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Blog - Page 295

  • Small il beautiful

    Il n'y a pas de problèmes pratiques, il n'y a que des solutions esthétiques.

    Cette phrase de Constantin Stanislavski est d'une grande pertinence dans beaucoup de situations, pas seulement au théâtre.

    En l'occurrence, un parcours des psaumes pose (au moins) deux problèmes pratiques.

    1) Leur nombre dissuade d'en faire une lecture exhaustive (en tous cas me dissuade) (pour la raison pratique qu'il faudrait y consacrer des années, et la raison esthétique que je me lasse au bout d'un moment) (alors j'imagine le lecteur).

    2) Leur longueur est difficilement compatible avec le format blog.

    Car même en renonçant à faire un sort à tout, faut ce qui faut pour éviter le trop vague et trop survolant (grave problème esthétique).

    Une longueur parfois extrême. Exemple j'aurais aimé parler du beau ps 119, émouvant radotage d'un vieil amoureux de la parole biblique, qui se déroule (forcément) au fil de l'alphabet.

    Mais 176 versets ! On oublie.

     

    Bref, j'ai opté pour la solution esthétique qui consiste à prendre le problème à l'envers : j'ai cherché tout bêtement les psaumes les plus courts.

    Voilà qui permettra, lecteur, d'alléger (geste esthétique s'il en est) ta charge de lecture (oui alléluia je te le fais pas dire).

    De ces psaumes courts, nous en avons déjà rencontré un, le ps 131 (comme l'enfant sevré sur sa mère) qui compte seulement trois versets.

    J'en ai trouvé trois autres aussi courts : ps 133 et 134 (3 versets) et le winner incontesté (2 versets) le ps 117.

    Nous terminerons donc le parcours par ce tiercé.

    Pour le lecteur enrôlé dans ce marathon de lecture, voir enfin la ligne d'arrivée : encourageant, non ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Psaume 19 (3/3) Voltaire et Spinoza

    Le scénario imaginé la dernière fois se tient, je trouve, pour répondre à la question technique de la composition du texte. Mais il amène à une question de fond (qui n'était peut être pas celle de notre poète) (mais comme c'est la mienne, on y va).

    Que la présence d'El soit captée sans mots mettons, mais la loi de YHWH, elle, a besoin de mots pour se dire.

    Or je ne l'apprends à personne (j'espère), les mots (fût-ce ceux des textes dits inspirés) ne tombent pas du ciel. Inutile de se former à la sténo pour les noter au vol sous la dictée d'un dieu, ange ou quoi que ce soit qui se mettrait à vaticiner à nos oreilles élues.

    Les textes religieux sont écrits par des humains (masculins de surcroît, dans les monothéismes en tous cas) (ou alors va savoir un ou deux griffonnages féminins anonymes dans un tout petit bout de marge) (pour les autres religions je n'en sais pas grand chose).

    Bref toute enquête honnête et sérieuse de traçabilité les révèle human made de A à Z. Et c'est là que ça craint.

    Car on ne s'est pas gêné pour mettre dans la bouche des dieux des propos disons contestables du point de vue éthique.

    Or ils n'ont jamais protesté not in my name. Étonnant, non ?

    1) c'est normal ils n'existent pas répond l'athéisme

    2) ils se foutent de tout répond l'épicurisme (en pratique c'est la même chose)

    3) Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu a dit Voltaire.

    Magistrale formulation du religieux pervers, ventriloque qui fait parler un dieu-marionnette par lui fabriqué aux fins de violence et asservissement de son prochain.

     

    Le poète du ps 19 ne coche aucune de ces trois cases.

    Pour lui El existe et l'enseignement de YHWH donne à l'humanité part à cette existence.

    Sauf que ce n'est certes pas une question de pouvoir, mais de joie.

    YHWH et son enseignement ils les voit fidèles, droits, lumineux, vrais, justes. Plus désirables que l'or, que l'abondance d'or pur ; plus doux que le miel, que le rayon de miel pur (v.11)

    Le poète écrit tout simplement dans l'éthique spinoziste (oui je sais je suis monomaniaque). Une éthique du bien être, et non des interdits et obligations morales ou rituelles.*

    La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu-même ; et ce n'est parce que nous réprimons les désirs à faux que nous nous jouissons d'elle, mais parce que nous jouissons d'elle que nous réprimons les désirs à faux. (Ethique partie 4 prop 42 et finale)

     

    *Soyons précis, il y a un seul mal ou « péché » mentionné, l'orgueil (v.14).

    J'y lis comme au ps 131 l'hubris, signe précisément de l'incapacité à s'inscrire dans la dynamique vitale célébrée par ce psaume (c'est cohérent).

  • Psaume 19 (2/3) Sive natura

    Au plan de l'écriture, le passage d'un nom à l'autre (d'El à YHWH) fait supposer la compilation de deux poèmes primitifs, l'un à la louange de la nature, l'autre à la louange de la loi, cousus ensemble au moment de la composition globale du recueil.

    Remarquons que le couturier, le rhapsode qui a fait l'assemblage n'a pas cherché à effacer la couture entre les deux thèmes. Au contraire (tel un Jean-Paul Gaultier) il la stylise, la met en évidence par l'absence de transition entre les v.7 et 8.

    Stylisation dont la brutitude (oui ça n'existe pas, comment on dit pour dire que c'est brut mais pas brutal ?) vient donner toute sa force au sens du texte, et à l'intention couturière du poète.

    Suivons le fil de sa création.

    Figurons-le à sa table de travail en train de dérouler les rouleaux du livre pour étudier la loi. Voici qu'un rayon de soleil vient s'y poser.

    Lumière, chaleur, c'est beau, ça fait du bien. « Soleil toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont. Ça me rappelle un texte … voyons … ah voilà. »

    C'est un poème (v.1-7) qui dit : la réalité du monde c'est la présence rayonnante d'El. Elle se diffuse dans l'espace-temps en vibration de vie, le soleil en est le symbole et l'agent. Il est porteur d'une énergie clairement libidinale, présenté en mâle conquérant, tout à son exultation de faire l'amour au cosmos, illuminé de son propre rayonnement (v.6-7).

    Ah oui un bien beau poème …

    Mais notre homme, studieux, revient au texte qu'il s'est donné pour étude : une louange à l'enseignement de YHWH (v.8-15), à l'architecture éthique de la torah, le roc sur lequel l'être humain peut se construire pour s'accomplir (cf par-fait v.8).

    Texte solide c'est sûr mais moins fun a priori. Quoique ?

    Alors c'est l'illumination, un soudain branchement métaphorique se fait en lui : ce soleil qui réchauffe ses vieux os (je sais pas pourquoi je le vois plutôt vieux), il est présent de la même présence dans le texte qu'il a sous les yeux (usés par toutes ses lectures) :

    Le commandement de YHWH, lumineux, illumine les yeux (v.9).

    Ton serviteur aussi en est éclairé (v.12)

    Révolution du soleil sur son orbite, rouleaux de la torah déroulés pour la lecture, deux mouvements dont il perçoit tout à coup la similitude.

    Ce sont la joie et le bien-être ressentis qui opèrent la révélation, qui donnent le critère d'interprétation (spinoziste un jour spinoziste toujours).

    Il discerne dans ce double affect, plaisir du corps dans le soleil, plaisir de l'esprit dans son étude, une unique libido (freudien un jour freudien toujours) pareillement à l'œuvre en lui et dans le monde.

    La parole de YHWH est coextensive à la vie, le texte de la loi se tisse sur la trame du monde.

    Il décide donc, logiquement, de coudre les deux poèmes.