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Blog - Page 294

  • Psaume 117 Difficile autant que rare

    1 Louez YHWH, toutes les nations, célébrez-le, tous les peuples !

    2 Car son amour l'emporte sur nous, et la vérité de YHWH est éternelle. Louez Yah !

     

    Son amour l'emporte sur nous : curieuse formule, non ?

    Elle me fait penser à la phrase de Spinoza (à la monomanie comme à la monomanie) :

    « Qui s'emploie à triompher de la haine par l'amour combat tout joyeux et sans inquiétude tient tête avec autant de facilité à plusieurs hommes qu'à un seul, et n'a pas le moins du monde besoin du secours de la fortune. Et ceux qu'il vainc perdent joyeux, non pas certes d'avoir perdu leurs forces, mais d'en avoir gagné. »

    (Ethique partie 4 scolie prop 46)

    Sacré bonhomme, hein? Quand on lit Spinoza on ne peut s'empêcher de paraphraser le « mot »* de je retiens jamais qui : l'humanité est une bonne idée qu'on n'a jamais vraiment essayée.

    (*le christianisme est une bonne religion qu'on n'a jamais vraiment essayée).

     

    Bref comment comprendre la formule, sachant en outre que le mot employé (hased), qu'on traduit par amour ou grâce, rend compte de l'inconditionnalité de l'amour. S'il y a un parce que, ce ne peut être que du style parce que c'était lui, parce que c'était moi.

    Lutter par l'amour est briser une frontière, et pas n'importe laquelle.

    C'est briser ce qu'on peut appeler la mère des frontières, celle qui s'établit entre un nous et un eux.

    Et souvent d'autant plus rigide et barbelée que nous et eux sont proches et semblables (narcissisme des petites différences, le plus ravageur, dit Freud).

    La vérité de « YHWH » ? L'universalité. Attention pas celle d'un impérialisme, d'un totalitarisme.

    Toutes les nations, tous les peuples. Ensemble et chacun soi. Une unité qui ne soit pas confusion.

    Ah oui, c'est pas simple et c'est un gros boulot (sur soi et sur les autres). Mais tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare (dernière phrase de l'Éthique).

    Hors de ce « nous tous » à préférer au « nous contre eux », pas de louange sincère à un dieu quel qu'il soit (ou ne soit pas), et surtout, plus important, pas d'amour sincère de l'humanité, en soi et dans les autres.

     

    Conclusion tu sais quoi lecteur : c'était une sacrée bonne idée les psaumes courts pour finir (bravo Ariane). Ils nous ont menés droit à l'essentiel, à la substantifique moelle du livre.

  • Psaume 134 Dans la maison monde

    1 Chant des degrés. Voici, bénissez YHWH, vous tous, serviteurs de YHWH, qui vous tenez dans la maison de YHWH pendant les nuits !

    2 Élevez vos mains vers la sainteté, et bénissez YHWH !

    3 Que YHWH te bénisse de Sion, lui qui fait le ciel et la terre !

     

    Si l'on se représente les gestes dans ce psaume, on est gratifié d'un moment vraiment esthétique.

    Les serviteurs de YHWH lèvent les mains vers lui. Lui, en sens inverse, tend les siennes vers eux pour les bénir.

    Voilà qui évoque l'inoubliable image de Michel-Ange à la chapelle Sixtine pour représenter la création d'Adam.

    Comme on l'a lu dans les autres psaumes, la relation de l'être humain à YHWH se joue dans la distance qui les unit/sépare, plus ou moins grande selon les circonstances et leurs positionnements respectifs.

    La distance où a lieu l'attente, où naît le désir.

     

    Un lieu occupé ici par les serviteurs de YHWH. Qui sont-ils ? (elles?) (non je rigole).

    Dans l'optique boutique religieuse on peut penser à des prêtres, des fonctionnaires du culte. Surtout pour ce psaume des montées, dans le cadre d'une célébration.

    Mettons, mais quelle est alors leur fonction précise ?

    Qui vous tenez dans la maison de YHWH pendant les nuits. Ces gens sont des veilleurs.

    Une fonction déjà rencontrée deux fois dans notre parcours (ps 121, ps 127), avec cette différence (de taille) que le veilleur y était YHWH.

    Se tenir la nuit dans la maison de YHWH ne serait donc pas tant (ou pas du tout) veiller pour YHWH, au sens d'accomplir une obligation rituelle, fût-elle de louange (louange obligatoire : oxymore, non ?).

    Il s'agirait plutôt de veiller en YHWH. Autrement dit tenir bon dans l'espace à être-soi qu'ouvre la prononciation du Nom (cf Au pluriel). Cela non seulement quand il fait jour, qu'on y voit clair, mais aussi dans les nuits.

     

    Quant à bénir YHWH, est-ce en dire du bien ? Ou est-ce bien le dire, bien prononcer le nom, pas à faux ? Et ainsi bien se prononcer dans le nom ?

    Que YHWH te bénisse de Sion, lui qui fait le ciel et la terre ! Encore un verset-dynamite, à ne manipuler qu'avec précaution.

    Si YHWH bénit depuis Sion, est-ce parce que ce serait son chez-lui-rien-qu'à-lui, un YHWH enrôlé dans un nationalisme excluant ? Pour le bonheur et la paix de tous, excluons cette interprétation.

    YHWH bénit depuis Sion tout simplement parce que c'est là que l'auteur des psaumes écrit le mot bénir.

    Que lui, ou un(e) autre, l'écrive d'ailleurs, de n'importe où dans le ciel et la terre, et la bénédiction y sera tout pareil.

    Encore faut-il que l'on choisisse de l'écrire.

     

     

  • Psaume 133 Comme la bonne huile

    1 Chant des degrés à David. Voici ! Quel bien et quelle douceur, quand les frères demeurent unis.

    2 C'est comme la bonne huile sur la tête, qui coule sur la barbe d'Aaron, qui coule tout au long de sa tunique.

    3 C'est comme la rosée du Hermon qui descend sur les montagnes de Sion ; car là, YHWH appelle la bénédiction, la vie pour l'éternité.

     

    On l'a remarqué avec le ps 131, la brièveté a pour corollaire l'absence de démonstration, d'argumentation, de justification. Le texte choisit le mode du simple constat. Un choix lisible ici dans le mot initial.

    Voici = « allô vous m'écoutez ? Je voudrais dire juste un petit truc. »

    Mais avec la brièveté, le problème esthétique est d'échapper à la platitude, au schématique, à l'abstraction. Le ps 131 le résolvait par une image simple mais au fond inattendue, et surtout apte à l'accroche affective.

    C'est encore ici une image empreinte d'affectivité, une photo de famille.

    « Aaron, mets-toi en retrait derrière Moïse. Pardon ? Ah tu as l'habitude ... On y est ? Voici ! Quel bien et quelle douceur, quand les frères demeurent unis. »

    Une photo, et même un cliché. (Oui les filles moi aussi : les frères sont là, et tes sœurs ? Pour le ps 131 on s'est demandé si l'auteur n'était pas femme, ici y a pas grand doute).

    (Quoique : aussi bien c'est une mère qui exhorte ses fils ? Quand les frères demeurent unis, ça sent un peu son : OK Esaü, tu en veux à ton frère, mais on va pas en faire un fromage, mange tes lentilles) (Gen 27).

    À propos de cuisine et de droit d'aînesse, l'huile qui coule au v.2 évoque bien sûr l'onction messianique (en hébreu messiah = l'oint, celui sur qui a coulé l'huile de la bénédiction).

    L'unité dans la fratrie appelle ainsi une unité plus large, celle qui doit cimenter la communauté, le peuple dans son ensemble.

    Le v.3 enfin inscrit ce peuple dans un lieu, avec la mention du mont Hermon et des collines de Sion.

    Et là une fois de plus l'interprétation est un sport à risque.

    On peut y lire la justification d'un nationalisme étriqué et facteur d'exclusion. C'est ce que font hélas certains aujourd'hui, fétichistes de la terre, fondamentalistes meurtriers de la puissance de vie que porte la parole.

    (Des fétichistes de la terre, de la nation, il y en a qui sévissent aussi en bien d'autres pays qu'Israël, faut-il le préciser).

     

    Ce psaume dans sa brièveté révèle donc tout l'enjeu de la promesse biblique. De là, il incite à poser la question cruciale pour la survie de l'humanité.

    La fraternité, est-ce un truc qui s'arrête aux frontières du clan, de l'ethnie, de la nation, de la secte religieuse ?

    Ou bien est-elle ce qui relie toute l'espèce humaine, vivant en partage sur la même planète d'accueil, sa seule et unique terre d'asile ?