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Blog - Page 446

  • L'éternité c'est long ...

    « Chez les uns le cœur vieillit d'abord ; chez d'autres l'esprit. Et quelques uns sont vieillards dans leur jeunesse ; mais être jeune tard maintient jeune longtemps. » (Ainsi parlait Zarathoustra. De la mort volontaire).

     

    « Spät jung erhält lang jung » dit le texte en forme de proverbe. Blague ou profond paradoxe ? La jeunesse qui vient sur le tard, comment serait-elle durable ?

    1) Tentons la métaphore viticole. Après le temps de la préparation, de l'amendement des sols et la taille des ceps, après celui de la croissance du grain, après celui de la vendange en pleine maturité, le temps de la vieillesse pourrait être celui de la dégustation. Et alors il se peut qu'une vendange tardive, si elle est ensoleillée, puisse donner un vin plus long en bouche ?

    2) La jeunesse tardive et durable est une impossibilité logique au regard de la linéarité du « temps réel ». Une telle conjonction ne peut donc s'envisager que dans une autre logique, une autre approche du temps. Certes naître c'est se trouver devant une quantité limitée de temps à vivre avant de retourner au néant. Mais si chaque instant est vécu sans tenir compte du point de vue quantitatif, la vie se vit dans la seule qualité d'un présent absolu, gratuit. Pour le Zarathoustra de Nietzsche, de même que la liberté n'a pas de prix, le temps ne (se) compte pas. Ne se compte plus.

    3) La jeunesse en effet est bien dans cette gratuité du temps, l'enfance plus exactement. Être là sans anticipation de l'après ni retour sur l'avant : les petits enfants savent très bien le faire, c'est ce qui leur donne une qualité de présence si intense. Et par là même catalyse autour d'eux une forte énergie vitale. Mais quant à la jeunesse après l'enfance, il faut bien admettre qu'elle est davantage contrainte à l'anticipation : temps d'études et de formation, projets, responsabilités. Le tout est de le vivre sans angoisse, en y appréciant la puissance d'être actif : comme nous le savons en spinozistes persévérants que nous sommes, c'est une joie.

    4) La notion gratuite du temps s'appelle parfois éternité chez les Arthur Rimbaud ou autres artistes. Zarathoustra aussi conclut sa 3° partie sur le refrain « Car je t'aime, éternité ». Tout ceci amène plus ou moins la notion fameuse de « l'éternel retour du même » Wiederkunft des Gleichen. Je me demande si Wiederkunft n'est pas une création de Nietzsche à partir du mot Zukunft (à-venir), car je ne l'ai pas trouvé dans mon dico. Mais peut être que mon dico ne sait pas tout (il est assez basique je l'avoue, acheté pour mes lectures sommaires d'allemand, au vieux temps de ma jeunesse). Bref quoiqu'il en soit, il faudra bien que nous nous prenions la tête un jour ou l'autre sur cette histoire d'éternel retour, difficile de faire l'impasse.

     

    Mais inutile d'anticiper. On a le temps.

     

  • Energie oléicole

    « L'hiver, un hôte mauvais, s'est assis près de moi à la maison ; mes mains sont bleuies de la poignée de main de son amitié. »

    (Ainsi parlait Zarathoustra. Sur le mont des oliviers)

     

    Bien vu. Je me disais moi aussi pas plus tard que ce matin, me bouchonnant dans ma salle de bains qui n'est cosy que couci-couça : sans me vanter c'est l'hiver. Pas un hiver exceptionnel peut être, mais l'hiver c'est comme un con : pas besoin qu'il soit exceptionnel pour être insupportable. L'hiver est mauvais hôte, tout juste : à la fois de mauvaise compagnie et du genre à taper l'incruste même qu'on l'a pas invité, genre un mec qui ramerait pour être au 1er rang de la manif et sur la photo avec Angela ...

    Alors oui je sais ce que vous allez dire : l'hiver dont parle Nietzsche est une métaphore. Glaciation du désir, engelures de l'âme. Oui peut être aussi mais pas seulement, pas d'abord. Nietzsche écrit au plus près du corps, de la réalité, du concret de la vraie vie. Il considère que là est la philosophie et pas ailleurs : c'est la thématique d'Ecce homo. Il y a deux façons de comprendre ce titre. Comme une identification mi-délire mi-raison à la figure christique. Mais aussi au plus près des mots, décapés de leurs strates de connotations. Voici un homme, Nietzsche. Un homme qui parle « de » lui, aux deux sens : il parle de qui il est, il parle à partir de lui, sans s'abstraire.

    La tension entre ces deux acceptions renvoie au combat obsessionnel de Nietzsche contre le religieux, ce corps à corps existentiel qui fut sa lutte à lui de Jacob avec l'ange (Genèse 32, 25). Dionysos et le Crucifié, l'Antéchrist, le Crépuscule des idoles. Mais cela me fait aussi penser à la phrase d'un patient en HP, se prenant pour le Christ, à sa psychiatre : « Docteur, ici c'est plein de fous qui se prennent pour moi ! » (C'est pas une histoire inventée je vous assure). Nietzsche n'aurait pas mieux dit, pour faire entendre l'aliénation fondamentale du religieux. (Bon là c'est du rapide on y reviendra promis).

     « Je l'honore, cet hôte mauvais, mais je préfère le laisser assis tout seul. Je préfère courir loin de lui ; et si on court bien on lui échappe ! »

    Ah en plein hiver du temps, de l'intelligence et de la bonté, courir se réfugier dans un bon cagnard, et là, lucides et placides, lézarder au soleil. Vous le rêvez, Zarathoustra le fait. « Avec les pieds chauds et les pensées chaudes, je cours vers le lieu où le vent s'arrête, vers le coin ensoleillé de mon mont des oliviers. »

    Alors vous pensez, la compassion de ceux qui dans le confort de pièces chauffées ignorent le secret de tels cagnards et déplorent «on va le retrouver congelé dans les glaces de la connaissance», ça le fait bien rigoler. Degré zéro de l'hiver ? On est fou peut être mais on s'en fout : il fait soleil au pied de l'olivier, de l'arbre de Minerve.

     

    « Dans le coin ensoleillé de mon mont des oliviers je chante et me moque de toute compassion. Ainsi chantait Zarathoustra.» 

  • Léger (ou pas)

    « Maintenant je suis léger », nous dit Zarathoustra. (Il ne dit pas que ça je vous l'accorde, mais comme il n'arrêtait pas de parler, j'ai saisi un truc au vol).

    Voici donc complétée la liste de nos résolutions bonnes à prendre en ce début d'année, qui donne ce poème :

    Je me laisse aller comme je me trouve.

    Par réalité et perfection j'entends la même chose. 

    Maintenant je suis léger.

     

    Vous savez quoi ce poème j'aimerais l'avoir écrit. Je vais l'inscrire partout, comme un pense-bête.

    Sur le bureau sur le frigo le lavabo

    Sur mes paquets de clopes (comparé à « fumer tue » y a pas photo)

    Sur mes miroirs sur mes tiroirs

    Sur mes carnets sur mes dossiers

    Sur mon agenda mes calendriers 

    Sur l'aube et sur le crépuscule 

    Sur le midi aussi et sur la nuit

    Sur le temps qui passe et sur le temps qu'il fait

    Sur la pluie le soleil

    Sur l'arc-en-ciel

    Maintenant je l'écris 

     

    Mais que cela ne m'empêche pas de vous donner les clés de la charade.

    1° : main. 2° : te. 3° : N (initiale de Nietzsche et du Père Noël. Va savoir pourquoi ce rapprochement ...) 4° : ange. (En fait plus j'y réfléchis plus je me demande au nom de quoi nous refuserions à Nietzsche le titre d'ange, du grec angélos = messager.) 5° : Sue (Eugène de son prénom). 6° : île (qui rime avec facile, je vous l'avais bien dit). 7° : Egée, ce pauvre Egée qui se jeta dans la mer éponyme (enfin qui éponyma après, forcément) car il croyait que son fiston chéri Thésée avait été zigouillé par le Minotaure. 

    Le rigolo, dénommé aussi ironie tragique, c'est que c'était même pas vrai, vu que le fiston avait séduit Ariane qui du coup lui avait filé le truc pour sortir du labyrinthe. Après quoi il abandonna la pauvre Ariane pour sa sœur plus jeune, c'était pas fair play je ne vous le fais pas dire. Mais songeons, si on y va par là, que globalement dans la mythologie y avait comme un souci avec des choses du genre parité, convivialité, empathie avec l'autre. Dans la mythologie on flinguait d'abord on réfléchissait après.

    Presque autant que dans le monde actuel, j'y songe : c'est ce qu'on appelle le progrès de l'humanité, je suppose ...

    Allez, pour se détendre, solution de la charade sur le philosophe antique.

    1 : gun. 2 : autiste. 3 : sonotone. = gnothi seauton = connais-toi toi-même.

    Phrase gravée au fronton du temple de Delphes, que Socrate avait prise comme devise.