout s'archivait, s'inscrivait sans à-coups dans son cabochon. Façon ordi. S'insinuait par imbibition on aurait dit. Puis il avait plus qu'à sortir tout ça au (ou à la) prof : un audit sans bug, à tous coups.

    Alors pourquoi ça coinça ? À mon avis la prof magouilla. Pour qui ? Va savoir. Ça jalousait autour, sûr. Lobbying anti-lui, quoi.

    Clair la prof aussi avait son plan ambition, pourquoi non ? Tout itou qu'un macho.

    Un truc sûr : la nana a fait son max pour son ostracisation du concours, à Nicolas, sa capitulation, son abdication, sa fin quoi.

    Mais narrons. Donc, il avançait au poil dans son topo, pas un mot manquant, tout ça dans l'organisation optimum. Un vrai cador. Qu'il croyait.

    Car tout à coup, un blanc. Ça sortait plus, ça sortait pas : la disparition.

    Là, il fait quoi ? Installation dans un trip craignos. Du coup, un truc qu'il fallait surtout pas, d'instinct il bafouilla : « euh … »

    Voilà, il jouait, puis au final : mat, sans avoir dit ouf.

    Alors la nana a fait quoi ? Pas ouragan, pas Attila pourvu d'un jupon (disons ça pour stimuli imaginatifs). Non, ça la jouait soft, susurrant : « Candidat, voyons, ton ambition ? Plus la foi ? Tu sais plus quoi ni qui ? Tu dis pourquoi moi ? Pourquoi pas moi ? Mauvais battu, va  ! Ou plutôt mauvais gagnant 

    Là, top auto-satisfaction, la souris. Pour son bon mot, souris mutin. Bon d'accord : humour-croco, humour-loup. Mais ça plaît aux boss, aux aspirants boss, aux alligators du marigot.

    Sauf à Nicolas. Lui ça lui a pas plu, tout alligator qu'il soit. Aucun fair-play : tout lui, quoi.

    Pour conclusion quant à nous sachons : si tu choisis l'ambition, sois cador dans un truc, la loi du plus sournois.

    La loi du zoo.