Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 131

  • Comme les ballons

    « Nous n'apercevons les grâces que pointues, bouffies et enflées d'artifice. Celles qui coulent sous la naïveté et la simplicité échappent aiséement à une vue grossière comme est la nôtre ; elles ont une beauté délicate et cachée ; il faut la vue nette et bien purgée pour découvrir cette secrète lumière. (…)

    Notre monde n'est formé qu'à l'ostentation : les hommes ne s'enflent que de vent, et se manient à bonds, comme les ballons. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 12 De la physionomie)

     

    Nihil novi sub sole, non ? Ah mais si : ce qui change régulièrement ce sont les couleurs, les matières, les formes des ballons ...

     

  • Par matière de devis

    « C'est par matière de devis que je parle de tout, et rien par matière d'avis. Je ne serais pas si hardi à parler s'il m'appartenait d'en être cru ; et ce fut ce que je répondis à un grand, qui se plaignait de l'âpreté et contention de mes enhortements : ''Vous sentant bandé et préparé d'une part, je vous propose l'autre de tout le soin que je puis, pour éclaircir votre jugement, non pour l'obliger.'' »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 11 Des boiteux)

     

    Montaigne explique à plusieurs reprises sa manière de concevoir le conseil aux gouvernants. Conseiller oui, courtiser non. Éclaircir oui, éblouir non. Accompagner oui, et non embobiner (ou "volubiliser" ?).

    Il fit ainsi, convaincu que c'était ce qu'il fallait faire. Mais il avoue parfois son amertume que la justesse de son jugement n'ait pas été davantage reconnue (voire récompensée).

    Cependant, s'il avait vécu un peu plus longtemps, il aurait peut être été un conseiller écouté d'Henri IV. Celui-ci l'apprécia lors de leurs rencontres quand il était encore roi de Navarre. Ils partageaient un même souci : la réconciliation des partis en lutte et leur collaboration pour le bien (ou le moindre mal) du royaume.

     

  • La volubilité de notre esprit détraqué

    « J'ai les oreilles battues de mille tels contes : ''Trois le virent un tel jour en levant ; trois le virent le lendemain en occident, à telle heure, tel lieu, ainsi vêtu.'' Certes je ne m'en croirais pas moi-même.

    Combien trouvé-je plus naturel et plus vraisemblable que deux hommes mentent, que je ne fais qu'un homme en douze heures passe, quand et les vents(1), d'orient en occident ? Combien plus naturel que notre entendement soit emporté de sa place par la volubilité(2) de notre esprit détraqué, que cela, qu'un de nous soit envolé sur un balai, au long du tuyau de sa cheminée, en chair et en os, par un esprit étranger ?

    Ne cherchons pas des illusions du dehors et inconnues, nous qui sommes perpétuellement agités d'illusions domestiques et nôtres. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 11 Des boiteux)

     

    (1)En suivant les vents.

    (2)La facilité à se laisser entraîner d'un côté et de l'autre. Le mot vient du latin volvere = tourner, faire des va et vient. La volubilité dont il parle implique donc une certaine facilité à se laisser rouler.

     

    J'ai peut être l'esprit mal tourné, mais je trouve que ce mot de volubilité condense de façon étonnante les détraquements de la communication, et pas seulement à son époque …