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Le blog d'Ariane Beth - Page 405

  • Bible

     

    Tel Obélix dans la potion magique, Spinoza est tombé dans la Bible quand il était petit. Non seulement par une éventuelle pratique religieuse, mais très vite par l'étude.

    Il s'y forma à Amsterdam avec un rabbin fort instruit, déchiffrant le texte hébreu du livre, s'initiant à la pensée talmudique.

    Un travail à même de développer l'esprit de logique, d'étonnement, de questionnement.

    Si bien que d'Obélix il différa assez vite sur le plan intellectuel.

    « Spinosa fit voir dès son enfance, & encore mieux ensuite dans sa jeunesse, que la Nature ne lui avait pas été ingrate. On reconnut aisément qu'il avait l'imagination vive, & l'esprit extrêmement prompt & pénétrant. »

    (Vie de Spinoza par Colerus)

    Colerus s'étend d'abord sur son apprentissage du latin chez François Vanden Ende, médecin à Amsterdam. Or figurez-vous que ce Vanden Ende était un sacré loustic.

    Il montrait à ses Disciples autre chose que le Latin. On n'ose comprendre ... On découvrit qu'il répandait dans l'esprit de ces jeunes gens les premières semences de l'Athéisme (ah ouf).

    Mais donc voilà le potum aux rosas.

    Le latin fut cause fatale de la dérive de Baruch vers l'athéisme de Benedictus. Alors qu'il aurait pu, benoîtement, adhérer à l'église luthérienne comme les gens bien genre le pasteur Colerus.

    Colerus nous apprend aussi que Baruch, amoureux de la fille Vanden Ende, se fit doubler par un plus malin et plus riche surtout (et aussi moins Juif ?), qui offrit à la donzelle un colier de perles de la valeur de deux ou trois cents pistoles.

    (Ah les femmes, toutes stupides et vénales).

    N'empêche à quoi ça tient. Si Spinoza avait marié Melle V E, tout occupé à lui faire des enfants qu'il aurait ensuite fallu nourrir, il n'aurait pas eu le temps pour ces pensées oiseuses qui nous occupent à présent.

    (Au détriment hélas de choses utiles à l'humanité comme le commerce ou la banque).

    Bref faute d'amoureuse, Spinoza se proposa l'étude de la théologie, puis trouva que tout ça était trop fait d'imaginaire, pas assez dans la vraie vie.

    Alors il abandonna la Théologie pour s'attacher entièrement à la Physique. Et se mit à une lecture aussi assidue que critique de Descartes.

    « Il fut dès lors fort réservé avec les Docteurs Juifs. » note Colerus avec un plaisir non dissimulé.

    Mais voilà : Spinoza avait assez appris (avec eux, et aussi en les observant) pour que la substantifique moelle de sa fréquentation biblique donne le Tractatus theologico-politicus (1670).

    Le bouquin figurez-vous n'a pas plu du tout à Colerus, qui balance : « C'était un ouvrage pernicieux. » Carrément. Pourquoi tant de haine ?

    Nous le verrons la prochaine fois.

     

     

  • Baruch

     

    Pourquoi Papa et Maman Spinoza ont-ils prénommé leur fiston ainsi ? On me dira que cette question n'est pas importante.

    Pourtant chercher le prénom de l'enfant à venir est dire quelque chose d'un désir (ou d'un fantasme, ou d'une injonction, ou tout cela ensemble) quant à sa place dans le monde.

    Anachronisme me rétorquera-t-on : à l'époque les prénoms se transmettaient de génération en génération selon des canons de piété familiale (comme cela se fait encore couramment ailleurs et parfois ici).

    Baruch il fut nommé probablement parce que c'était le nom genre d'un grand père, d'un tonton, d'un frère mort en bas âge.

    OK mais remarquons que chacun de ces exemples implique un climat de venue au monde bien différent. On ne peut donc éluder la question des motivations du choix même à l'intérieur d'un cadre contraint.

    Exemple Vincent ou Théo ça changera des choses qui sait.

     

    La biographie de Colerus commence bien sur cette question du prénom, mais non pour expliquer le choix des parents (qu'il ignorait comme vous et moi, et peut être eux-mêmes).

    « Spinosa ce Philosophe, dont le nom fait tant de bruit dans le monde, était Juif d'origine. Ses parents, peu de temps après sa naissance, le nommèrent Baruch. Mais ayant dans la suite abandonné le Judaïsme, il changea lui-même son nom, & se donna celui de Benoît dans ses écrits & lettres qu'il signa. »

    Il changea lui-même son nom. Son prénom plutôt, sa marque individuelle, sans s'extraire du cadre de sa lignée. D'ailleurs son patronyme avait tout pour lui convenir (en latin spinosus = épineux d'où pointu d'où au figuré subtil).

    À l'inverse de changements plus étudiés (Labrunie devint de Nerval en misant sur la particule, de Crayencour étant plutôt femme de tête se fit Yourcenar, Smet Hallyday yeah yeah, & autres illustres auteurs), de Baruch à Benoît ce n'est qu'une traduction. (En fait Benedictus, Colerus traduit à son tour pour des lecteurs français).

    Est-ce pour souligner l'abandon du judaïsme (en réalité c'est sa communauté locale qui l'a rejeté) ? Ou plutôt pour signifier relativité, contingence de toute appartenance autre que la seule adhésion qui valait pour lui : à la République des idées.

    Elle était ce lieu symbolique où savants et penseurs de toute l'Europe dialoguaient. Et dialoguaient en latin, langue internationale. Donc langue choisie par Spinoza pour écrire ses livres et les signer Benedictus.

     

    En outre cela me fait penser à un certain Szygmunt se renommant Sigmund (qu'on peut entendre sieg-mund = bouche de/pour victoire). Traduction du prénom, interprétation de soi.

    En tous cas Baruch n'était certes pas béni oui oui, c'était un vrai rebelle. Mais à sa façon.

    Une façon de rébellion dont le plus déterminant est peut être, paradoxalement, d'assumer de porter quelque chose comme une bénédiction universelle.

    « Par réalité et perfection j'entends la même chose ». Signé Baruch.

     

     

  • Asticot (drôle de)

    « Lorsqu'il voulait se relâcher l'esprit un peu plus longtemps, il cherchait des araignées qu'il faisait battre ensemble, ou des mouches qu'il jetait dans la toile d'araignée, et regardait ensuite cette bataille avec tant de plaisir, qu'il en éclatait quelquefois de rire. » (Vie de Spinoza par Jean Colerus)

    Qu'est-ce qu'il vient nous embrouiller avec cette histoire, Monsieur Colerus ? Il pouvait pas nous laisser avec la belle image d'Épinal sur faïence de Delft ? Pourquoi ce coup de patte à la réputation flatteuse du bonhomme ?

    Jusqu'ici c'était quasiment les Fioretti, style François d'Assise murmurant à l'oreille des loups, dansant avec les ours, chantant avec les piafs.

    Mais à voir Spinoza s'employer à asticoter une araignée pour suicider les mouches, Dieu me rédime là on est carrément dans Seven.

    Comment interpréter

    1) le fait en soi

    2) que le pasteur Colerus ait jugé bon de cafarder à la postérité sur ce sujet somme toute de peu d'importance (deux trois faucheux, une épeire au pire, vu qu'on peut supposer que les mygales couraient pas les rues en Hollande durant le petit âge glaciaire).

    1 a Spinoza était arachnophobe. N'importe quoi. Dans ce cas il ne serait pas allé les chercher. Car par Saint Sigmund qui dit phobie dit évitement (par exemple au hasard d'un chien).

    (N.B. Je ne suis pas plus arachnophobe que Spinoza. Lui pour les chiens je sais pas, Colerus est muet sur ce point).

    1 b Spinoza négligeait les affects arachnéens, les flottements d'âme muscatiens (mouchiens, mouchistes ?) Souscrivait-il pour autant sans réserve à la conception cartésienne des animaux-machine ?

    Ne nous emberlificotons pas dans un tel débat. Nous risquerions de ne pas nous en dépêtrer de sitôt. Bornons-nous à remarquer qu'il se comportait avec nos sœurs mouches et araignées comme d'autres avec de vulgaires êtres humains.

    2 a Colerus avait été approché par le LAS (lobby anti spinoziste) pour casser la réputation de notre philosophe chéri, et faire baisser le cours de ses écrits à la bourse d'Amsterdam.

    (Ah bon les œuvres philosophiques n'étaient pas cotées en bourse en ces temps obscurs ? Heureusement que maintenant … Ah bon, non plus ? Mais oui c'est vrai où ai-je la tête, ce ne sont pas des valeurs. Au temps pour moi.)

    2 b Colerus voulait avec ce petit fait montrer comment Spinoza affinait, lors d'expériences joignant l'utile scientifique à l'agréable divertissant, sa conception du conatus perseverare in suo esse.

    Conatus ? Conatus ? Drôle de nom pour une araignée.