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Le blog d'Ariane Beth - Page 382

  • Faux départ

     

    Entraînés, on est entraînés, oui ou non ?  Motivés, on est motivés, oui ou non ?

    C'est la course-test pour notre équipe. Cette course-là, faut pas la rater, et on va pas la rater, je vous promets.

    Et puis je vous sens gonflés à bloc, les mecs ! Je me trompe ?

    Quoi ? Vas-y, parle plus fort, vieux … Quoi porter la poisse, mais non pourquoi tu nous porterais la poisse ? Mauvais pressentiment ? Pas ta place avec l'équipe ?? Mais ça va pas, vieux !

    Tu veux mon avis : tu nous fais juste un mauvais trip, une crise top angoisse, un spleen high level, appelle ça comme ça te chante. J'ai pas raison, les autres ?

    On est là, nous, vieux, avec toi, on est tous ensemble ! On fait équipe oui ou non ? Une course en relais c'est ça : on tient le coup, on lâche rien (et surtout pas le témoin) tous pour un un pour tous, on retient rien, on y va à bloc chacun pour son parcours.

    Et personne se pose la question « comment je ferai, si je m'épuise au relais, pour gagner ensuite mes courses en solo, mon 100 m tout ça ». On n'est pas comme ça les gars, oui ou non ? On est collectif nous.

    Allez c'est pas tout ça on s'y met, échauffement et que ça saute, hop hop.

                                                                                                                                                       ***

    Alors là je sais plus quoi penser, les gars, qu'est-ce que vous voulez que je vous ...

    J'y pige rien à rien. On était prêts à 150% oui ou non ? Si je checkliste : forme parfaite, stratégie au point, pas un raté à aucun entraînement.

    Et juste là, y en pas un qui a fait un passage correct, j'ai raison oui ou non ?

    Mimi il nous lâche le témoin un temps avant que Jojo se place, résultat le truc par terre, Jojo obligé à le ramasser, après Cricri qui s'emmêle les pattes et qui frôle Nono sur son couloir : résultat chutes en série et le témoin qui vole sur vingt mètres … mais vous avez vu ça où, les gars ?

    La honte oui ou non ? À croire qu'on a eu le mauvais œil, non sérieux j'y pige rien à rien.

    Quoi ? Vas-y parle plus fort ! Quoi justement mauvais œil, quoi si on t'avait écouté, quoi tu nous avais prévenus ... Oh écoute tu sais quoi, tu commences à nous courir !

    C'est vrai tu fais chier, à la fin, Dédé …

     

     

     

     

     

  • Passe et manque

     

    « Faites vos jeux. Rien ne va plus. »

     

    Le jeu me passionne, à la folie.

    Une partie jamais terminée, engagée depuis longtemps, depuis toujours. Partenaire : le hasard. Seul partenaire, en réalité. Disons seul partenaire digne du nom.

    Les partenaires humains, quand nous jouons au bridge, au tarot ou à n'importe quoi d'autre, ne sont là, je dois me l'avouer, que pour faire de la figuration. Je sais qu'il en est de même pour eux. On ne se l'est pas dit, pas la peine, on sait qu'on est tous pareils, tous les joueurs.

    On se dit qu'on n'aura vraiment gagné la partie que le jour où le hasard en personne avouera sa défaite.

    Faut être fou pour penser une telle issue possible ? Je le suis.

    Le jeu me passionne, à la folie.

    Mais je ne joue pas d'argent. Je ne suis pas assez fortuné. Mais là n'est pas la raison déterminante. Dans jeu d'argent, il y a surtout argent. Et moi je préfère le jeu.

    Stupide je sais, l'un est utile et l'autre pas. Mais on ne se refait pas. Gagner de l'argent, ou prétendre le faire, autrement dit se vendre, a toujours été pour moi synonyme de vulgarité. (Stupide, névrotique, maso, oui je sais : figurez-vous que je me le sers moi-même avec assez de verve).

    Gagner de l'argent par le jeu est déjà passible d'une telle vulgarité. Mais en outre il s'agit d'une absurdité : la vérité du jeu est la gratuité. Évident, non ? Qui ne joue pas pour rien, il ne joue pas vraiment.

    Voilà une maxime d'allure joliment philosophique, quasiment montaignienne. Montaigne aussi (toutes données égales par ailleurs) était un joueur. Logique : en réalité, sur un plan philosophique, il est évident que la raison est du parti du jeu et pas d'un autre.

    Le vrai divertissement est une manière fort raisonnable d'en user dans la vie. Le vrai divertissement, jouer pour rien : rien à perdre, rien à gagner. Ni plus, ni moins : la gratuité. Et quel gain est plus désirable que la gratuité ? Évident, non ?

     

    « Faites vos jeux. Rien ne va plus. »

    J'ai joué le zéro, je ne joue que le zéro. Jamais rien d'autre. Défier le hasard est affaire d'immobilité, d'attente prudente. Le hasard est un fauve qui se guette à l'affût.

    Je sais qu'un jour il viendra dans mon domaine. Un jour on se trouvera. Et on jouera le grand jeu.

    Un jour.

     

  • Tombé

     

    Ce n'est pas mourir qui est difficile, c'est vivre.

     

    La lutte est celle-ci, la vraie guerre. Vivre, non pas seulement survivre.

    Voir le jour qui se lève et s'émerveiller que la lumière encore soit lumière.

    Et puis dans la tranchée, tenir, en homme digne de ce nom. Endiguer le dégoût du sang qui se mêle à la fange. Tenir, droit, dans la lassitude du corps, dans l'amertume du sort insensé qui t'est fait. Ne pas penser à l'injustice, aux planqués de l'arrière, aux chefs qui usent de toi, de vous tous, comme de pions pour leurs jeux de stratégie.

    Ne pas penser à ceux qui disent que la guerre est jolie. À ceux que la mort, si par hasard elle venait à eux aujourd'hui, trouverait dans un lit aux draps propres.

    Tenir dans la peur. La sale angoisse qui te happe, qui te déglutit plus sûrement que l'argile grise. L'angoisse qui suce tes dernières forces, en monstre sadique.

    Tenir pour le petit nouveau qui vient d'arriver, presque un enfant encore, dont tu essaies d'être le père ici, l'ange gardien dans cet enfer. Il te faut aller chercher encore en toi un peu de force pour faire rempart à la mort qui le guette, il est une proie si facile.

    Tenir avec les autres, tous les copains, ceux que tu aimes, et ceux que tu n'aimes pas, les gentils et les salauds, les malins et les cons.

    Tenir avec les autres parce qu'ils sont là avec toi. Vous êtes un seul corps. Un corps d'armée.

    Et vous attendez. L'assaut ne va pas tarder.

    Vous attendez, transis et résignés. Au signal il faudra escalader, s'extraire de ce trou de terre, surgir et affronter le feu.

    Ceux d'en face aussi ils attendent. Dans la même peur la même lassitude la même amertume. Le même espoir d'échapper, une fois encore. Jusqu'à la prochaine.

    En face il y a des armes qui vont cracher la mort, en espérant que cette mort ne soit pas la tienne. Et sinon …

    Sinon, quand la guerre sera finie, tu auras ton nom quelque part sur une jolie place, un nom que dira la voix d'un enfant lors d'émouvantes cérémonies du souvenir.

     

    À cet enfant, à tous les enfants, toi aussi tu as quelque chose à dire, quelque chose dont tu voudrais qu'ils se souviennent enfin, les hommes. Tous les hommes.

    Ce n'est pas mourir qui est difficile, c'est vivre.