Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 120

  • Le reflet de nous-mêmes

    « Quand vous admettez tous les hommes à la concurrence de tous les emplois et que vous assurez la liberté du choix par de bonnes institutions constitutionnelles, vous êtes assuré que les hommes les plus éclairés, les plus honnêtes, les plus considérés seront appelés par le peuple à gouverner. (…)

    Nous sommes de votre avis, diront les philosophes moralistes, les antagonistes des philosophes politiques. Assurément nous voulons bien du gouvernement des meilleurs et nous le préférons même à celui des nobles : mais comment nous assurez-vous que les choix du peuple seront toujours bons ? »

    (Germaine de Staël. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder toute République en France)

     

    « En réalité, la responsabilité de la dégradation du climat politique ne repose pas uniquement sur nos élus. Nous, nous avons contribué peu à peu à rendre la politique détestable, impraticable. C'est en partie notre faute si ne survivent dans ce monde-là que les héros ou les détraqués, les saints ou les avides de pouvoir et de notoriété.

    Si l'air politique devient irrespirable pour l'immense majorité de ces élus juste ''normaux'', c'est parce que nous attendons d'eux des choses proprement surhumaines, qui en découragent plus d'un. Or nous élisons des représentants qui ne sont que le reflet de nous-mêmes. Parfois exemplaires, exceptionnels. Parfois petits et mesquins. Et souvent ordinaires. »

    (Chloé Morin. On a les Politiques qu'on mérite. Fayard 2022)

     

    Je trouve pertinente la question que Germaine fait poser par les philosophes moralistes aux philosophes politiques (c'est déjà celle de Rousseau dans son Contrat social), et c'est pourquoi j'ai été intéressée par le livre de Chloé Morin.

    Je comprends son propos et j'y adhère : attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Certes la démocratie représentative est malade, mais il s'agit de ne pas se tromper de diagnostic, de façon à pouvoir trouver les bons remèdes.

    L'un de ceux-ci étant de prendre au sérieux et de façon éthique notre responsabilité de votants et d'administrés. Par exemple, dit-elle, belles hypocrisie et inconséquence de dénoncer la pente clientéliste des élus, quand on n'hésite pas à demander un passe-droit pour soi ou ses proches ou son entreprise ...

    Néanmoins je dois dire qu'à certains moments j'ai rechigné à la suivre totalement.

    Son fort recommandable parti-pris spinoziste* l'entraîne me semble-t-il à une indulgence naïve envers quelques coquins cyniques et manipulateurs**.

    Péché de jeunesse tout à son honneur, mais qui peut néanmoins être dommageable. Quand la preuve de la charge est apportée, la sanction doit tomber, sous peine de disqualifier la force du droit. (Autre grand risque pour la démocratie).

     

    *Ni rire ni pleurer ni haïr mais comprendre. (Baruch SpinozaTraité politique). C'est moi qui interprète ainsi son attitude, elle ne mentionne pas Spinoza dans son livre.

    **En particulier lors de ses entretiens avec Isabelle Balkany, condamnée (y compris en appel) avec son mari pour différentes malversations. 

     

  • D'accord avec les Lumières

    « Il est deux moyens de propager les principes démocratiques : le raisonnement et les armes. Le bonheur de la France, les écrits de ses philosophes, amèneront nécessairement des changements politiques dans le reste de l'Europe. La force des choses le veut ainsi.

    Ces changements opérés par la conviction se feront volontairement et sans secousses déchirantes, d'accord avec les Lumières. Mais la propagande armée n'est et ne peut être qu'une conquête ; or de longtemps un peuple conquis n'a plus l'énergie pour être libre. »

    (Germaine de Staël. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder toute République en France)

     

    C'est pourquoi elle a considéré comme une scandaleuse trahison des idéaux révolutionnaires la prise de pouvoir par Bonaparte, et plus encore ses guerres de conquête à travers l'Europe, prétendues de libération.

    Napoléon restera toujours sa bête noire, elle sera une de ses opposantes les plus constantes et résolues. (Encore un bon point pour elle).

    Quant aux actualisations possibles, je fais l'impasse. Vraiment trop déprimant, trop discordant avec les Lumières.

     

  • J'ai vu

    « À travers tant d'écrits sur la politique, je n'ai point encore trouvé ce qui répond à mon système.

    J'ai vu des écrits contre les principes théoriques de la Révolution française, qui respiraient d'ailleurs(1) la plus pure morale.

    J'ai vu des philippiques violentes contre les crimes de la Révolution française ; mais quelque juste soit l'horreur qu'ils doivent inspirer, on n'y voyait que le but de ramener d'anciens préjugés et de perpétuer, par des personnalités(2) inutiles ou des injustices perfides, des haines toujours funestes.

    J'ai vu des écrits qui renfermaient une théorie politique dont l'abstraction me semblait aussi vraie que spirituelle, mais qui gardaient le silence sur tout ce qui se commettait au nom de cette théorie.

    J'ai vu d'autres écrits apologistes du crime même et j'ai plaint ces malheureux hommes qui se flattaient d'échapper à travers une idée générale et de nous faire adopter une doctrine exécrable pour confondre leur conduite dans des sophismes, pour exprimer leurs actions par une langue métaphysique, comme s'ils pouvaient les placer dans l'abstraction et leur ôter ainsi leurs caractères sanglants. »

    (Germaine de Staël. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder toute République en France) (écrit en 1797-98 mais resté inédit un siècle).

     

    (1)Par ailleurs. Elle veut dire « que ça n'empêchait pas de ».

    (2)Elle entend par ce terme de personnalité un comportement égocentrique : tout évaluer en fonction de ses intérêts propres.

     

    On remarquera que le titre de ce livre est en soi une argumentation qui permet d'éviter un contresens. Ce qu'elle veut dire par terminer la révolution n'est pas l'idée d'en finir avec elle, idée promue à l'époque par les réactionnaires pro-restauration pour ramener d'anciens préjugés (et utilisée depuis à chaque nouvelle tentation réactionnaire).

    Terminer la révolution c'est au contraire l'accomplir, la mener à son achèvement logique (et non temporel et concret, celui-ci étant par définition indéfini, toujours à poursuivre).

    Et surtout, se donner les moyens de fonder la république, en droit et en fait, au plan législatif et institutionnel.

     

    Un texte qui allie intelligence et finesse (alliance caractéristique de Germaine), et qui reste, malgré la différence de contexte, particulièrement éclairant pour nous aujourd'hui dans les turbulences qui atteignent la démocratie.