« Imposture.

La vie du commerce, l'âme de la religion, le leurre de la galanterie et le fondement du pouvoir politique. »

(Ambrose Bierce Le dictionnaire du diable)

Amis de l'optimisme sur la nature humaine, bonjour ! Bon, il reste le sport et la littérature ... Quoique ?  Alors quoi ? Le jardinage peut être ...

« Imprévoyance.

La manie de profiter aujourd'hui de ce que nous n'aurons peut être plus demain. »

En un sens c'est une définition du principe de plaisir, qui fonctionne dans l'immédiateté, par opposition au principe de réalité qui prend en compte la dimension du temps. Sauf que là encore Bierce décale les choses, introduit le doute. Et si la vraie prévoyance se moquait de la prévoyance ?

« Inaltérable.

Impossible à transformer ; par exemple, une pièce de dix dollars en une société de beaux esprits. »

Une variation sur le thème « l'argent ne fait pas le bonheur » dirait-on à première vue, genre « l'argent ne fait pas l'intelligence ». Sauf que l'ironie pointe, et le cynisme. La pièce de dix dollars reste inaltérable. Alors que la beauté de l'esprit, ou la bonté de l'âme, cette même pièce ne pourrait-elle pas les corrompre ? ...

« Inhumanité.

L'une de ces qualités caractéristiques et remarquables de l'humanité. »

On voudrait tellement que ce soit ironique.

« Innocence.

État ou condition d'un criminel dont l'avocat a suborné le jury. »

« Irréprochable.

Qui n'est pas l'objet d'une enquête. »

Là comment ne pas penser, par exemple, aux révélations à propos des comportements de certains mâles en situation de pouvoir sur les femmes, les enfants, dès l'instant qu'on se met à enquêter sur eux. (Je dis certains par sens de la justice et de la présomption d'innocence).

« Intellectuel.

Employé au ''Bulletin'', dans le service Art, Littérature et Agriculture. Résident à Boston. Myope. »

Encore un coup de patte du gars de l'Ohio profond (cf D comme dandy), spécialement dirigé ici contre ses collègues journalistes.

« Interview.

Confessionnal journalistique où l'impudence vulgaire prête l'oreille aux folies de la vanité et de l'ambition. »

Et encore il ne connaissait pas les talk-shows télévisuels, concours toujours ouvert de vulgarité et de narcissisme, éventuellement sous le nom usurpé de « débat ».

« Haillons.

L'uniforme des pauvres qui sert à ne pas confondre ces créatures avec leurs créanciers. »

(Ambrose Bierce Le dictionnaire du diable)

Dommage que le mot haillon ait disparu ou quasiment. Il disait bien ce qu'il voulait dire.

« Hérisson.

Le cactus du règne animal. »

Joli. Trouvaille poétique digne d'un enfant de maternelle (c'est un compliment dans mon esprit, faut-il le préciser) : « Maîtresse, le hérisson, c'est le cactus des animals, non ? »

« Homéopathie.

Théorie et pratique de la médecine qui vise à guérir les maladies des imbéciles. Comme elle ne les guérit pas mais tue parfois les malades pour de bon, les sots la tournent en ridicule et les esprits avisés la préconisent. »

Astucieux, le retournement final.

Sinon, l'homéopathie disons classique, pourquoi pas. En revanche tous les délires plus ou moins apparentés dont des pseudo-praticiens, seulement soucieux de la bonne santé de leur compte en banque, embobinent les imbéciles …

« Homme libre.

Individu dont les menottes sont incrustées si profondément dans la chair qu'on ne les voit plus. »

On ne les voit plus parce qu'on ne veut plus les voir. On préfère le confort de la servitude volontaire aux exigences de la liberté. Dont la plus insupportable à beaucoup de gens est la nécessité de penser, de faire usage de sa raison, de regarder la réalité en face.

C'est pourquoi la plupart s'emploient à devenir aussi cons que possible.

« Hun.

L'ancêtre scythe du Hongrois actuel. Il n'avait pas bon caractère et ses descendants en ont hérité. »

Comme Hongrois je ne connais qu'Orban (pas personnellement fort heureusement). Dans son cas si ce n'était qu'une question de mauvais caractère, ça ne serait pas dramatique.

Nous par exemple on a notre Mélenchon ronchon : c'est rigolo et globalement inoffensif, en fait. Folklore politique. Non, le problème d'Orban (ou plutôt des gens qui ont affaire à lui) c'est d'être menteur, manipulateur, avide d'argent autant que de pouvoir.

Le genre qui ferait rétrospectivement passer Attila pour un gentleman.

« Généralement.

Habituellement, ordinairement, comme dans ces phrases : les hommes sont généralement des menteurs, une femme est généralement perfide, etc. »

(Ambrose Bierce Le dictionnaire du diable)

Exemples astucieusement choisis, remplaçant avantageusement un long discours pour démontrer l'aspect contestable, voire l'invalidité des généralisations abusives. Difficile en effet de dire généralement, sauf peut être en math ou en grammaire (non sans l'assortir de la liste précise des éventuelles exceptions).

À propos de grammaire :

« Genre.

Le sexe des mots. »

Et le nombre alors ? Singulier, pluriel : sans doute référence à leur état de sociabilité ?

« Gnangnan.

Pourvu des qualités propres à la poésie de magazine. Voir Bouillie. »

C'est sûr qu'on n'imagine pas Ambrose écrire pour son journal des articles gnangnan. Lui, je le vois plutôt en spécialiste du gnongnon.

« Gratitude.

Sentiment à mi-chemin entre un bienfait reçu et un bienfait attendu. »

Là on touche à la sentence morale style La Bruyère, assortie d'un talent aphoristique à la Oscar Wilde.

« Grognement.

Langage employé par un bureaucrate fédéral du parti Républicain pour exposer ses vues sur la situation politique. »

Bierce était un démocrate convaincu. Un choix politique dans lequel la récente évolution (involution?) trumpiste du parti républicain ne pourrait que le conforter.