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Le blog d'Ariane Beth - Page 154

  • Macadamia

    -Macadamia n.m. 1962 latin scientifique du n. du chimiste John Macadam, par l'anglais. Arbre originaire d'Australie (protéacées) dont on consomme les noix (noix de macadamia) et l'huile qui en est extraite.

    -Tu ne trouves pas, Blanche, que Robert a parfois tendance à faire du remplissage ? Dire que le mot est passé par l'anglais : on se doute que ce John Macadam n'est pas italien. Et puis les noix de l'arbre macadamia s'appellent noix de macadamia : waouh le scoop !

    -En tous cas ce monsieur Macadam a des intérêts éclectiques, des Ponts et Chaussées aux Eaux et Forêts. Que dis-je éclectiques, limite antinomiques, non ?

    -Parce que tu crois que c'est le même, celui du béton-bitume et de l'arbre dans la ville ?

    -La macadam n'est ni béton ni bitume, Ariane. Robert dit c'est de la pierre concassée et du sable.

    -Mais il y a pas un liant genre bitume ?

    -Peut être …

    -Ouais moi je vois ça : pierre concassée plus sable, tout ça lié au bitume. Comme le nougat où t'as la pâte au miel et des amandes dedans. Tu crois qu'en Australie ils font du nougat à la noix de macadamia ?

    -C'est n'importe quoi ce que tu racontes, Ariane. D'abord pour en revenir à ta propre question, est-on sûr que les deux Mac Adam soient les mêmes ?

    -T'as raison, Blanche. Alors voyons macadam … c'est pratique c'est juste dessus.

    -Dessus quoi ?

    -Ben de macadamia.

    -On met du macadam sur les macadamias ??? Pour faire de l'engrais ?

    -Tu fais exprès, Blanche : macadam est le mot d'avant dans la page. Alors je reprends macadam 1826 de McAdam, n. de l'inventeur.

    -C'est le même, moi je dis, Ariane. D'un côté inventeur, de l'autre chimiste : ça colle.

    -Oui mais alors, vu qu'il a dû trouver son arbre à peu près à la période où il a fait son asphalte, enfin son machin, là, ça veut dire que macadamia a mis un bon siècle pour traverser le Channel. À côté les embouteillages post-brexit …

    -Tu oublies le temps pour venir d'Australie, à l'époque ils avaient pas l'avion.

    -Oui enfin, Blanche, même en bateau un siècle c'est déjà de la belle traversée. Oh et puis tu sais quoi, en fait on est en train de parler depuis un moment d'un truc dont je me fous complètement. Moi ce que je préfère c'est la noix de cajou.

     

  • Labelle

    -Labelle n.m. 1875 latin labellum « petite lèvre ». SC. NAT. 1Pétale supérieur de la corolle des orchidées. 2Bord renversé de certains coquillages.

    -On dit encore sciences nat, tu penses Ariane ? C'est pas SVT maintenant ?

    -Il est probable que Robert a pris le terme raccord avec la date de 1875. Moi c'est la définition 1 qui me laisse perplexe.

    -Pourquoi, qu'est-ce qui te chiffonne ?

    -Le côté hyper précis, Blanche. Pétale supérieur : d'où question pourquoi les autres pétales n'ont pas droit au label labelle. Parce qu'ils sont inférieurs ?

    -Ouais enfin je sais pas si la critique marxiste est le bon angle de lecture de cette définition, Ariane. Moi c'est plutôt orchidée qui me branche.

    -Oui on se demande pourquoi les orchidées et pas d'autres fleurs …

    -Ah bon, tu n'y penses pas alors ? Si je te dis un monument de la littérature, une certaine variété d'orchidée, une métaphore qui a fait florès …

    -Bon sang mais c'est bien sûr ! L'amour d'un certain Swann pour une certaine Odette, sa dame aux catleyas !

    -Une histoire émanant qui sait du seul mot labelle aux évidentes connotations érotiques …

    -Mais oui, Blanche, c'est ça ! Aussi bien le petit Marcel adorait les sciences nat à l'école (grâce à une maîtresse dont le charme était une excellente incitation pédagogique), si bien que labelle sera resté à son insu dans les replis de sa mémoire sensorielle, couplé à l'image de la belle maîtresse, jusqu'à, empruntant les mille sillons de sa plume labyrinthique, faisant germer mille associations en son cerveau fertile, ce qu'elle vienne à éclore un beau jour (ou plutôt belle nuit, car il n'écrivait on le sait que la nuit, considérant sans doute que pour ce qui est de se coucher de bonne heure il avait donné) sous la forme de cette immortelle métaphore ...

    -Ariane, je te le dis, on vient de faire faire un grand pas à la critique littéraire.

    -Allez pour fêter ça, et pour le plaisir :

    La métaphore « faire catleya » devenue un simple vocable qu'ils employaient sans y penser quand ils voulaient signifier l'acte de la possession physique – où d'ailleurs l'on ne possède rien – survécut dans leur langage, où elle le commémorait, à cet usage oublié.* Et peut être cette manière particulière de dire « faire l'amour » ne signifiait-elle pas exactement la même chose que ses synonymes.**

    -Ah Proust quand même ... Quelqu'un qui savait ce que parler veut dire …

    -Et je dirais même plus, Blanche : quelqu'un qui savait vraiment bien le dire.

     

     

    *Odette mettait un catleya à son corsage, Swann faisait mine de s'intéresser à la fleur pour commencer à caresser ses seins. (Un peu style Tartuffe « l'étoffe en est soyeuse »)

    **Marcel Proust Un amour de Swann (Du côté de chez Swann)

     

  • Kaddish

    -Kaddish n.m. 1817 kadish 1666 kaddesh de l'araméen quaddis « saint, sacré ». RELIG. JUD. Prière récitée en araméen à la fin de chaque partie de l'office. SPECIALT. Prière des morts.

    -Le moins qu'on puisse dire, Blanche, c'est que là on change carrément de registre. Pas facile … Et si ...

    -Si quoi ?

    -Si on trichait juste un peu, le mot d'après par exemple, c'est kafkaïen, c'est un peu plus cool quand même …

    -Tu me déçois, Ariane. Et notre déontologie ? Si on commence à faire n'importe quoi, comment veux-tu que nos lecteurs nous fassent confiance ? On s'est donné pour règle de prendre le mot n°8, on prend le mot n° 8. C'est le hasard qui décide. Et nous obéissons.

    -Oui mais bon je dis juste que le hasard parfois il balance du lourd.

    -C'est pour ça qu'on va se mettre à distance du signifié, Ariane, à distance de tout ce que ça peut évoquer. On va se concentrer sur le signifiant.

    -D'accord, Blanche. Et il te signifie quoi le signifiant ?

    -Ben déjà les fluctuations autour de la transcription des mots lors du passage d'une langue à l'autre. De l'araméen qui a son alphabet, à l'hébreu qui a le sien, pour arriver à la transcription usuelle dans l'alphabet latin. Un d ou deux, le i ou le e.

    -Et quelquefois on dit koddesh …

    -Voilà tu vois.

    -Dans tout ça moi je préfère kaddish, c'est un beau mot.

    -Après ça amène forcément cette autre question linguistique passionnante, la création de l'hébreu moderne. Mêlant hébreu biblique, yiddish, ladino, emprunts aux différentes langues maternelles des habitants d'Israël, créations contemporaines pour les réalités nouvelles … Y a de quoi faire.

    -Oui, je vois où tu veux en venir, Blanche. Les mots des locuteurs actuels portent mémoire des locuteurs anciens. Chaîne du langage chaîne des générations …

    -Un peu, non ? Les morts ne parlent plus, les lignées s'éteignent, on oublie les gens en chair et en os, mais quelque chose de leur parole reste dans les mots des vivants d'aujourd'hui.

    -Alors disons : paix aux morts et vivent les mots ? Ça va plaire à Robert, ça.