Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 162

  • Au gré du vent (5) Chacun son pas

    Depuis que j'ai des problèmes avec mes pieds (problèmes que je prends en mains, je rassure la lecteur-trice s'inquiétant je n'en doute pas pour ma santé), je suis plus attentive à la façon de marcher des gens.

     

    Je croise une femme, grande, droite, corps délié, regard porté au loin. Elle avance d'un pas déterminé, assuré.

    Sa démarche nette et souple à la fois dégage des ondes de dynamisme et de légèreté (juste ce dont j'ai besoin). Voilà une femme qui sait où elle va.

    Elle marche sourire aux lèvres : non seulement elle sait où elle va, mais elle est contente d'y aller.

    Si bien qu'on a envie d'y aller avec elle, où que ce soit, comme si la justesse de cette démarche était un gage de validité de la destination. Une assurance qu'on arrivera à bon port.

     

    Le vieux qui arrive en face … Précision : quand je dis vieux, ça veut dire entre 15 et 20 ans de plus que moi. Comme grande ci-dessus veut dire entre 15 et 20 cm de plus que moi.

    Le vieux qui arrive en face, donc (redémarrant vaille que vaille après mon arrêt sur image), avance, lui, à pas comptés.

    Il n'a pas tort de les compter me dis-je, vu qu'il ne lui en reste pas tant faut pas se mentir (tiens on l'entend moins cette expression, ça va vite les modes) (surtout comparé au pas de notre vieux).

    « Il faut retenir à tout nos dents et nos griffes l'usage des plaisirs de la vie, que nos ans nous arrachent des poings, les uns après les autres. » dit Montaigne (Essais I,39 De la solitude), ne parlant pas pour ne rien dire, une fois de plus (quoi c'est pas comme d'autres ?)

    C'est peut être ça qu'il fait le vieux : bien profiter de chaque pas qu'il pose sur une terre que bientôt il devra quitter, bien mesurer à chacun de ses pas comptés la chance qu'il aura eue de pouvoir marcher dans la présence sur la terre des vivants (ps 116, 9).

     

    Un petit garçon marche avec application, lentement, les pieds en dedans, la main agrippée à la poussette de la petite sœur : ma maman elle a dit de bien faire attention où je marche, ma maman elle a dit de pas lâcher la poussette.

    Sauf que, à force de se concentrer sur ses pieds, il ne voit pas l'obstacle sous la forme de ce bastingage au bord du trottoir (je ne sais pas le nom de ce machin, voyez cette structure tubulaire).

    Et bing ! Et écart de la poussette qu'il n'a pas lâchée, le vaillant petit bonhomme.

    Mais Maman ne voit pas la vaillance, seulement l'étourderie, et un rien agacée, balance : tu pourrais regarder où tu mets les pieds !

    Eh oui c'est comme ça la vie mon chou : et c'est que le début ...

     

  • Au gré du vent (4) Ma vue de château

    Les différents confinements ayant été l'occasion de travaux, le château est resté fermé plusieurs mois. Cela m'a beaucoup manqué de ne pouvoir entrer tout ce temps-là, et monter sur la terrasse contempler la vue sur la ville.

    Mais ça y est il a rouvert pour la saison d'été. En cette année du bicentenaire de la mort de Napoléon, le musée présente une expo et espère capter le touriste. Ou l'amateur d'histoire oui peut être aussi.

    Devant le porche qui débouche dans la cour Renaissance, une femme à badge m'arrête :

    C'est pour visiter ?

    Euh non … aïe réponse imprudente me dis-je à l'instant, mais trop tard, et du coup j'assume carrément : c'est pour me promener, la terrasse est ouverte ?

    Ah vous connaissez ?

    Oui, j'habite ici (j'ai honte de ce côté je suis des vôtres pas de ces estrangers de touristes, mais la fin justifie les moyens).

    Très bien, allez-y.

     

    J'entre dans la cour où les gradins ont été placés pour les festivals de l'été. Ce soir c'est du théâtre je crois. Les techniciens, sur la scène, mettent en place le décor du spectacle. Ça ne va pas tout seul : une histoire de truc qui coince en passant dans un machin.

    Voilà qui me fait sourire sous masque en m'évoquant la pièce de J.M. Ribes Musée haut musée bas. Et je repense au groupe d'adolescents avec qui je l'avais mise en scène, il y a … oh lala 17 ans …

    L'âge qu'ils avaient, ou pas loin. Ils n'étaient pas sérieux, forcément, et pourtant ils se donnaient à fond, avec énergie et intelligence.

    Je me demande ce qu'ils sont devenus ...

    Ah non, pas de nostalgie !

    Je m'arrache aux souvenirs, je ne suis venue que pour grimper sur la terrasse. Escalier raide celui-ci, que je gravis encore plus précautionneusement que celui où j'ai croisé mes causeuses (mais là pas de parapluies moqueurs à l'horizon, juste un couple de touristes essoufflés) (quoique nettement plus jeunes que moi) (eh eh).

     

    Voilà, j'y suis. Les toits de la vieille ville, les clochers, les petites rues avec leur bariolage de parapluies dansants, les immeubles modernes aussi, le grand bâtiment de l'hôpital. Tout cela posé sous le ciel d'été saturé de bleu, tout cela inscrit dans l'arc des collines où la garrigue mange le calcaire.

    Tout cela je l'embrasse du regard, tout me plaît, je prends tout.

    Et, posant ma main contre la pierre chaude du rebord, j'ai la sensation de retrouver une amie.

     

  • Au gré du vent (3) Un petit coin de paradis

    Les rues étroites de la vieille ville accueillent pour l'été une installation constituée de parapluies multicolores (on pourrait dire ombrelles, vu la saison, mais je préfère le mot parapluie va savoir pourquoi).

    Accrochés en farandole sur un fil d'acier (qu'on va dire invisible), ils font lever la tête au passant et s'éclairer son regard.

    Leur mouvement matérialise le souffle de l'air, comme sur la partition les notes viennent traduire une inspiration. La brise les fait onduler souplement, le Mistral s'entrechoquer.

    Certains, leur blocage en position ouverte ayant cédé, s'ouvrent et se ferment. Une chorégraphie à la Jean-Paul Goude.

    Au lieu d'en être réduit à lécher des vitrines toutes semblables, toutes plus fades les unes que les autres, le passant  peut suçoter d'un regard gourmand des couleurs acidulées de bonbons anglais.

     

    La rue débouche sur la place en contrebas du château. En montant (par l'escalier le moins raide) je passe tout près de quatre de ces parapluies regroupés sous un olivier. Les Causeuses de Camille Claudel. Mais en version joyeuse.

    (Ce regard tendu qu'elles ont, les Causeuses de Camille, génial, oui, mais si dérangeant …)

    Sous les parapluies vert, rouge, jaune, bleu, je les imagine autrement, ces petites causeuses-là. Je crois voir des gamines exubérantes, au verbe aussi vif que leurs couleurs.

    Je crois les entendre rire (parapluies se marrant comme des baleines, logique non ?) à me voir grimper vers le château de mon pas précautionneux.

     

    Riez-en donc, petites filles,

    j'en ris aussi moi mère grand …